Députée européenne, la tête de liste des Écologistes — Europe Écologie Les Verts à l’élection du 9 juin 2024 s’exprime pour Orient XXI sur la guerre contre Gaza, après Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel. La tête de liste des Écologistes a décidé de répondre par écrit à nos questions le 29 mai. Elle se dit favorable à la reconnaissance de l’État de Palestine et à une série de sanctions contre Israël au nom du non-respect du droit international. Elle salue le soulèvement de la jeunesse en faveur de la Palestine, et veut engager une lutte globale dans « une Europe en train de dérailler » contre l’extrême droite, l’islamophobie et l’antisémitisme.
Près de huit mois après les attaques du Hamas et le début de l’offensive israélienne contre Gaza, aucun cessez-le-feu n’est en vue. Où se trouve, à vos yeux d’écologiste et d’Européenne, la solution pour mettre fin à ce conflit meurtrier ?
Marie Toussaint. — Les silences répétés de la communauté internationale et de l’Union européenne (UE) ne sont pas étrangers à l’enlisement du conflit israélo-palestinien. J’ai pourtant la conviction qu’une politique étrangère commune digne des valeurs qui fondent les traités européens pourrait contribuer à un cessez-le-feu.
Mais alors que l’UE s’était exprimée clairement face à Vladimir Poutine, elle n’a pas été à la hauteur face à Benyamin Nétanyahou et se rend coupable d’un deux-poids, deux-mesures.
Le Parlement européen à mis des mois avant de s’exprimer clairement en faveur d’un cessez-le-feu1. Maintenant qu’il est adopté, c’est à l’Europe de se faire entendre et de prendre les mesures à même de faire pression sur Israël.
L’UE doit faire usage de ses instruments de politique étrangère de manière cohérente et systématique. C’est le gage de sa puissance et de sa crédibilité sur la scène internationale.
L’Europe dispose de nombreux leviers qu’elle n’a jamais actionnés. Elle est de loin le premier partenaire d’Israël en matière de commerce et d’investissements. Elle dispose d’un accord d’association dont nous demandons la suspension. Elle peut stopper l’assistance militaire, la livraison d’armes ou de composants militaires, sanctionner des personnalités politiques ou des colons actifs de manière ciblée, appeler à une force internationale d’interposition. Elle peut se prononcer, aussi, en faveur de l’application des décisions de la Cour pénale internationale (CPI). Elle peut enfin, au-delà des sanctions, travailler à la libération des otages.
L’Europe dispose également de marges de manœuvre pour faire avancer la solution à deux États qu’elle prône officiellement, en appelant à une reconnaissance officielle de l’État de Palestine (résolution de 2014), et reprendre un rôle central dans la gestion des négociations et pour le respect des résolutions internationales, dans ce conflit qui impacte le Moyen-Orient, mais aussi toute l’Europe.
O. XXI.— Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Kahn, vient de demander des mandats d’arrêt contre plusieurs dirigeants israéliens et du Hamas, décision sévèrement critiquée dans plusieurs pays de l’Union européenne. Les Verts sont historiquement des partisans du droit international. Qu’en pensez-vous ?
M. T. — L’action de la CPI est essentielle et je salue le courage du procureur qui a réussi à prendre une décision difficile en raison des pressions internationales à son encontre. Il est nécessaire de rappeler que la CPI est une instance indépendante.
Cette demande d’émission de mandats d’arrêt de la part du procureur de la CPI est importante pour la population palestinienne, aujourd’hui, autant que pour la population israélienne, puisqu’il faut rappeler qu’elle concerne Nétanyahou et Gallant, mais aussi trois responsables du Hamas. Au-delà d’une condamnation de ce qui se passe à Gaza, c’est pour moi la crédibilité du droit international qui se joue aussi avec cette décision, qui rappelle à toutes et tous qu’on ne peut pas commettre de massacre en toute impunité.
« IL N’Y A AUCUNE RAISON QU’ISRAËL FASSE EXCEPTION »
O. XXI.— Faut-il un embargo européen sur les ventes d’armes à Israël ?
M. T. — Bien entendu ! De manière générale, les écologistes défendent au Parlement européen et à l’Assemblée nationale un contrôle sur les exportations d’armes. Nous demandons l’introduction d’un mécanisme européen de contrôle des exportations d’armes vers tous nos partenaires et nous appelons à l’interdiction des exportations d’armes vers tous les régimes autoritaires ou violant massivement les droits humains.
En poursuivant leurs exportations à des pays qui enfreignent les droits humains, les États membres ne respectent d’ailleurs pas la réglementation européenne existante. Nous condamnons notamment la France qui contourne les réglementations européennes en ne transposant pas dans son droit la Position Commune du Conseil de 20082 sur les exportations d’armes, ce qui lui permet d’enfreindre une bonne partie des huit critères européens.
Il n’y a aucune raison qu’Israël fasse exception s’il enfreint les droits humains en utilisant par exemple sur la population occupée des armes ou composants européens.
O. XXI.— L’Espagne, l’Irlande, deux pays de l’Union européenne, ainsi que la Norvège viennent de reconnaître l’État de Palestine. Pourquoi la France ne le ferait-elle pas ? Le futur Parlement européen ne devrait-il pas s’emparer de la question de la reconnaissance par l’Union de l’État de Palestine ?
M. T. — La reconnaissance de l’État de Palestine par ces pays membres de l’UE est une excellente nouvelle. J’espère sincèrement qu’elle sera suivie d’autres décisions, on attend d’ailleurs prochainement un vote en Slovénie. Alors que 146 pays membres de l’ONU3 reconnaissent l’État palestinien, les États membres de l’UE doivent impérativement s’inscrire dans cette dynamique pour la paix. Les écologistes sont unanimes et appellent à ce que la France et l’Europe suivent, mais les majorités actuelles laissent malheureusement peu d’espoir en ce sens. Pourtant, cette décision serait un vrai pas en avant pour la solution à deux États que l’UE dit défendre et que le Parlement soutient dans ses résolutions.
Pour la famille des Verts européens, l’occupation prolongée des territoires palestiniens, à Gaza et en Cisjordanie, l’expansion record des colonies, la violence croissante des colons, les démolitions, les confiscations de terres et les expulsions, les détentions arbitraires de prisonniers politiques, sont autant d’éléments nourrissant le conflit. La reconnaissance de l’État de Palestine est une campagne que nous comptons bien mener dans notre prochain mandat en prônant la cohérence entre les paroles et les actes des députés européens… dans la suite logique de ce que nous avons déjà entamé et obtenu de haute lutte depuis le début de ce conflit, au cours des mandatures précédentes.
« NÉTANYAHOU VIOLE LE DROIT INTERNATIONAL »
O. XXI.— Il existe plusieurs accords d’association entre l’Union européenne et Israël, dont la portée et l’ampleur ne sont pas toujours claires. Êtes-vous favorable à leur maintien ?
M. T. — L’ensemble de la politique étrangère de l’UE doit être basée sur la promotion et le respect des droits humains et de la démocratie4. Cela signifie que toute action de l’UE sur la scène internationale est conditionnée par le respect du droit international sans géométrie variable. Avec Israël, cette obligation concerne aussi bien le plan d’action sous la politique de voisinage que la coopération technique et financière, que les relations économiques et commerciales ou encore les programmes de recherches, etc. Inutile de vous dire que cet engagement est diversement respecté au gré des contingences du Conseil et de la Commission. Et c’est précisément la raison d’être du Parlement de contrôler l’action de ces institutions et de garantir le respect de nos traités et la cohérence de l’ensemble de nos instruments vis-à-vis d’un pays.
Les relations entre l’Union européenne et Israël sont nombreuses et pluridimensionnelles, mais nos relations politiques sont basées sur un accord d’association qui, en son article 2 labellisé clause droits de l’Homme, rappelle que le respect des droits humains et de la démocratie constitue un élément essentiel de l’accord. Pour tous les systèmes juridiques au monde, la violation d’une clause essentielle d’un contrat emporte des conséquences. Or, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou viole le droit international. J’en appelle donc en toute logique à la suspension de l’accord d’association UE-Israël.
O. XXI.— Le gouvernement d’extrême droite israélien compte un ministre qui a parlé d’animaux à propos des Palestiniens, d’autres qui veulent chasser tous les habitants de Gaza. Il est soutenu par l’extrême droite européenne qui semble au mieux de sa forme pour les élections européennes, notamment en France. Votre réponse ne doit-elle pas être plus globale ?
M. T. — En effet, l’extrême droite française trouve aujourd’hui de nombreux points d’accord avec l’extrême droite israélienne qui tient régulièrement et sans retenue aucune des propos absolument insupportables. Les écologistes combattent les idées discriminatoires et populistes de l’extrême droite où qu’elles se trouvent.
« REFUSER DE CONFONDRE ISLAM ET ISLAMISME »
O. XXI.— Comment combattre l’islamophobie, qui est un des moteurs de l’extrême droite européenne ?
M. T. — En tant que défenseuse des droits, je lutte contre toutes les discriminations, de manière indifférenciée. Aujourd’hui, il n’y a qu’a tendre l’oreille pour entendre la haine anti-musulman se déployer : Eric Zemmour, Marion Maréchal et le Rassemblent National ont leurs équivalents dans toute l’Europe. Face à eux, tout commence par la clarté : refuser de confondre islam et islamisme, refuser de traiter les musulmans en parias, et refuser l’instrumentalisation des questions religieuses dans le débat public.
O. XXI.— On le constate, avec une hausse des agressions individuelles et des actes violents — comme l’incendie de la synagogue de Rouen —, l’antisémitisme est en hausse en France, comme dans plusieurs pays européens. Mais il donne lieu aussi à des manipulations par la Russie, avec les étoiles bleues et les mains rouges5. Comment sortir de cette zone dangereuse ?
M. T. – Je le répète, toutes les discriminations doivent être combattues, et la poussée de l’antisémitisme depuis plusieurs années est un sujet grave qui doit interpeller toute la sphère politique et être combattu pied à pied. Il n’est pas admissible aujourd’hui, que sous couvert de défense du peuple palestinien, des actes antisémites soient commis.
Quant aux ingérences russes sur notre territoire, elles sont le reflet de la guerre hybride menée par Vladimir Poutine à nos démocraties, qu’il rêve de fracturer de l’intérieur. Il nous faut donc être vigilants : certains régimes hostiles à la France ont tout intérêt à y favoriser l’importation du conflit.
« DES ANTISÉMITES S’INVENTENT UN PSEUDO-ANTISIONISME »
O. XXI.— Et comment en finir avec l’amalgame constant en Europe comme en France d’une bonne partie des sociaux-démocrates, des libéraux, de la droite et de l’extrême droite entre antisionisme et antisémitisme ?
M. T. — Appelons un chat un chat : on doit pouvoir critiquer la politique du gouvernement israélien. La société israélienne elle-même ne cesse de débattre, de critiquer, de s’opposer parfois de manière très dure sur les politiques à mener.
Ce que je ne peux cautionner en revanche, ce sont ceux qui profitent des drames pour venir attiser la haine. Des antisémites notoires — je pense par exemple à Alain Soral ou à Dieudonné — s’inventent un pseudo-antisionisme de surface pour masquer leur antisémitisme viscéral. La Palestine n’est pas leur vrai combat. Je ne suis pas dupe et je dis ceci : les antisémites n’ont pas leur place dans le mouvement de solidarité envers la Palestine. Le principe qui nous guide, c’est l’humanisme. Notre réponse est globale et cohérente : nous combattons toutes les haines, sous toutes leurs formes, et d’où qu’elles viennent.
O. XXI.— Une partie de la jeunesse européenne, très engagée ces dernières années contre le réchauffement climatique, se mobilise sans relâche dans le soutien aux Palestiniens. Elle parle de génocide, mais aussi d’écocide, avec la destruction massive du tissu urbain de Gaza.
M. T. — Je salue le mouvement étudiant. Je suis fière que notre pays puisse développer une telle mobilisation pour les sujets qui concernent — en réalité — aussi son avenir, pour les droits humains et la nature.
Mounir Satouri, qui est sur ma liste, a participé à l’organisation d’une conférence sur l’écocide en cours à Gaza avec l’association les Amis de la Terre6, car oui, ce qui se jouera à Gaza, une fois le cessez-le-feu obtenu, c’est sa reconstruction. Or la destruction quasi totale des infrastructures, des habitations, du réseau d’eau, des routes, la pollution du peu de zones agricoles, auront des conséquences à long terme et ne vont pas permettre à la population de se relever pendant de nombreuses années.
« LA COLONISATION NOUS PARAIT D’UN AUTRE TEMPS »
O. XXI.— En Palestine, l’accaparement des terres par les colons se poursuit et ils développent une agriculture intensive très gourmande en eau. Comment combattre la colonisation comme domination et comme modèle de développement obsolète ?
M. T. — En Cisjordanie, deux types de colonisation existent et prospèrent : une colonisation de type religieux (à Jérusalem-Est ou Hébron par exemple ou autour de Naplouse) et une colonisation de type économique. Aucune n’est empêchée par le gouvernement israélien et l’annexion récente de 800 hectares dans la vallée du Jourdain en est une nouvelle preuve. C’est d’ailleurs dans la vallée du Jourdain (désertique en surface mais qui dispose de nappes phréatiques) que se développe une agriculture coloniale massive qui force les déplacements de populations qui, elles, manquent d’eau et n’ont plus le droit de creuser un puits pour leur propre subsistance.
La colonisation nous paraît d’un autre temps ; elle viole les droits élémentaires des populations tout en les utilisant. Pour le gouvernement israélien, elle est un outil de développement économique certain tout autant qu’un outil d’asservissement et un outil stratégique si un partage des terres devait avoir lieu un jour. En tant que députée européenne, j’appelle Israël au respect du droit international. Depuis mai 2023, nous avons enfin obtenu de la Commission qu’elle trace mieux l’importation en Europe des biens produits dans les colonies israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés et sur le plateau du Golan. Ces produits ne peuvent plus bénéficier de droit de douane préférentiel. Ces produits devraient être purement et simplement interdits sur le territoire européen et des sanctions commerciales claires devraient être prises contre les entreprises violant les droits humains et le droit international.
O. XXI.— Sur la définition de l’apartheid israélien, en débat à gauche bien avant le conflit actuel, quelle est aujourd’hui la position d’EELV ? Y a-t-il une position commune des Verts européens ?
M. T. — Rien n’est jamais identique d’un point de vue historique, puisque chaque pays, chaque période de l’histoire est unique. C’est la raison pour laquelle l’utilisation du mot fait débat.
Ce qui est certain, c’est que si l’on regarde ce qui se passe effectivement en Cisjordanie, il y a une ségrégation. En voici quelques exemples : routes différenciées, jugements via une cour militaire pour les Palestiniens quel que soit le motif (un simple accident par exemple), droits élémentaires (eau, éducation, social…) différenciés entre un colon et un Palestinien, droits économiques contrôlés, etc.
O. XXI.— Il y a eu aussi de nombreux débats à gauche et chez les Verts après le 7 octobre sur la qualification du Hamas. Où EELV se situe-t-il à ce sujet aujourd’hui ?
M. T. — Le 7 octobre 2023, le Hamas s’est rendu coupable d’un acte terroriste inqualifiable en massacrant près de 1 200 personnes et en faisant plus de 250 otages : le Hamas est une organisation terroriste, sans aucune contestation possible. Les écologistes ont été très clairs sur ce sujet dès le premier jour. Rien ne justifie pour autant la disproportion de la réponse israélienne, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et cherche à mettre à genoux la population de Gaza qui était déjà en très grande difficulté en raison d’un blocus illégal depuis 2014. Ce n’est pas la force qui pourra permettre de sortir de l’impasse. C’est le droit qui doit, aujourd’hui plus que jamais, être réhabilité.
O. XXI.— Quel est aujourd’hui le message central des écologistes sur les enjeux mondiaux, entre le réchauffement climatique qui s’accélère et les enjeux géopolitiques, alors que le conflit à Gaza a révélé de nouvelles fractures Nord-Sud ? Et que l’Union européenne semble lâcher de nombreux engagements ?
M. T. — Sur les sujets écologiques comme sur les sujets des droits humains, l’Europe est en train de dérailler. Les deux sont d’ailleurs souvent liés. Elle oublie d’assumer ses responsabilités face aux drames humains et écologiques que subit le Sud Global, elle balaye notamment sa dette climatique d’un revers de main, et continue parfois de piller les ressources (je pense par exemple aux ressources halieutiques au large du Sénégal). Elle est en train de se décrédibiliser et de renforcer l’exaspération des populations voisines. Nous, écologistes, appelons à une réorientation des politiques européennes en faveur d’un apaisement dans les politiques de voisinage, en conditionnant les fonds européens à des projets sociaux, écologiques, économiques ou démocratiques et non en alimentant un contrôle — par ailleurs inefficace — des migrations.
« LIER LES QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES »
O. XXI.— Dans la région que couvre Orient XXI, la sortie de l’économie carbonée aura de nombreuses conséquences sur les sociétés des États rentiers de l’énergie fossile. Comment les aider à sortir de cette impasse ?
M. T. — La sortie de l’économie carbonée est essentielle pour la survie de nos modes de vie, mais l’Union européenne, sous la pression de sa majorité à droite, a entamé une grande régression sociale et environnementale. En tant qu’écologistes, nous avons toujours lié les questions environnementales et sociales. Les politiques en faveur de la décarbonation ne peuvent qu’être accompagnées de politiques sociales d’envergure pour être acceptées et pour que l’économie et les populations ne subissent pas les changements de manière trop importante, qu’ils puissent effectuer une transition. Cela vaut pour les pays producteurs comme pour les pays importateurs. C’est ce que nous avons par exemple défendu un axe social important dans le « fonds de transition juste » qui permet à la Pologne d’amorcer sa transition et bénéficie aussi à des régions industrielles françaises.
Le problème c’est qu’année après année le coût de l’inaction climatique augmente, et qu’il faut que l’Europe s’engage plus fortement. Le pacte brun entre la droite et l’extrême droite menace l’Europe. S’il est majoritaire, ses politiques annihileront toutes les avancées gagnées par l’écologie. C’est pourquoi nous appelons à voter en masse pour des parlementaires écologistes, qui défendent un avenir à la fois acceptable et vivable sur cette planète pour les jeunes générations.
JEAN STERN
Ancien de Libération, de La Tribune, et de La Chronique d’Amnesty International.
https://orientxxi.info/magazine/gaza-marie-toussaint-l-europe-dispose-de-nombreux-leviers-qu-elle-n-a-jamais,7379
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