L'ancien Président des États-Unis, Donald Trump, est désormais un habitué des cours de justice. On a l'impression qu'il leur rend visite régulièrement comme il le ferait pour sa séance de sport quotidienne.
Cette fois-ci il ne suffisait pas à ce bateleur des audiences civiles pour donner le spectacle habituel, il fallait qu'il montât sur une scène beaucoup plus appropriée à sa dimension, ou pense-t-il l'être. Voilà que le comédien crée un événement inédit dans l'histoire américaine, un ancien président jugé au pénal. Une tribune qui décuple son discours de martyr sacrifié sur l'hôtel des ennemis de la patrie.
C'est enfin une situation digne de ses frasques, à la hauteur du personnage. Il se devait de faire une entrée fracassante, de celles qu'on retiendra de lui dans son répertoire fantasque et comique.
Pour cette représentation si attendue par son publique inconditionnel, il voulait déclamer sa pièce favorite, Dreyfus accusé par l'injustice, le tribun porté à l'échafaud par l'ignominie du complot. Il en aurait, comme d'habitude, appelé au peuple américain pour qu'il dénonce l'injure au grand homme, l'insulte à la justice du grand pays dont il fut à la tête.
On lui avait « volé » la victoire aux élections présidentielles et maintenant on le traîne dans l'injure des accusations mensongères et vengeresse. Le lynchage du martyr, le chemin de croix du messie en cette période de Pâques.
Hélas pour lui, ce fut raté car l'entrée en scène fut celle du juge qui l'a devancé dans ce qui allait être les jours suivants, l'un des faits marquants relatés dans tous les médias américains ainsi que les internationaux.
Jusqu'à présent tous les juges l'avaient appelé avec déférence par son ancien titre de « Monsieur le Président ». Mais cette fois-ci, le juge a débuté la séance par « Bonjour monsieur Trump ». Un choc pour celui qui avait l'habitude de décontenancer tous ses interlocuteurs par sa gouaille et la mise en scène de son procès en chasse aux sorcières.
Le juge commettait-il une faute ? Non car il n'existe aucun texte de loi obligeant qu'on s'adresse aux anciens présidents ou ministres et de quelques autres hauts dignitaires par le titre de l'ancienne fonction.
C'est aux États-Unis comme dans la plupart des pays au monde un usage, pas une obligation. Le juge voulait manifestement signifier à Donald Trump qu'il sera jugé au même titre que n'importe quel citoyen américain ou étranger déféré devant un tribunal.
On peut imaginer la gifle ressenti par cet homme qui n'a pas l'habitude d'être confronté à plus fort que lui dans la bravade et dans la provocation. Dans cette situation, pour la première fois de son existence publique, il ne pouvait répondre. Un Donald Trump qui ne peut répondre, c'est une situation inédite.
Pire encore, le juge avait osé lui rappeler ce qui était tout à fait normal à l'ouverture d'un procès pénal mais aussi choquant pour Donald Trump qu'une injure par une gifle. Le juge lui a signifié que, comme n'importe quel prévenu, il doit se présenter à l'audience chaque jour, sous peine d'être recherché par les autorités. Et qu'il pourrait être envoyé en prison s'il perturbait l'audience.
À la sortie du tribunal, il avait enfin la parole libre mais sa déclaration fut assez plate « j'ai un problème avec ce juge ». Effectivement le juge Juan Manuel Merchan fut le même que celui dans l'affaire de fraude fiscale ainsi que dans l'accusation de blanchiment d'argent par son ancien conseiller à la Maison Blanche, Steve Bannon. C'est également lui qui avait refusé le report du procès de Donald Trump et également refusé de se récuser de l'affaire en raison du travail de sa fille avec le camp démocrate.
Peine perdue pour ce lion en perpétuel fureur. Ses rugissements n'impressionnent pas un juge qui, comme les autres, reste impassible, sauf que nous sommes dans un procès pénal, beaucoup plus grave pour un ancien Président des États-Unis.
Pour ce qui est de sa candidature aux élections présidentielles, aussi stupéfiant que cela puisse paraître, son incarcération éventuelle ne pourrait pas l'annuler. La Cour suprême s'était déjà prononcée à ce sujet après les décisions de deux États qui l'avaient interdit en raison de son appel à la sédition. La haute cour avait estimé qu'aucune disposition de la constitution ne l'interdisait.
Il ne resterait alors que la décision des électeurs dont une majorité déclarée s'est déjà prononcée sur l'intention de voter pour lui par certitude qu'il est encore victime du deep state, l'état profond c'est à dire du « système » dirait l'extrême droite en Europe.
Quel énorme glissement vers la descente dans les ténèbres d'un si grand pays qui fut le premier à rédiger une constitution démocratique et qui a compté en son sein de si grands et prestigieux Prix Nobel. Un pays qui, malgré ses nombreux travers, reste la première puissance du monde par son économie, ses forces armées et son exportation de produits culturels et de divertissements.
Le voilà aux prises avec le populisme le plus caricatural, le complotisme, le suprémacisme, la croyance en des extra-terrestres et les élucubrations d'une église évangéliste des plus radicales.
Qui aurait cru qu'un jour un sondage sérieux nous apprendrait qu'un tiers des Américains exprimeraient leur intention de voter en fonction de la position de la super star, Taylor Swift. C'est tout simplement une explosion de civilisation si les américains, surtout les démocrates et les indépendants, ne redressent pas la barre de cette catastrophique dérive.
Le juge a dit « Bonjour monsieur Trump», on aimerait tellement dire « Au-revoir monsieur Trump ».
par Boumédiene Sid-Lakhdar
Jeudi 18 avril 2024
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