es personnes inspectant les dégâts parmi les décombres de bâtiments détruits lors d’un bombardement israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 avril 2024, alors que les combats se poursuivent entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas. Photo d’illustration AFP
Il est difficile d’imaginer que quiconque au Levant et même dans tout le Moyen-Orient soit parvenu à dormir dans la nuit de samedi à dimanche dernier, alors que l’Iran lançait sur des sites stratégiques en Israël et sur les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée des centaines de drones et de missiles balistiques.
Drones et missiles ont presque tous été interceptés avant d’atteindre leur cible, suite aux efforts coordonnés des États-Unis, d’Israël, de la Jordanie et du Royaume-Uni. L’attaque de samedi répondait au bombardement par Israël, le 1er avril, du consulat iranien de Damas, qui a fait 13 morts, dont plusieurs hauts gradés du Corps des gardiens de la révolution. Cette action, qui viole clairement la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, imposait à l’Iran de réagir.
L’Iran a choisi de frapper Israël directement, une décision probablement motivée par le désir de défendre son honneur national après l’attaque du consulat qui, aux termes de la Convention de Vienne, appartient au territoire souverain de la République islamique d’Iran.
Fragile équilibre de la terreur
Paradoxalement, cette escalade dangereuse offre l’occasion unique d’un cessez-le-feu régional – qui pourrait mettre un terme à la guerre entre Israël et le Hamas, prévenir une confrontation militaire directe entre Israël et l’Iran et stopper les attaques des houthis yéménites contre les navires de commerce en mer Rouge. Les deux camps ayant prouvé leurs capacités militaires, et dans l’hypothèse où Benjamin Netanyahu écoutera la voix du président des États-Unis Joe Biden lui enjoignant de ne pas riposter, la région pourrait revenir à un fragile équilibre. Comme l’a montré la guerre froide, l’équilibre de la terreur peut constituer un puissant facteur de dissuasion et entretenir la paix et la stabilité. Mais pour tirer profit de cette étroite fenêtre d’opportunité, le Conseil de sécurité des Nations unies doit voter une résolution ferme et contraignante appelant à un cessez-le-feu dans la région. Outre à Israël et à l’Iran, cette résolution devrait s’appliquer à tous les pays de la région et aux combattants tiers.
En outre, cette résolution contraignante devrait s’attaquer à la question centrale ayant conduit à la flambée actuelle d’instabilité régionale, la guerre à Gaza. Dans la continuité de la précédente résolution du 25 mars, pour laquelle les États-Unis se sont abstenus, le Conseil de sécurité doit exiger l’arrêt immédiat du bombardement en cours de Gaza par l’armée israélienne, ainsi que la libération des otages israéliens et des détenus. En requérant des parties qu’elles « respectent les obligations que leur impose le droit international à l’égard de toutes les personnes qu’elles détiennent », la résolution pourrait aussi contribuer à la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Contrairement à ce qu’ont prétendu certains élus de la Chambre des représentants à Washington, la résolution votée le 25 mars est bel et bien contraignante. Mais étant donné le risque d’une guerre ouverte, le Conseil de sécurité doit sans attendre rédiger et voter une nouvelle résolution couvrant toute la région en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Cette nouvelle résolution devrait avoir pour objectif de contribuer à une solution permanente et juste du conflit
israélo-palestinien en proposant une feuille de route détaillée afin de fonder un État palestinien indépendant sur la base des frontières de 1967. Comme l’a rappelé l’Arabie saoudite, une solution politique crédible est indispensable à la normalisation de ses relations avec Israël.
Au cours des six derniers mois, l’administration Biden a soutenu inébranlablement Israël, au risque de perdre l’appui politique de l’électorat arabo-américain progressiste. Aujourd’hui, les responsables politiques américains doivent faire comprendre au gouvernement israélien qu’ils ne toléreront pas davantage les atermoiements ou les manœuvres dilatoires quand il s’agit de rechercher la paix.
Certes, la reconstruction de Gaza prendra des années et exigera un important effort international. Mais un cessez-le-feu régional effectif et qu’il sera possible de faire respecter constitue un premier pas indispensable. Faute de quoi l’on risque de perpétuer un cycle sans fin de guerre et de souffrances, qui ne profite à personne, aux Israéliens et aux Palestiniens, las d’un conflit qui dure depuis des dizaines d’années, moins qu’à quiconque.
Le bombardement du consulat iranien et la riposte iranienne sur Israël présagent de ce que coûterait une guerre régionale. Renoncer à saisir cette chance peut-être unique de désescalade pourrait ramener toute la région des décennies en arrière. L’obtention immédiate d’un cessez-le-feu dans toute la région doit être la priorité absolue pour la communauté internationale.
Copyright : Project Syndicate, 2024.Traduit de l’anglais par François Boisivon.
Journaliste palestinien maintes fois récompensé, a été professeur de journalisme à l’Université de Princeton. Il est le fondateur de l’Institut des médias contemporains – Institute of Modern Media – de l’université ouverte al-Qods à Ramallah, qu’il a lui-même dirigé.
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OLJ / Par Daoud Kuttab, le 20 avril 2024 à 00h00.https://www.lorientlejour.com/article/1411048/le-face-a-face-teheran-tel-aviv-souligne-lurgence-dun-cessez-le-feu-a-gaza.html