Lazare, tu dors ?
Guerre de nerfs
de rang
de race
de ruines
de fer
de laquais
de cocardes
de vent
de vent
de vent
de traces d'air, de mer, de faux
de frontières, de misères qui s'emmêlent
qui nous emmêlent
sous le cric, sous le mépris
sous hier, sous les débris de la statue tombée
sous d'immenses panneaux de « veto »
prisonniers dans le fumier
sous demain reins cassés
sous demain
cependant millions et millions d'hommes
s'en vont entrant en mort
sans même un cri à eux
millions et millions
le thermomètre gèle comme une jambe
mais une voix d'une stridence extrême ...
et millions et millions commandés du Nord
au Sud
s'en vont entrant en mort
Lazare, tu dors ? dis ?
Ils meurent,
Lazare
Ils meurent
et pas de linceul
pas de Marthe ni de Marie
souvent même plus le cadavre
Comme un fou, qui pèle une huître, rit
je crie
je crie
je crie stupide vers toi
si quelque chose tu as appris
à ton tour, maintenant
à ton tour, Lazare !
HENRI MICHAUX (1899~1984)
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