La question est souvent posée : est-il nécessaire de commémorer le 11-Novembre alors qu'il n'y a plus de Poilu vivant ?
Laurent Legendre : Lorsqu'on discute avec les jeunes d'aujourd'hui, on voit bien que quasiment tous ont un aïeul qui a fait la Grand guerre, qu'il en soit revenu ou non. Si nous avons la chance, depuis presque 80 ans, de ne pas connaître de guerre classique sur notre territoire, c'est parce que des soldats sont tombés pour la France en 14-18 ou en 39-45. Ils ont œuvré pour la paix dont nous bénéficions aujourd'hui. Les oublier, ce serait revenir à dire qu'ils sont décédés pour rien. L'oubli est la deuxième mort du soldat.
D'accord, mais certains disent que le calendrier comporte trop de commémorations...
Il y a dix commémorations officielles. Celles du 11-Novembre et du 8-Mai sont les plus connues, et l'Onac a l'obligation d'en organiser au moins une au niveau départemental. À charge ensuite pour les communes de mettre sur pied, si elles le souhaitent, une cérémonie dans leur village avec les associations d'anciens combattants. Ce n'est pas obligatoire, juste fortement conseillé. Les autres dates officiellement célébrées sont : le 19 mars, fin de la guerre d'Algérie ; le dernier dimanche d'avril l'hommage aux déportés ; le 8 juin la guerre d'Indochine ; le 18 juin l'appel à la Résistance du général de Gaulle ; le 16 juillet, la mémoire des victimes du régime de Vichy ; le 25 septembre, l'hommage aux harkis ; le 5 décembre, la commémoration pour l'ensemble des combattants de toutes guerres. À ces commémorations s'ajoute la journée pédagogique de la Résistance, calée au 27 mai, en lien avec les écoles. Nous voyons bien que chaque date revêt sa spécificité. Je ne sais pas si l'on peut affirmer qu'il y en a trop, car pour chaque type de conflit, il y a des victimes collatérales.
Vous parlez des familles des soldats ?
Exactement. Au sein de l'Onac, nous veillons sur elles. À chaque fois, nous sommes confrontés à des situations particulières, des histoires singulières. Notre travail, c'est de montrer que chaque victime, au-delà des indemnités auxquelles elle a droit, bénéficie avant tout de la reconnaissance de l'État.
Alors que plus aucune guerre n'a lieu sur notre sol depuis 1945, y a-t-il encore des victimes à accompagner ?
Bien sûr ! Il y a encore des veuves des combattants d'Algérie, par exemple. Mais plus récemment, il y a eu des opérations militaires, ou des guerres à l'étranger, celles de l'ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Le 23 octobre, nous nous sommes efforcés de nous rappeler des 58 soldats français décédés en octobre 1983 lors des attentats du Drakkar à Beyrouth. Ce sont des événements moins connus que les deux guerres mondiales, mais qui ont des conséquences encore importantes chez de nombreuses familles aujourd'hui. Avoir une armée de métier éloigne parfois les jeunes civils d'une certaine réalité : c'est grâce à ces militaires professionnels que leur paix est garantie.
Certains hommes politiques ont émis l'idée d'un possible retour au service militaire sous une forme ou une autre. Qu'en pensez-vous ?
Certains commencent effectivement à en parler, mais je ne commenterais pas le bien-fondé ou non d'une telle mesure. La question se posera peut-être avec nos futurs gouvernants. Ce que je peux dire à présent, c'est que nous avons une vraie chance de disposer d'une armée de métier très opérationnelle aujourd'hui. Mais sans doute a-t-elle besoin de recruter davantage pour mieux lutter encore contre une nouvelle forme de guerre présente sur le territoire : le terrorisme. Quant à la politique, elle a su créer une sorte de bouclier de paix en construisant l'Europe et une solide amitié franco-allemande. Alors que les élections européennes se profilent, il me semblait important de rappeler que l'Europe contribue grandement à la paix. Car dans le fond, ce que nous célébrons dans les commémorations, c'est cela : la volonté de construire durablement la paix.
https://www.hebdo-ardeche.fr/actualite-14300-ardeche-l-oubli-est-la-deuxieme-mort-du-soldat
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