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Berbères. La Cité des marchands... Roman historique de Mourad Chetti, Casbah Editions, Alger 2023, 316 pages, 1.500 dinars
On a eu déjà trois ouvrages consacrés aux «Berbères». Après «L'invasion des Massaeyles», «Le pays des Massylès» et «Le codex d'Aylimas», dans ce quatrième volet, l'aguellid des Massaeylès, Gaïa, qui n'a d'autre choix que de s'allier avec la République des marchands, Karthage, et la famille royale des Massylès, s'exile à Hibboune la royale.
Le pacte d'alliance prévoit que son fils Massinissa, prince des Massylès, aille poursuivre sa formation à Karthage, en tant qu'otage royal, accompagné de la reine Titrit. Il y rencontrera Safanis Baal, la fille du général Azrou Baal, avec laquelle il nouera une idylle brûlante qui le poussera à provoquer à la fin de son instruction une offensive contre Syphax, dont il sortira vainqueur, sa mère toujours à ses côtés. Le général Astour Baal lui promet la main de Safanis Baal, dès son retour d'Espagne où la guerre entre Karthage et Rome fait rage. Pendant ce temps, le général Hanni Baal vole de victoire en victoire sur le sol romain...
Une chronique fourmillant de détails et romancée, dédiée à la Numidie, au temps de l'encor' prince héritier Massinissa (par la suite, il règnera durant 43 ans, autant que Ramsès II). Bien sûr, il y a, aussi, des combats, des conspirations, de la trahison, de la colère, une ville puissante, un port marchand où l'on parlait le berbère, le punique et le grec, sans compter d'autres langues aux sonorités de plus en plus étranges, mais gagné, de plus en plus, par la corruption marchande, la négociation (faisant oublier les générations de bâtisseurs et de conquérants)... et de l'amour.
Une chronique de deux héros puniques, le premier en devenir et qui va commencer, après un dur apprentissage des armes à Karthage («le meilleur entraînement militaire au monde et sans doute la meilleure éducation aussi»), à voler de victoire en victoire sur le front ibérique. Toujours montant le même destrier, Tzil. Et ce, toujours prince et amoureux fou de Safanis Baal, sa promise; le second celui de Hanni Baal parti conquérir la Gaule et l'Italie... et abattre Rome.
L'Auteur : Originaire de Chullu (Collo). Professeur de Civilisation en début de carrière (Université de Constantine). Se spécialise par la suite en communication et en commerce international. Enseignant en management des entreprises, journaliste, chroniqueur...
Extraits : «Karthage se distingue par l'opulence de ses citoyens, la culture de ses élites, le prestige de son activité maritime et commerciale, mais aussi par la pratique rigoureuse de la religion. Beaucoup de jeunes aristocrates embrassent le métier de prêtres» (p 60), «Si le Punique prédominait presque partout, Karthage était une cité où apparemment toutes les affinités du monde pouvaient se croiser, s'entrecroiser et se séparer sans aucun préjugé de supériorité, à part, peut-être, la foi de Baal, la religion des origines» (p 84), «Le Seksou n'est pas le fruit du hasard... Il a une dimension mystique, car il porte en lui l'empreinte de quatre éléments nécessaires à la transmutation alchimique.Le feu... la terre... l'eau... l'air» (p 159).
Avis : Vivre durant plusieurs années avec Massinissa à Karthage et avec Hanni Baal durant sa campagne romaine... c'est plus qu'instructif... mais épuisant. Passionnant mais trop de détails sur la vie quotidienne ce qui éloigne de l'essentiel.
Citations : «La richesse sans but conduit à la corruption et à l'oisiveté. Ces deux vices qui affaiblissent le sentiment de patriotisme, avec le risque que cette puissance tombe entre les mains de personnes qui ignorent la destinée de la patrie» (p97), «Laisse-toi appeler peureux au lieu de prudent, lent au lieu de réfléchi, incapable au lieu d'habile général. J'aime mieux te voir craint d'un ennemi sage que loué par de sots concitoyens» (p137), «La nature du Berbère est faite pour nous rappeler que si parfois ils deviennent nos alliés, on ne peut jamais les considérer comme des amis» (Un suffète Karthaginois, p230), «La désignation d'un dictateur est un recours utilisé uniquement en cas de péril extrême» (p149), «Nous allons nous entretuer, fils. Le Berbère fera couler du sang berbère. Et c'est l'étranger à notre terre qui récoltera le fruit de ces affrontements» (Le roi Gaïa à son fils Massinissa, p 284)
Berbères. Le pays des Massylès. Roman de Mourad Chetti. Casbah Editions, Alger 2017, 800 dinars, 380 pages (Ouvrage déjà présenté. Extraits de fiche de lecture pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com
L'auteur l'avoue lors d'une rencontre tenue récemment à Constantine : il n'a pas utilisé, dans le titre, le terme «Amazighs» mais «Berbères»... Autre approche: l'écriture romancée de l'Histoire... une «légèreté» assumée, bien qu'il n'est ni le premier ni le dernier à utiliser ce subterfuge stylistique qui rapproche bien plus l'écrivain (et l'historien) du grand public. Tant mieux !
Un biais qui, donc, ne peut qu'accrocher : raconter l'histoire du pays en se fixant sur un pan et/ou un personnage bien précis. Cela permet de sortir des généralités d'une part, et d'autre part de «ratisser large» par la suite. Un biais qui manquait cruellement à l'édition nationale, bien que l'on ait vu des expériences éditoriales réussies.
L'histoire ? Racontée en l'an 804 du calendrier berbère, par le roi de toute la Numidie, Massinissa, «unificateur de la Numidie et roi des tribus intérieures (durant 56 ans), maître de Gétules et Aguellid du peuple de la terre»... fils de Gaïa... fils de Zelaslan, neveu de Maghdis (c'est sous son règne que fut édifié le Madghacen, du côté de Batna)... descendant d'Aylimas... fils de Ylès, lui-même... fils de Aylimas 1er.
L'histoire ? C'est celle de la nation Massylès, occupant toute la partie orientale de la Numidie, à l'est de l'Algérie actuelle et la partie occidentale de la Tunisie. Les autres occupants - en partie occidentale, en Algérie centrale et occidentale- n'étaient autres que les Massaesyles, les cousins ou frères ennemis) Le roman démarre avec l'histoire de Ylès le prince berbère (...)
L'histoire ? Celle d'un peuple guerrier, fier, ne pratiquant pas l'esclavage, donnant le premier rôle à la famille et aux clans, pratiquant une gouvernance «démocratique» (élection d'un chef, l'Aguellid, appuyé par l'assemblée des délégués des tribus qui n'avait pas le pouvoir absolu- pour assurer la cohésion intertribale ) et, surtout, ne supportant pas l'exploitation par d'autres peuples étrangers, d'où une lutte (politique et militaire) incessante contre les occupants à l'image des féodaux karthaginois (de la «cendre des Troyens») accueillis, au départ, au niveau du golfe de Tunis, en «réfugiés pacifiques», venus de Tyr avec, à leur tête, une femme, Elyssa (qui sut s'y prendre avec l'Aguellid Yarbaal sensible à ses charmes... qu'il ne goûta d'ailleurs pas), mais peu peu devenus assez puissants et colonisateurs du pourtour méditerranéen. Rome est venue par la suite; les relations, longtemps cordiales, du moins tant que dura la domination grecque sur la mer Méditerranée, avec Kharthage, s'étant, peu à peu, détériorées.
Karthage, s'appuyant sur les comptoirs phéniciens et existants et disséminés le long des rivages... face à Rome et la force de ses légions. Et, la Numidie comme enjeu économique et militaire. Déjà !
L'Auteur : Voir plus haut
Extraits : «Lorsque l'âme d'une personne était agitée, il pouvait en résulter l'ambition ou la haine. Seule la raison pouvait produire un comportement vertueux à travers la justice, la force, la prudence et la tempérance» (p 92), «Les deux fondements d'une éducation sont la gymnastique et l'art. Et la spiritualité ? Elle fait partie de l'éducation morale. C'est pour cela qu'il est primordial de donner un sens pédagogique à la transmission du savoir aux jeunes générations» (p92).
Avis : Des chroniques assez vivantes- bien plus qu'un roman. Passionnant ! Peut-être trop d'histoires et des histoires trop détaillées, avec souvent des raccourcis... ce qui rend la lecture et le suivi de l'aventure berbère difficile. On s'y perd un peu ! (...)
Citations : «Celui qui aime partager verra dans le regard de celui qui reçoit les signes de la gratitude» (p16), «Celui qui m'enseignera vaudra mieux que celui qui me donnera» (p50), «Quand la calomnie s'insère au milieu de l'amitié, c'en est fini de la prospérité des corps» (p68), «L'inhabileté de l'artisan ne provient pas de la mauvaise qualité de son art. L'absence de talent d'un musicien n'est pas la faute de la musique. L'artiste peut être un ignorant, mais chaque art possède le mérite qui lui est propre» (p150)
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Samedi 7 octobre 2023
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5324240
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