Contraints de quitter la moitié nord de la bande de Gaza sous la menace de l’offensive terrestre de l’armée israélienne, les Palestiniens ne disposent pas des moyens de subsistance les plus élémentaires.
En pleurs, la directrice de l’école de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, ne trouve pas les mots faire comprendre le chaos. Alors elle se contente de convoquer un chiffre : 15 000 réfugiés palestiniens ont trouvé asile dans son seul établissement en l’espace de 24 heures.
Tous sont partis dans l’extrême urgence, sans provisions, du nord de l’enclave palestinienne. Tous ont fui l’offensive terrestre imminente de l’armée israélienne. Très vite, le chiffre est monté à 22 000, et d’autres arrivent encore.
Au bout de la détresse
Impossible de faire face, alors que 1,1 million de personnes vivent dans la partie nord du territoire. « Je suis la responsable de ce centre de mise à l’abri, et je ne peux rien leur offrir, ni eau, ni nourriture », se désespère-t-elle, gilet bleu de l’UNRWA (l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens) sur le dos. « S’il vous plaît, je vous en supplie, sauvez Gaza. Il meurt, il meurt, il meurt », lance-t-elle dans son SOS via une vidéo diffusée en ligne samedi soir.
Son cri témoigne de l’aggravation d’une situation déjà intenable, depuis l’ordre lancé vendredi 13 octobre par l’armée israélienne d’évacuer « tous les civils de la ville de Gaza de leurs domiciles vers le Sud, pour leur propre sécurité et protection ». Dimanche 15 octobre, sous la pression de cet ultimatum, le nombre de personnes déplacées a considérablement augmenté, atteignant le million, pour une population totale de 2,3 millions d’habitants.
La rivière Wadi Gaza sert de ligne de démarcation à cette injonction. Cela faisait peu de temps qu’au prix d’efforts titanesques des Palestiniens et de la communauté internationale, l’eau coulait de nouveau dans son lit. Le symbole de renaissance servira finalement de limite au sud de laquelle la population devrait être épargnée par les frappes et le déploiement des troupes dont l’objectif est de « liquider » le Hamas, organisation islamiste responsable de l’attaque sanglante lancée le 7 octobre contre Israël.
« Je me retrouve à remettre en question le silence du monde »
« On a l’impression que le droit à la vie a été éteint », résume Hussein Owda, père de famille délogé trois fois en une semaine par le déluge de bombes, avant d’atterrir lui aussi dans l’école de Khan Younès. De son appartement flambant neuf du quartier d’Al-Karama, dans la ville de Gaza, tout d’abord. Totalement pulvérisé. Ensuite de la maison voisine des parents de sa femme. « Par un miracle du sort, j’ai réussi à extraire ma voiture des décombres et nous nous sommes enfuis, notre pare-brise brisé, nos sièges couverts de verre brisé. » Enfin la famille a pris la route un peu plus au sud pour rejoindre un parent qui logeait déjà 13 autres ménages.
C’est à ce moment qu’est tombé l’ordre israélien, appuyé par l’intensification des frappes. « Notre survie, si nous pouvons l’appeler ainsi, signifie préserver nos signes vitaux, mais la question demeure : survivrons-nous réellement ?, s’interroge-t-il. J’ai toujours été contre la violence, aspirant à la paix et défendant l’humanité et les droits. Au milieu de cette immense impuissance et de cette injustice profondément enracinée, je me retrouve à remettre en question le silence du monde. »
Mourir bombardé ou assoiffé
Pour l’heure, l’Égypte, seule voie de sortie vers le sud, via le poste frontière de Rafah, freine autant qu’elle peut l’accueil de camps de réfugiés dans le Sinaï. Le Caire place tous ses efforts diplomatiques dans l’acheminement de l’aide humanitaire internationale, non garanti à ce stade par Israël, qui exerce un « blocus total » sur la bande de Gaza. Le président Abdel Fattah Al Sissi propose d’organiser prochainement un « sommet régional et international sur l’avenir de la cause palestinienne », mais refuse « le déplacement de populations qui vise à en finir avec la cause palestinienne aux dépens des pays voisins ».
À Khan Younès, le plus extrême dénuement pousse certains à envisager l’impensable, témoigne Monther Shoblaq, directeur général du plus important service des eaux du territoire palestinien, dont la structure ne fonctionne plus depuis six jours. Tout le monde n’a pas eu la chance, comme lui, de rejoindre une maison familiale. « Une majorité de la population a décidé de rester dans la ville de Gaza et ailleurs dans le Nord. Pire, certains, arrivés jusqu’ici, envisagent même d’y retourner. » Dimanche après-midi, la Maison-Blanche affirmait qu’Israël lui avait annoncé le rétablissement de l’eau dans le sud de Gaza.
https://www.la-croix.com/international/Bande-Gaza-exiles-Sud-luttent-leur-survie-2023-10-15-1201286936
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