Décidement, la France n’est pas pour rien le pays de la mode : après les années hidjab, les étés burkini, nous voilà donc face à une rentrée abaya.
Après les années hidjab, les étés burkini, nous voilà donc face à une rentrée abaya. Notre connaissance du vestiaire islamique devient encyclopédique : la France n’est pas pour rien le pays de la mode. D’ailleurs, on a vu, la même semaine que la polémique sur ces tuniques longues, le retour remarqué de LVMH, en la figure du contesté Johnny Depp, égérie du groupe de luxe, parmi les annonceurs du « Journal du dimanche » (« JDD ») nouvelle formule. Celui de Geoffroy Lejeune et des batailles culturelles sans fin pour rasseoir les concepts d’une suprématie blanche au rang des théories politiques acceptables. Ce « JDD » qui, selon Sarkozy demeure un bastion du centre droit, même dirigé par le journaliste qui avait fait de « Valeurs » un fanzine zemmourien. Les obsessions identitaires, autrement dit, sont au cœur de notre pacte républicain. Et l’abaya de passer, en quelques cases habilement jouées, d’un magazine d’extrême droite au discours de rentrée du nouveau ministre de l’Education nationale, qui a décidé de l’interdire à l’école.
Les demi-habiles ont dénoncé un contre-feu destiné à masquer des problèmes autrement plus criants, quant à la pérennité du pacte républicain, affectant l’école. Je ne crois plus qu’on en soit là, à dénoncer l’usage politique du racisme et de l’islamophobie. Je crois, en cette affaire, le ministre et son gouvernement parfaitement sincères.
On a répété que l’interdiction de l’abaya allait engendrer des ruptures graves du pacte républicain – car comment distinguer une abaya d’une tunique longue, sinon en habillant celle-ci d’intentions invisibles, ce qui aurait mécaniquement pour conséquence qu’on laissera passer les filles blanches, mais qu’on soumettra les « Arabes » à un interrogatoire poussé sur leurs choix vestimentaires et préférences religieuses. L’Etat, censé garantir la liberté de conscience, vient de réinventer le confessionnal : il prendra place dans les bureaux des proviseurs ou, mieux, par une ironie sordide et vengeresse, dans ces guérites en verre blindé qui protègent désormais les établissements scolaires des intrusions terroristes.
Le président, gêné l’autre jour par les relances de HugoDécrypte, a eu beau insister sur le fait qu’il ne faisait pas de parallèle entre le port de l’abaya et la mort de Samuel Paty, il a néanmoins attribué aux deux événements une cause commune : le mépris des règles de la laïcité.
Aurélien Bellanger
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https://www.nouvelobs.com/chroniques/20230916.OBS78229/abaya-des-annees-longues-comme-des-jupes.html
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