Memoir Editions Smithsonians Books, Collins, New York, 2005, 286pages.
Rares sont les témoignages de cette qualité, tant pour la forme que pour le fond. Franco-américain, journaliste de profession, Sanche de Grandmont (devenu Ted Morgan), fils d’un Français libre, fait les EOR pour tenter d’échapper à la guerre d’Algérie, mais se retrouve dans le bled, en septembre 1956. Sous-lieutenant au sein du 1er régiment d’infanterie, il connaît l’épreuve du feu auprès de ses soldats sénégalais.
Remarqué par Massu au cours d’une permission, il est témoin direct de l’ensemble de la « bataille d’Alger », de janvier à octobre 1957, comme rédacteur à la revue de contre-propagande Réalités Algériennes.
Dans la rue d’Isly lors de l’attentat dit du bazooka, il échappe ensuite à deux autres attentats, dont celui du Casino de la Corniche.
Esprit curieux, séduit par la forte personnalité et les méthodes, sauf l’emploi de la torture, du colonel Bigeard, il sillonne Alger et sa périphérie, de la Casbah, à la Mitidja, en passant par le bordel de luxe pour officiers supérieurs, Le Léopard. Il décrit aussi les officines de sévices en tout genre telle la villa Sésini.
Il fréquente tous les milieux, Français d’Algérie, grandes familles, juifs, petites gens de Bab-el-Oued, sympathisants ou membres du FLN que sa double nationalité, son culot, et ses habits civils lui permettent de rencontrer.
De sorte que cet acteur-témoin reste convaincu que la France perdit la guerre à Alger sur le plan diplomatique et moral pour le gain de quelques mois de tranquillité après les vagues d’attentats aveugles.
Ted Morgan confirme que ce fut bien le commandant Aussaresses qui exécuta Maurice Audin. Il cite des rapports de police, qu’il a eus en main, sur les vols commis par les paras, décrit les méthodes employées par les tortionnaires, tout en démontrant, surtout pour la seconde phase de la bataille d’Alger, que la torture n’a pas été le seul moyen de renseignement. Il est en effet le premier à évoquer l’utilisation, à Alger, de la photographie aérienne, mais aussi comment Yacef Saadi livra Ali-La-Pointe.
Il a suivi tous les procès d’Alger et rencontré le sulfureux Me Vergès, surnommé « Maître Guillotine ».
Enfin, ce témoignage de toute première importance, croisé par les relectures de ces anciens camarades encore vivants, évoque le cas unique d’un lieutenant de parachutiste, fin 1957, dans l’Est algérien. Ayant refusé de commettre un crime de guerre, il fut dégradé et humilié. Déserteur, il fut exfiltré d’Algérie par le FLN.
Le pourquoi de ce livre à destination du public américain tient dans une réflexion et une comparaison : la « bataille d’Alger » annonce le bourbier irakien, mais le total des morts par attentats ne représente qu’à peine deux jours de la « bataille de Bagdad ».
Référence électronique
Jean-Charles Jauffret, « Ted Morgan, My battle of Algiers. A Memoir », Revue historique des armées [En ligne], 248 | 2007, mis en ligne le 21 juillet 2008, consulté le 06 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/rha/1723
.
Les commentaires récents