Après l'exposition inaugurale de Luc et Sophie Bernad, le vernissage de ce mardi soir a présenté les artistes des deux prochaines semaines, mis pour la première fois à l'honneur à la Halle Ronde de Givry.
Vingt-cinq ans les séparent, leurs styles sont bien différents, et pourtant leurs histoires les rassemblent. Jean Schuck a des origines du côté de Metz et se consacre sans relâche à ses créations depuis son retour de la guerre d'Algérie en 1960. La même année naissait Jean-Pierre Orrù à Farébersviller, non loin de Metz. Même si l'un n'est resté à Constantine que quelques mois et l'autre que quelques années en Moselle, ces tranches de vie ont contribué à leur art.
Les parents de Jean-Pierre Orrù ont quitté leur Sardaigne natale pour venir travailler dans la noirceur du charbon avant de repartir pour Milan après un « accident du fond du trou », comme chantait Pierre Bachelet. Trop jeune pour en garder un souvenir vif, Jean-Pierre se rappelle une enfance sombre à travers la France des mines que lui racontait son père.
D'où le besoin pour l'artiste, accompagné de son épouse Graziella et de cousins établis durablement dans la région, de faire jaillir la couleur et l'énergie de la nature, à la manière de ce cadre qui évoquera pour les passionnés d'astronomie les impressionnantes images de galaxies au milieu d'un cosmos froid et éteint. Est-ce une coïncidence, mais Farébersviller ressemble à « die Farbe », la couleur en allemand.
La Méditerranée, de Cassis à la Kabylie en passant par les nuraghe
Jean-Pierre se dit ainsi honoré de s'exprimer en France, qu'il considère un peu comme sa seconde maison : « La mia storia è nata quà » (Mon histoire est née ici). Quand on lui demande s'il en a gardé la mentalité française, « il tempo dirà ». Mais il n'oublie pas ses racines pour autant : s'adonnant également à la sculpture sur bois, il présente un symbole de la mystérieuse culture nuragique, dont l'essor sur l'île sarde remonte à l'âge du bronze.
Les dépictions anciennes, Jean Schuck en a fait lui aussi l'un de ses thèmes. Dans nombre de ses peintures rupestres, on retrouve certaines silhouettes humaines dignes du solutréen de Lascaux ou du Sahara… dont justement en Algérie (Tassili N'jer) et qu'on retrouve presque dans le drapeau du peuple Amazigh. Un fort contraste avec la toile qui accueille le visiteur, lequel y reconnaîtra un Chalon urbain et très 20e siècle, entre Espace des Arts et arches du Pont de Bourgogne.
Celui dont la famille dut quitter sa Lorraine natale après la défaite de 1870 a passé sa carrière à exprimer ses interrogations philosophiques au travers de ses « méandres » de couleur et des plis en trois dimensions de sa peinture, toile de lin et résine de polyester à l'appui. À l'instar de la jeune femme soucieuse, il est dubitatif quant à l'avenir et à la direction que prend un monde qui se cherche.
Ce sont tantôt dans des visages, tantôt dans des paysages de neige ou de calanques que l'on retrouve des volumes saillants et des crevasses dont les mystères échappent à la compréhension humaine, un peu comme la politique spectacle permet de détourner l'attention du citoyen des desseins cachés. Et parmi ces calanques, celles de Cassis, dont il paraît qu'on ne prononce pas le s, contrairement au cassis des kirs que les participants au vernissage ont pu partager.
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