Ce lundi, on commémore l’anniversaire des massacres coloniaux de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, qui firent des dizaines de milliers de morts, et dont la mémoire continue d'être effacée chaque année.
Le 8 mai 1945 est aussi l’anniversaire caché et mis sous le tapis par l’État français d’un des nombreux épisodes de sanglante répression coloniale. A l’époque, à plusieurs centaines de kilomètres de la liesse populaire qui s’exprime dans les rues de Paris, l’État colonial répond à une mobilisation indépendantiste par le massacre de dizaines de milliers d’Algériens.
Le 1er mai 1945, le Parti populaire algérien, appelle le peuple algérien à manifester pour son indépendance, à l’occasion de la journée Internationale des travailleurs. La mobilisation se poursuit le 3 mai à Annaba, jour de la reprise en main de Berlin par les Alliés, le 4 à Guelma, etc. Le 8 mai 1945, à huit heures du matin, plusieurs milliers de manifestants « indigènes » se rassemblent à Sétif. A 9h25, Saal Bouzid, jeune homme algérien est assassiné par un policier français.
Il est coupable d’avoir osé, avec des milliers d’autres « Arabes », revendiquer l’indépendance et la liberté pour le peuple algérien, ainsi que la libération du leader nationaliste, Messali Hadji. Cet assassinat donne lieu à des révolte dans les jours qui suivent, cristallisant plus d’un siècle d’humiliations et de privations. En face, la répression, menée par le général Duval, engageant l’aviation et la marine, est une véritable boucherie.
L’armée coloniale procède de la manière la plus brutale face aux manifestations. Comme le rappelle le Monde Diplomatique : « Les civils européens et la police se livrent à des exécutions massives et à des représailles collectives. Pour empêcher toute enquête, ils rouvrent les charniers et incinèrent les cadavres dans les fours à chaux d’Héliopolis ». Quant à l’armée, son action a fait dire à un spécialiste, Jean-Charles Jauffret, que son intervention « se rapproche plus des opérations de guerre en Europe que des guerres coloniales traditionnelles ». Dans la région de Bejaia, 15 000 femmes et enfants doivent s’agenouiller, à Kherrata, les cadavres des manifestants ont été jetés dans le fleuve par des camions de l’armée coloniale.
Au total, plus de 45 000 algériens sont assassinés sur tout le territoire d’après le PPA. Des chiffres dont l’ordre de grandeur est confirmée par les historiens, alors que l’État français n’aura de cesse de les minimiser. 78 ans plus tard, celui-ci n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les massacres. Et Macron, malgré ses gesticulations autour du rapport Benjamin Stora, n’aura rien eu à dire ce 8 mai 2023, comme les précédents, sur la répression coloniale et sanglante initiée à partir du 8 mai 1945.
A l’inverse, pour le chef de l’État, comme pour ses prédécesseurs, il faudrait, à grand renfort de drapeaux tricolore et de Marseillaise, « entretenir la mythologie hexagonale selon laquelle la France, fille aînée de la Révolution et des droits de l’Homme, a su rester, malgré les épreuves et l’Occupation, fidèle à des glorieuses traditions » comme le note O.Lecour Grandmaison dans un billet pour le Club de Mediapart. Et faire oublier, « en même temps », que le déchaînement de la répression de mai 1945 dans le Constantinois a exprimé la réalité crue de l’État colonial français.
La sauvagerie dont les colons firent preuve tout au long de ce mois sanglant préfigura la guerre d’Algérie à venir, ainsi que l’acte de naissance du FLN, le 1er novembre 1954. Le peuple algérien avait « appris », c’est-à-dire pris conscience de l’impossibilité du dialogue et du pacifisme face à la barbarie coloniale.
Nathan Erderof
8 mai 2023
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