Il s’agissait d’un texte symbolique et politique que le groupe écologiste à l’Assemblée nationale avait décidé de présenter dans le cadre de leur niche parlementaire jeudi : faire reconnaître la répression des manifestations d’Algériens du 17 octobre 1961 en « crime d’État », rapporte le site de20 Minutes. En plein contexte de guerre d’indépendance de l’Algérie, cette manifestation s’était tenue à l’appel de la Fédération de France du FLN. Si l’initiative n’avait pas été déclarée, elle restait pacifiste. Mais des défilés sur les grandes artères parisiennes ont donné lieu ensuite à des affrontements et les policiers ont fait feu.
À ce jour, aucun bilan précis n’est connu, de 38 à 200 morts selon les estimations. Mais au vu des faibles chances de voir le texte adopté, le groupe écologiste a décidé de retirer la résolution, selon les informations de 20 Minutes. La majorité étant opposée à reconnaître cet événement comme un « crime d’État », ce que proposait la rapporteuse du texte, Sabrina Sebaihi. En réunion de groupe ce mardi matin, il y aurait même eu un « gros clash » interne à la suite de cette décision.
Une autre résolution dans quelques semaines ?
Pour le chef de file écologiste du texte, la pilule a du mal à passer : « Ça, on ne le découvre pas aujourd’hui », tance Benjamin Lucas à propos de l’opposition du gouvernement à reconnaître l’événement comme crime d’État. Car pour les écologistes, le temps est précieux au cours de cette niche parlementaire, la seule de l’année où chaque groupe a la main sur l’ordre du jour. Comme la journée commence à 9h et se termine à minuit, il n’y a pas de temps à perdre selon la direction écologiste, qui souhaite donc en gagner en éliminant les textes qui ont peu de chances de passer.
Une prise de position que ne comprend pas la rapporteuse du texte. Avant même la décision de son groupe, Sabrina Sebaihi regrettait ces considérations sur le temps : « C’est quand même compliqué de dire qu’on ne veut même pas prendre le temps de parler de ce sujet, car on ‘perdrait du temps’. » La députée des Hauts-de-Seine ajoutait : « Le sujet du moment, ce sont les violences policières. Imaginez le traitement si à Sainte-Soline, il y avait eu 200 morts à cause des forces de l’ordre ? Est-ce parce que le 17 octobre 1961, c’était des Algériens ? »
Sabrina Sebaihi tient à souligner que même l’historien Benjamin Stora (il avait été chargé d’une mission sur la mémoire de la guerre d’Algérie par Emmanuel Macron) « reconnaît que le terme de ‘crime d’Etat’ s’applique à ce qui s’est passé ce jour-là ». Son groupe en a décidé autrement. Une autre résolution transpartisane pourrait voir le jour dans quelques semaines, remplaçant cette fois-ci le terme de « crime d’État » par « événements atroces ».
Jean Varret a démissionné de l’armée quand il a été envoyé au Rwanda au moment où le génocide des Tutsi se préparait. Il déplore, dans son ouvrage, le manque d’enseignement éthique au sein de l’armée.
Livre. Il a dit non. En 1993, alors qu’il était général, Jean Varret a refusé d’appliquer la politique de la France au Rwanda et a démissionné de l’armée. « J’avais alors en tête l’image d’un pays avec lequel la France s’entendait bien et qui allait commettre de plus en plus de massacres », raconte-t-il dans Souviens-toi. Mémoires à l’usage des générations futures.
Qu’est-ce qui conduit un militaire à s’opposer à la raison d’Etat ? Quel est l’élément déclencheur ? Ecrit sous la forme d’entretiens avec Laurent Larcher, grand reporter à La Croix, l’ouvrage est fascinant, car il montre le long cheminement qui a poussé Jean Varret à refuser de se plier face à l’autorité. « L’obéissance est au cœur du métier des armes, analyse-t-il. En cinq ans d’écoles militaires, je n’ai reçu aucun enseignement spécifique sur l’éthique. Rien sur les règles morales du soldat. Rien non plus sur les conventions de Genève. »
Les atrocités de la guerre d’Algérie, pendant laquelle il combat deux ans, l’ont marqué à vie. « La dixième division parachutiste avait réussi en un an à régler le problème des attentats d’Alger, en 1957, grâce à la torture, raconte-t-il. Cette méthode brutale, contraire à notre éthique, s’est ensuite généralisée. Beaucoup ont perdu leur honneur et, parfois, leur âme. »
« Participer à cette monstruosité »
Le déconditionnement se poursuit lorsque, en 1963, après avoir refusé de saluer de Gaulle et obtenu une forme de dérogation, il intègre la Sorbonne en sciences humaines : « Pour la première fois de ma vie, on me demandait de réfléchir par moi-même. » Il réintègre l’armée au bout de trois ans et part en mission au Gabon, au cœur de la Françafrique. Son rôle ? « Aider la direction générale de la sécurité extérieure et les mercenaires envoyés par Paris, explique l’officier. L’indépendance était un leurre, elle n’existait pas. Le véritable pouvoir était toujours exercé par les anciens colons et le président gabonais se pliait à leurs ordres. » Mais, une fois encore, il souscrit « sans vraiment s’interroger ».
A la tête de la coopération militaire, il rejoint ensuite le Rwanda. Depuis 1990, la France soutient le régime raciste du président Habyarimana. Derrière, il y a l’abîme. « Nous avons besoin de ces armes pour liquider tous les Tutsi : les femmes, les enfants, les vieillards dans tout le pays ! Ce ne sera pas long », lui dit Pierre-Célestin Rwagafilita, chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, lors d’une réunion. Pour Jean Varret, c’est le point de bascule.
Il alerte sa hiérarchie sur la menace que font planer les extrémistes hutu. En réponse, on l’écarte des réunions et de tout circuit de décision. « Depuis mon expérience en Algérie, ma terreur était de revivre une guerre inutile et de participer à cette monstruosité. » Sa décision de démissionner devient irréversible. Le livre est plus qu’un examen de conscience. Il rappelle que le dernier génocide du XXe siècle, dont les célébrations du 29e anniversaire commencent le 7 avril, était prévisible. De facto, il aurait pu être évité. Au printemps 1994, un million de Tutsi ont été exterminés.
« Souviens-toi. Mémoires à l’usage des générations futures », du général Jean Varret, Les Arènes, 274 pages, 22 euros.
« Souviens-toi. Mémoires à l’usage des générations futures », du général Jean Varret, Les Arènes, 274 pages, 22 euros.
« Parole de capitaine qui n’accepte pas que le silence devienne amnésie et que sa génération soit celle du déni »
Ancien officier français engagé au Cambodge, au Rwanda et en Bosnie, Guillaume Ancel revient dans une tribune au « Monde » sur le sens de ces missions revendiquant le droit de dire non comme celui de briser le silence pour réfléchir et faire réfléchir.
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Tribne. En fait, je ne suis pas capitaine, je l’ai été. De même que j’ai été lieutenant pour apprendre à commander une section et, après le grade de capitaine, j’ai aussi été commandant, le seul grade de l’armée de terre où on ne commande rien et enfin « lieutenant-colonel », ce qui signifie en vieux français « tenant lieu de colonel », le colonel dirigeant à l’origine une colonne.
A l’origine ? Un garçon bien né de la bourgeoise lyonnaise, issu de familles du textile qui se sont rencontrées à la confluence du Rhône et de la Saône, dans la cité des Gaules et des gones. Car je suis aussi un gone, ainsi qu’on nomme les gamins de la Croix-Rousse, où la rébellion est une culture et la croyance, une défiance.
Maristes, lycée du Parc, université d’économie, à 19 ans je rentre à Saint-Cyr où on m’apprend à fermer ma gueule. C’est qu’elle a toujours été grande ma capacité… à dire non, à contredire, pour réfléchir et ne pas obéir. Ne pas obéir, mais alors pourquoi être rentré dans l’armée, tandis que ma famille n’y tenait pas plus que ça ?
Refuser l’habillage de la réalité
Peut-être aussi pour cela, mais plus encore pour explorer ce monde étrange où le risque inclut sa propre vie, et pour des raisons qui n’ont jamais été éclaircies. Je n’ai pas apprécié Saint-Cyr, ce temple du conformisme et de l’obéissance sans intelligence, mais j’ai aimé l’armée pour ces personnalités hors du commun et plus encore pour ces situations inimaginables dans lesquelles elle vous plonge « à votre corps défendant », sans que votre esprit ait eu le temps de le refuser.
Refuser l’habillage de la réalité. En opérations, les gens sont vrais ou plutôt « les hommes sont nus », débarrassés de leurs héritages convenus et de ces usages qui camouflent leur réalité. J’ai aimé cette confrontation à ces événements inattendus et le plus souvent inimaginables, j’ai aimé voir ces hommes (et parfois ces femmes) révéler la puissance de leur caractère et de leur détermination face aux éléments déchaînés de la violence humaine qui prend alors le pas sur toute humanité.
Humanité. J’ai détesté la guerre et ses ravages, j’ai détesté cette violence sans limites sous couvert d’une organisation militaire et d’une volonté d’Etat, – la violence organisée –, mais j’ai aimé me battre et ne jamais accepter de se rendre. J’aurais aimé « ne pas subir », mais j’ai surtout aimé commander plutôt qu’obéir.
La première victime des armes est le débat
J’ai admiré aussi, du Cambodge à la lutte contre le terrorisme en passant par le Rwanda, Sarajevo et Mostar, le courage et le professionnalisme de mes compagnons d’armes, ces hommes (et trop peu de femmes) qui s’engagent jusqu’au sacrifice de leur vie pour une cause qu’ils ne cherchent même pas à décrire.
Décrire, écrire… écrire n’est pas leur fort, les militaires semblent s’en tenir à la plus grande distance, comme si écrire les mettait en tort. Pourtant leur métier les contraint le plus souvent à tracer, noter, rapporter… mais pas à écrire au sens d’exprimer les images qu’ils ont gardées et les sentiments qui les ont traversés. Cependant écrire a-t-il encore un sens lorsque la violence a fait disparaître tous les repères et que les mots ont été écrasés ?
Ecrasés par ce poids des responsabilités, tenir entre ses mains des instruments de vie ou de mort, et ne jamais pouvoir en débattre. Car la première victime des armes est le débat, cette capacité de discuter et d’argumenter, de confronter des points de vue sans exercer d’autres pressions que celles des mots et des idées. Les militaires ne débattent pas, non pas qu’ils n’aient pas d’avis, mais parce que cette activité a été effacée de leur usage et finalement de leur culture.
Se taire pour épargner des souffrances inutiles
Culture du silence, ne rien dire publiquement de ce nous avons fait parce que cela a été décidé par des responsables politiques et que nous n’avons pas à juger des décisions qu’ils ont prises. Mais, lorsqu’ils mentent à leurs concitoyens ou nous font faire le contraire de ce qu’ils affirment, nous devons nous taire aussi. Etre complices de fait parce que nous ne racontons pas la réalité des événements. Et ainsi nous leur permettons de répéter à l’infini les mêmes erreurs et parfois aussi nous les laissons tenter de réécrire l’histoire pour transformer en victoires des échecs pitoyables dont nous n’apprendrons rien.
Rien, rien d’autre ne justifie ce silence. Je ne parle pas ici de la confidentialité des opérations qui existe partout, de la préparation d’un anniversaire à une opération d’acquisition. Je parle du silence qui interdit le partage et la connaissance, du silence qui empêche tout débat et finalement toute intelligence collective, comme si certaines personnes se croyaient suffisamment intelligentes pour se passer de l’intelligence des autres en leur imposant de se taire.r éviter de mettre en discussion ces fragiles constructions de l’esprit qui consistent à afficher des succès que personne ne pourra vérifier. Se taire est parfois nécessaire pour épargner des souffrances inutiles, mais se taire peut amener aussi à mentir, mentir à ses proches et mentir à ses concitoyens. « Ils ne doivent pas savoir pour ne pas juger par eux-mêmes » : quelques responsables politiques se feront ainsi juge et partie, comme ces vieux prêtres qui voulaient nous enseigner ce qu’il fallait penser.
Avantage d’avoir été confronté à des situations compliquées
Penser, c’est d’abord ouvrir les yeux et observer par soi-même. Je l’ai appris tardivement, mais dans une forme extrême, dans la jungle au Cambodge lorsque j’ai réalisé que notre sort dépendait de notre intelligence de la situation bien plus que des représentations théoriques qui servaient à nous briefer, mais pas forcément à réfléchir. Tout va alors très vite, la dangerosité de la situation qui se révèle en même temps qu’un compagnon d’armes s’écroule à ses côtés.
La tentation tragique de se réfugier derrière une organisation qui n’a jamais prévu une telle situation, ou la volonté fulgurante de trouver une issue en se battant avec tout ce qui reste à sa portée. La portée est faible lorsqu’on est capitaine, à la tête d’une unité et d’une action, mais cette portée est réelle à condition d’avoir laissé de côté toutes ces entraves qui empêchent de regarder la réalité.
Tout entendre et ne rien croire me dira plus tard un professeur de management. Tout voir et ne pas subir ai-je pensé sur le moment, ne se laisser absorber par aucune de ces curieuses idées cherchant à vous dissuader de regarder la réalité qui n’est jamais à votre avantage. Avantage d’avoir été confronté à des situations inattendues et compliquées où croire est une erreur professionnelle, et douter une garantie de survie.
Témoigner pour conduire au débat
Douter des mots qui sont répétés à satiété mais qui n’ont pas de rapport avec la réalité. Réfléchir avec célérité sans imaginer avoir tout analysé, et mémoriser la réalité de ces situations pour y réfléchir plus tard, quand le feu de l’action et le secret des opérations se sont enfin effacés. Effacés, souvent je me suis demandé si mes souvenirs ne l’avaient pas été. Enlisés dans les sables mouvants de la mémoire, enfoncés par le silence qui devient amnésie à force de ne pas en parler.
Pas de mots pour les ancrer, pas d’écrits pour les aborder. Les souvenirs deviennent flottants et chancellent dans nos esprits. Sommes-nous bien sûrs de ce que nous avons compris ? Il est alors plus simple de les taire, pour ne pas gêner son entourage qui semble ne pas vouloir les comprendre, ne pas gêner non plus son parcours professionnel dans une compétition d’autant plus sévère qu’elle est invisible.
Invisible ? Vais-je devenir invisible si les événements qui m’ont marqué sont indicibles, si je ne peux raconter ce qui a structuré la réalité que j’ai traversée ? Parler ne suffit plus, écrire et publier deviennent une nécessité : témoigner pour partager, témoigner pour conduire au débat et aux réflexions qui nous ont manqué, à la différence de cette génération qui « a fait la guerre d’Algérie » et qui ne nous en a rien appris.
C’est la parole d’un capitaine, la parole d’un officier qui n’accepte pas que le silence devienne amnésie et que sa génération soit celle du déni.
Guillaume Ancel est l’auteur notamment d’Un casque bleu chez les Khmers rouges , de Rwanda, la fin du silence et de Vent glacial sur Sarajevo publiés dans la collection « Mémoires de guerre » aux éditions Les Belles Lettres.
Au moins deux personnes sont mortes et près d’un million de Canadiens sont toujours privés de courant. De 3 à 4 cm de verglas sont tombés sur la ville en quelques heures.
A Montréal, le 5 avril 2023. GRAHAM HUGHES / AP
Au moins deux personnes sont mortes et près d’un million se trouvaient toujours sans électricité, jeudi 6 avril au soir, après le passage d’une tempête de glace dans l’est du Canada, qui a occasionné de nombreux dégâts matériels, notamment à Montréal.
La tempête a touché le Québec et l’Ontario, les deux provinces les plus peuplées du Canada. Il s’agit de la plus grosse panne sur le réseau électrique du Québec depuis la crise du verglas de 1998, qui avait plongé la province dans le chaos pendant plusieurs semaines.
Un homme d’une soixantaine d’années est mort jeudi matin au Québec, écrasé sous le poids d’une branche qu’il tentait de couper dans son jardin, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de la métropole francophone. Et un résident de l’est de l’Ontario a été tué par la chute d’un arbre mercredi.
« C’est une journée difficile pour les Montréalais, pour les gens à travers le Québec et les parties de l’Ontario qui souffrent des pannes d’électricité », a déclaré le premier ministre canadien, Justin Trudeau, en déplacement à Montréal.
— JustinTrudeau (@Justin Trudeau)
Jeudi soir, les services de voirie étaient toujours à pied d’œuvre pour dégager les rues et les routes jonchées par des milliers d’arbres tombés en raison du poids de la glace souvent en endommageant des lignes électriques.
« Montréal est dévastée » mais la situation est « sous contrôle », a estimé le ministre de l’économie et de l’énergie québécois, Pierre Fitzgibbon, lors d’un point presse, alors que les alertes aux pluies verglaçantes ont été levées. Les autorités ont toutefois appelé à la prudence, déconseillant notamment les zones boisées et à la population de s’approcher des arbres et des fils tombés au sol.
A Montréal, après le passage d’une tempête de glace, le 6 avril 2023. RYAN REMIORZ / A
Feux de signalisation, vélos, voitures, végétation… à Montréal, tout était recouvert par une épaisse couche glacée depuis mercredi soir. Les données préliminaires montrent que de 3 à 4 cm de verglas sont tombés sur la ville en quelques heures.
La plus grosse panne de courant au Québec en vingt ans
« Des vingt dernières années, c’est la pire tempête de glace que l’on a eue », raconte à l’Agence France-Presse (AFP) Jean-Marc Grondin. Ce retraité de 64 ans, qui habite le Plateau, un quartier central de la ville, est sorti pour voir le transformateur électrique qui a pris feu après la chute d’un arbre mercredi. Quelques mètres plus loin, des agents de la ville tentent de déblayer la rue, scies à la main. « Ça va prendre plusieurs semaines pour nettoyer toute la ville », explique un agent municipal.
A Montréal, le 6 avril 2023. GRAHAM HUGHES / AP
Des centres ont été ouverts pour accueillir les habitants sans électricité, alors que les températures frôlent le zéro et que rétablir le courant pour tout le monde pourrait prendre plusieurs jours. En début d’après-midi, deux des principaux ponts de la ville restaient partiellement fermés.
« Malheureusement, on peut penser qu’avec les changements climatiques, il va y avoir de plus en plus d’événements de ce type dans les prochaines années », a reconnu François Legault, premier ministre du Québec.
Le ministre des Moudjahidines et des Ayants droit, Laïd Rebiga, a affirmé jeudi soir à Alger que les champs de mines antipersonnel dans l’Est et l’Ouest du pays sont un crime colonial abject et atroce qui s’ajoute à des milliers d’autres crimes commis contre le peuple algérien durant la colonisation.
S’exprimant lors d’une cérémonie organisée en hommage aux grands invalides de la Guerre de libération nationale, aux victimes des mines antipersonnel et ayants droit dans le cadre de la célébration du soixantenaire de l’indépendance en présence d’un nombre de ministres, du représentant du ministère de la Défense et du wali d’Alger, M. Rebiga a indiqué que les champs de mines antipersonnel au niveau des frontières Est et Ouest du pays « sont un crime colonial atroce et abject » qui s’ajoute à « d’autres milliers de crimes commis contre le peuple algérien durant l’occupation, et dont les séquelles sont encore présentes aujourd’hui ».
Le ministre a souligné que « la pose des mines qui témoigne de la barbarie coloniale » a provoqué des pertes humaines et beaucoup de maladies et handicaps, durant la Glorieuse révolution et après l’indépendance.
Il s’agit d’un véritable crime contre la terre et contre l’humanité ».
M. Rebiga a salué « le rôle pionnier des éléments de l’Armée nationale populaire (ANP) dans le déminage de toutes les zones frontalières minées par l’occupant durant la Guerre de libération ».
Il a, en outre, rappelé que l’Etat algérien œuvre depuis l’indépendance à « la prise en charge sanitaire, sociale et psychologique des moudjahidine et ayants droit ainsi que les ayants droit des chouhada et des victimes des mines antipersonnel à travers la protection, la promotion et l’indemnisation des victimes outre l’instauration du droit à l’allocation et à la sécurité sociale en sus du droit de bénéficier d’appareils de mobilité et d’accessoires adaptés aux différents handicaps et ce à titre gracieux au niveau du Centre national des invalides et des victimes de la révolution de libération nationale et des ayants droits ».
A cet effet, le ministère des Moudjahidine, poursuit-il, « veille à assurer à la catégorie des invalides et des victimes civiles une prise en charge médico-sociale à travers la promotion des prestations des établissements sous tutelle via ses équipes médicales et sociales pour garantir un accompagnement continu et un service
Depuis 2018, le Gouvernement œuvre pour faciliter l’accès de toutes et tous aux archives de la guerre d’Algérie. Cette ambition s’est concrétisée par une importante modification du code du patrimoine, qui prévoit désormais que les archives relevant du secret de la défense nationale sont automatiquement déclassifiées lorsqu’elles deviennent librement communicables, par des décisions d’ouverture anticipée de fonds entiers non librement communicables, mais aussi par la mise en ligne de guides destinés à faciliter les recherches dans les archives. Après un premier guide sur les disparus de la guerre d’Algérie et un deuxième sur les Harkis, un nouvel instrument de recherche vient d’être publié : il concerne les rapatriés d’Algérie.
Les sources sur le sujet étant très nombreuses, le guide est divisé en trois parties :
Une introduction générale, après les définitions d’usage, présente l’historique complexe de l’administration chargée des rapatriés de 1961 à nos jours, puis aborde les conditions du rapatriement des personnes et des biens.
Une partie relative aux politiques publiques présente les fonds contenant des dossiers individuels, et s'intéresse aux politiques d'indemnisations et d'assistance ainsi qu’aux différents types d'hommages rendus aux rapatriés.
Une partie relative aux politiques sociales aborde, quant à elle, le logement et les conditions de vie des rapatriés, puis le travail, et notamment le reclassement, l'éducation, et enfin la surveillance dont ils ont été l'objet et les revendications qu'ils ont exprimées, notamment à travers leurs associations.
Piloté par le Service interministériel des Archives de France, ce travail d’ampleur est le fruit d’une étroite collaboration interministérielle entre le ministère de la Culture, le ministère des Armées et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Il fait état des sources qui sont conservées dans les services publics d’archives français, aussi bien au niveau central que territorial ; il s’agit d’un large panorama ne visant pas à l'exhaustivité, mais ouvrant de nombreuses voies de recherche.
Le guide, pensé pour être accessible au public non familier du fonctionnement des archives, s’adresse à tous ceux qui, connaisseurs ou débutants, universitaires ou amateurs, souhaitent entamer une recherche sur le sujet.
Ce travail s’inscrit dans la politique de reconnaissance des mémoires voulue par le président de la République et poursuivie par le Gouvernement français, à laquelle le ministère de la Culture, le ministère des Armées et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères entendent contribuer pleinement, en permettant aux chercheurs, aux journalistes et à tous les citoyens intéressés d’accéder à des pans entiers de l’histoire partagée entre la France et l’Algérie.
Dans une ville de France, c’est sans doute Dijon (Côte-d’Or) en voyant la première image du documentaire où l’on parle de Dijonnais d'aujourd'hui dans la guerre d'Algérie : vingt personnes racontent « leur Algérie » des années 1954-1962. Ils étaient : appelés, militants indépendantistes, harkis, pieds-noirs, ou simples paysans, dépassés par « les évènements ». Nous avons rassemblé ces témoignages, une parole rebondissant sur une autre, traitant des raisons de cette guerre, des combats en Algérie et en France, du départ et de l’arrivée en « métropole ». Mais il s’agit surtout d’histoires personnelles ou familiales dont le récit contribue à alléger la souffrance et à améliorer la compréhension entre les héritiers de mémoires antagonistes.
e rappelle le remarquable témoignage de Marcel Yanelli que l’on voit dans le documentaire "A chacun son Algérie":
Une prison pour mémoire Montluc, de 1944 à nos jours
(ENS éditions, 572 p., 24 €)
L'historien Marc André consacre une étude exhaustive et radicale à la prison Montluc de Lyon. De la Gestapo à la répression des luttes anticoloniales, les cachots en ont vu défiler. Aujourd'hui, les diverses mémoires du lieu se regardent en chiens de faïence.
Comment un bâtiment carcéral peut-il, au fil du temps et des mémoires, prendre l’allure d’un palimpseste – c’est-à-dire d’un parchemin médiéval, dont chaque version se voyait effacée par la suivante sous la plume des copistes successifs ? Telle est la question résolue par l’historien Marc André, au sujet du fort Montluc, prison adossée à un tribunal militaire et sise dans le troisième arrondissement de Lyon.
Pour la mémoire collective, Montluc, c'est là que Jean Moulin ou encore l’historien Marc Bloch furent incarcérés et torturés par « le boucher de Lyon », Klaus Barbie pendant la Seconde Guerre mondiale. Chef local de la Gestapo, il fut, avec ses sbires, responsable du meurtre sur place et dans les environs de 4 000 personnes ; et responsable de la déportation de 7 500 juifs – dont l’immense majorité périt à Auschwitz-Birkenau.
Toutefois, la mémoire du lieu ne saurait s’arrêter là. Des acteurs et complices du nazisme y furent mis sous les verrous épurateurs une fois la Libération accomplie. Et déjà des opposants communistes à la guerre d’Indochine étaient jetés dans les geôles de Montluc, avant qu’à leur tour des objecteurs de conscience français et des nationalistes algériens ne tâtassent de la paille humide du cachot.
Tout le mérite de l’étude menée par Marc André, Une prison pour mémoire : Montluc de 1944 à nos jours, consiste à révéler chaque couche d’expérience carcérale, chaque sédiment de mémoire, de façon que le palimpseste devienne mille-feuille. Un tel travail distingue et relie à la fois, érigeant un établissement pénitentiaire en organisme vivant, qui absorbe puis rejette les détenus, dans un implacable et surprenant transit cellulaire.
Avec des éliminations définitives à la clef, puisque toutes les exécutions capitales lyonnaises, à partir de 1955, se déroulent à Montluc.
En l’espace d’une vingtaine d’années, allant du plus fort de l’occupation nazie au summum des violences de la guerre d’Algérie, un sinistre lieu de mémoire se dresse en métaphore des arrangements du récit national, à mesure que s’imposent les compromissions des gouvernants au mépris des gouvernés.
« Combien d’Oradour croyez-vous que l’armée française a déjà faits en Indochine ? »
Un officier nazi purgeant sa peine à Montluc, en 1950
Ainsi le communiste Lucien Benoit, incarcéré par le régime de Vichy à Montluc pour « activité communiste », s’y retrouve-t-il à nouveau, en 1950, pour le punir de son action anticoloniale : le tribunal militaire lui reproche d’avoir frappé à coups de pied des représentants des forces de l’ordre, lors d’une manifestation contre la guerre d’Indochine.
À Montluc, Lucien Benoit tombe sur quelques codétenus spéciaux : des criminels de guerre nazis, dont certains occupent l’ancienne « baraque aux juifs » construite dans la cour de la prison, du temps qu’ils la dirigeaient sous l’Occupation.
L’ancien directeur hitlérien du lieu l’accueille en ces termes : « Monsieur Benoit, il se trouve que nous sommes, ici, logés à la même enseigne. Je voulais vous dire, au nom de mes camarades, que si vous, ou vos amis, avez besoin d’un service, vous demandez à nous. »
Le communiste refuse cette solidarité factice, cette fausse équidistance. Et alors qu’un nazi écroué lui lance « quelle saloperie la guerre ! », Lucien Benoit réplique : « Nous ne sommes pas ici pour les mêmes raisons. Nous, nous avons lutté contre la guerre menée en Indochine. Nous ne sommes pas de ceux qui ont fait Oradour. » Sans se démonter, en souriant, le nazi émérite lâche : « Ah, Monsieur Benoit, combien d’Oradour croyez-vous que l’armée française a déjà faits en Indochine ? »
Un avenir qui ne passe plus
La lecture du livre de Marc André ne cesse de provoquer le vertige, tant les télescopages historiques se ramassent à la pelle.
Exemple : « Aux manifestants communistes, aux insoumis ou appelés réfractaires, viennent s’ajouter d’autres acteurs : les fils de fusillés par les nazis qui commencent à peupler les prisons, et leurs familles qui protestent fortement contre cet état de fait. C’est qu’un nouvel élément vient secouer les mémoires traumatiques, quand Hans Speidel, ancien chef d’état-major de l’armée allemande d’occupation en France et responsable notamment des activités de contre-espionnage, est nommé début mars 1957 au commandement Centre-Europe de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), dont le siège est à Fontainebleau. »
Le fils d’un ancien résistant fusillé écrit alors à René Coty, président de la République, pour affirmer être prêt à donner sa vie pour son pays, comme le fit son père, mais jamais en servant sous les ordres de ceux qui l’assassinèrent.
À ce passé qui ne passe pas, s’ajoute un avenir qui ne passe plus : l’ordre colonial français dans les trois départements d’Algérie. L’insoumission et la désertion des militaires « indigènes » amènent sous les verrous bien des « tirailleurs nord-africains » jugés par le TPFA (tribunal permanent des forces armées).
Viennent les rafles et les tortures, « comme sous la Gestapo », s’indignent d’anciens résistants. Sans oublier les exécutions capitales de militants du FLN. Et ce, autre télescopage, alors qu’est sorti en salle le film de Robert Bresson, tourné dans la prison de Montluc même, à propos de l’évasion spectaculaire du résistant André Devigny : Un condamné à mort s’est échappé (1956).
Aucun condamné à mort algérien ne s’est échappé de Montluc, dont Marc André détaille la refonte sécuritaire, avec la mise en place de séparations étanches (entre soutiens du FLN et de Messali Hadj en particulier). Ce temps des cloisonnements et des cliquetis, mais aussi d’une prison qui « se transforme en espace de lutte », est admirablement rendu. Grâce à un travail d’historien qui prit dix ans et conduisit l’auteur des fonds d’archives à des entretiens approfondis avec les survivants, sans omettre la lecture des témoignages écrits, publiés ou non, laissés à la postérité.
Des noms émergent, trop souvent inconnus du grand public au nord de la Méditerranée : Moussa Lachtar, Salah Khalef, Mostefa Moudina. Ce dernier, en 2012, à l’occasion des 50 ans de la fin de la guerre d’Algérie, est revenu à Montluc, où il avait été enfermé, en 1960, après avoir été condamné à mort par le TPFA de Lyon.
Sénateur algérien, qui devait publier en 2013 un livre de souvenirs sur l’attente emplie d’incertitudes qu’il passa dans la prison de la capitale des Gaules (La nuit a peur de l’aube, éd. Anep, Alger), il a provoqué un esclandre politico-mémoriel dont Marc André fait son miel.
Mostefa Moudina visitait donc en 2012 l’établissement carcéral devenu mémorial en 2010 : il ressortit aux dix prétendus « hauts lieux de la mémoire nationale » sous la tutelle du ministère des armées – au même titre que la nécropole et la tranchée des baïonnettes de Douaumont, que le mont Valérien, ou encore que le mémorial des guerres en Indochine de Fréjus, au même titre, toujours, que le mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie…
Voilà dix ans, le sénateur algérien fait part de son étonnement : aucune trace de la souffrance des Algériens en ces murs. Jean Lévy, délégué régional des Fils et filles des déportés juifs de France, lui réplique alors que Montluc est uniquement dévolue à la Seconde Guerre mondiale. Jean Lévy enfonce le clou en janvier 2022, affirmant que l’Algérie n’a pas droit de cité en ces lieux : « C’est incompatible avec notre pensée, nous avons promis à ceux qui sont morts dans cette prison que nous serions les vigiles contre le nazisme. »
Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, saute sur l’occasion et dénonce le « grand méli-mélo de la mémoire » qu’occasionnerait l’évocation des prisonniers algériens à Montluc. Comme si les « hauts lieux de la mémoire nationale » cités plus haut et administrés par le ministère des armées ne relevaient pas eux-mêmes du méli-mélo à gogo, favorisant un fatras franchouillard sous couvert de réconciliation !
Or Marc André prend à rebours les sornettes mémorielles d’un Laurent Wauquiez doublement fautif – puisqu’en sus d’encourager la pleutrerie politicienne, cet agrégé d’histoire, auteur de recherches universitaires sur les Lumières arabes, se renie intellectuellement.
L’auteur d’Une prison pour mémoire, tout en ne cessant de montrer que Montluc est traversée par des communautés d’expériences distinctes, plaide pour un regard critique sur le lieu de mémoire. Celui-ci ne doit pas servir de simple levier partisan mais s’avérer à la fois complexe et objet d’histoire.
Communautés « d’expériences »
et « témoignantes »
L’historien distingue deux communautés mémorielles : « La première peut être qualifiée de militante : portée par un objectif structuré par une idéologie, fortement médiatisée, elle est dirigée vers l’action politique au présent. L’usage du passé est instrumental avec pour volonté clairement affichée la construction d’une mémoire collective et la captation d’une reconnaissance (donc de privilèges) en faveur d’un groupe particulier. »
Marc André situe dans cette première catégorie aussi bien le sénateur algérien Mostefa Moudina que le délégué régional des Fils et filles des déportés juifs de France Jean Lévy. Et il leur oppose une seconde communauté, non pas « d’expériences », mais « témoignante » ; non pas tapageusement autocentrée, mais aussi discrètement que foncièrement ouverte sur l’altérité, la solidarité, par-delà les épreuves hétérogènes : « Façonnée à l’échelle individuelle, animée par des souvenirs personnels, partagée dans une sphère plus restreinte, elle considère la mémoire comme un matériau utile à l’écriture de l’histoire. »
Pour l’auteur, la distinction entre ces deux communautés « et surtout leur croisement offrent la possibilité de dépasser les logiques d’affrontement identitaires et victimaires – ce que certains appellent les “guerres de mémoires” – à travers une nouvelle histoire dans laquelle les victimes de divers régimes n'ont, en fait, jamais cessé de dialoguer, hier comme aujourd’hui ».
Ainsi seulement un persécuté cesserait de chasser l’autre en un fâcheux mouvement binaire, qui convient aux clous mais pas aux humains, animaux politiques et roseaux pensants…
D’autant que dans une France post-coloniale et à laquelle l’Empire semble manquer comme une dent arrachée, le développement séparé (qui se dit apartheid en afrikaans) mémoriel en vigueur aboutit au déni sinon au négationnisme.
Savons-nous que dans les quatre dernières années de la IVe République et les quatre premières années de la Ve, 300 « assignés à résidence » environ ont séjourné dans la prison, avant leur transfert en Algérie ? Et que près de 10 000 raflés, dont une quinzaine de femmes algériennes, ont été fichés dans le fort Montluc transformé en centre d’identification ?
Savons-nous que 10 Algériennes, 16 Françaises et 41 Français ont été détenus, de quelques semaines à plusieurs années, pour leur participation aux réseaux indépendantistes ou pour leur action antimilitariste ? Que plus de 850 accusés ont comparu devant le tribunal militaire pour leur engagement durant la guerre d’indépendance algérienne ? Que 75 Algériens condamnés à la peine capitale ont attendu dans le couloir de la mort et que 11 d’entre eux ont été guillotinés in situ – deux autres à Dijon ?
« Les faits, au terme de ce travail, sont fermement établis », écrit Marc André en conclusion d’un livre qui se veut « un dialogue entre les ombres ». Tout en regimbant à juste titre face à la tournure du souvenir français : « Montluc rejoue, à l’échelle d’une prison, ce qui se passe à une échelle bien plus vaste. Il est parfaitement légitime de se demander aujourd’hui de quel devoir de mémoire on parle quand on exfiltre tous les autres, quand le devoir de mémoire se mue en désir d’exclusion. »
Si je n'avais rien fait, j'aurais été complice de ceux
qui tuaient en Algérie au nom de ma citoyenneté française"
Claudie Duhamel, à son procès au tribunal militaire
de Lyon, en avril 1961
Revenir à Montluc
Une femme en prison pendant la guerre d'Algérie
Agée d’à peine vingt ans, Claudie Duhamel s’engage dans un réseau de soutien au FLN, parti nationaliste en guerre pour l'indépendance de l'Algérie. Elle est arrêtée en novembre 1960 et incarcérée dans la prison lyonnaise de Montluc pendant trois ans.
Convoquant la difficile mémoire de son incarcération, Claudie Duhamel témoigne notamment de la dernière exécution capitale d'un militant du FLN qui a eu lieu à Montluc, en janvier 1961, sous la fenêtre de sa cellule. Une expérience qui la marque à jamais.
Son récit d'un parcours carcéral semé d'épreuves dessine le portrait d'une femme digne qui, par-delà les années, reste une militante fidèle à ses idéaux humanistes.
Un documentaire de 70 minutes
de Béatrice Dubell
"Béatrice Dubell cherche et parvient à restituer le vécu de Claudie Duhamel, qui raconte le choc des exécutions de condamnés à mort, l’isolement, la façon dont il était brisé, à l’occasion des rencontres avec les avocats ou encore du procès ; elle évoque ses peurs, ses maux – en particulier la grève de la faim qui marque son corps – mais aussi ses joies et le quotidien, l’étourdissement de la libération après laquelle il faut se réhabituer à la vie du dehors. Cette approche fait tout le sel du film. Non pas que l’histoire soit absente – le récit est chronologique et les événements marquants rappelés – mais la sensibilité est bien l’apport du film à une histoire par ailleurs documentée."
Sylvie Thénault, historienne, spécialiste du droit et de la répression en Algérie à la période coloniale
Musée Gadagne MHL - Musée de l'histoire de Lyon
1 place du petit Collège, 69005 Lyon Mercredi 3 mai, 18 heures
La projection sera suivie d'une rencontre avec la réalisatrice et les historien·nes qui ont accompagné la réalisation du film.
Quel est l’impact de la colonisation sur une famille qui l’a subie ? Comment s’en remettent ceux qui en ont été acteurs ? Inès, 18 ans, accompagnée de sa grand-mère algérienne, Lalia, 81 ans, discutent de ce lourd héritage avec Michel, 83 ans, ancien appelé en Algérie et son petit-fils Timoléon, 15 ans.
Comment un exil forcé vécu par une famille se ressent de génération en génération ? Josselin, 35 ans, petit-fils d’Henri, pied-noir arrivé en France en 1962, croise son récit familial avec celui de Nora, 43 ans, petite-fille d’immigrés algériens, et Rahim Rezigat, algérien arrivé en France dès 1947.
Comment les douleurs du passé se transmettent-elles ? Saïd, fils de harki, et sa fille Lilia rencontrent Annie-Paule, juive d’Algérie, et sa fille Sarah, en compagnie de Raphaël et sa mère Véronique, dont le père, rappelé français est mort au combat en Algérie. Ensemble, ils et elles parlent de leur héritage douloureux et comment, malgré tout, l’Algérie les attire.
Que faire d’une mémoire trop lourde à porter ? L’enfouir, l’assumer, la transmettre ? Dans Générations guerre d’Algérie - Le poids de la mémoire, Dominique, pied-noir, née à Alger en 1953, raconte pourquoi, malgré la douleur, elle a écrit un livre pour ses petites filles dont Jeanne, 16 ans, présente à ses côtés. À 15 ans, Ilyess a lui, au contraire, hérité de toute l’histoire de l’Algérie par son père M’Hamed, né en Algérie et arrivé à Paris en 1968. Enfin, Léo, 15 ans, accompagne son grand-oncle, Jean-François qui a lui mis des décennies avant de partager les deux périodes de son service militaire en Algérie, l’une heureuse, en tant qu’instituteur, l’autre désastreuse en tant qu’agent du maintien de l’ordre à Alger. Jeanne, Ilyess et Léo découvrent ces récits de vie complémentaires et posent leur regard sur la question de la transmission, notamment dans le cadre scolaire. De l’espace “mémoire” que chaque binôme visite tour à tour, à la rencontre où les 6 se réunissent, les regards se croisent et les paroles s’échangent, les générations s’écoutent et s’interrogent. Pendant ce moment intime et fort, les langues se délient, les souvenirs surgissent, les secrets se révèlent et les mémoires s’apaisent.
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