En juillet 2022, nombreux observateurs, parmi lesquels notre rédaction, présentaient la secrétaire d’État à la Citoyenneté Sonia Backès, fraîchement nommée, comme étant la première calédonienne à occuper une fonction au sein d’un gouvernement. Et nous sommes tombés dans l’erreur puisque le titre revient à Roger Frey, né le 11 juin 1913 à Nouméa, qui occupa de nombreux postes de ministre et fut président du Conseil constitutionnel.
Roger Frey fut le fils de François Frey, inspecteur général de l’opérateur historique minier, la Société Le Nickel. C’est d’ailleurs dans ce secteur que Roger Frey commence sa carrière professionnelle, après avoir fréquenté le prestigieux lycée Stanislas à Paris. « De père alsacien et de mère normande », Roger Frey est happé par la seconde guerre mondiale. En 1940, il rejoint la Résistance et le bataillon des Forces françaises libres du Pacifique où il est chargé de mission auprès du général Mac Arthur, puis attaché à l'état-major de de Gaulle. Il participe notamment aux campagnes d’Allemagne et d’Autriche et effectue une discrète mission auprès de Mao Zedong et Zhou Enlai en 1945, alors dans le maquis.
Figure des « barons du gaullisme », Roger Frey adhère en 1947 au Rassemblement du Peuple français (RPF), parti fondé par Charles de Gaulle, et devient membre du comité directeur du mouvement puis trésorier en 1961. Proche de Jacques Soustelle, Roger Frey, qui a aussi été plusieurs fois député de Paris de 1962 à 1974, s’active au retour du général lors de la crise de mai 1958. Il intègre aussi le comité consultatif constitutionnel. Roger Frey devient alors ministre de l’Information de 1959 à 1960. De là, le Calédonien occupe plusieurs maroquins ministériels, à la fois sous Charles de Gaulle et Michel Debré, puis Georges Pompidou et Jacques Chaban-Delmas : ministre de l’Intérieur, ministre des Relations avec le Parlement et ministre des Réformes administratives.
À Place Beauvau, de mai 1961 à avril 1967, il est notamment confronté à l’Organisation de l’Armée secrète (OAS), une organisation terroriste clandestine française proche de l'extrême droite créée le 11 février 1961 pour la défense de la présence française en Algérie. Il met alors en place une police parallèle, les « barbouzes » (devenu un terme courant péjoratif pour désigner des agents de police parallèle, souvent dans des affaires politico-judiciaires) pour lutter contre les activités de l’OAS. En octobre 1961, il fait interdire une manifestation d’algériens à Paris organisée par la fédération de France du FLN, considérée pacifique. La répression policière qui s'ensuit entache son bilan : plusieurs dizaines d’algériens sont tués par les forces de l’ordre et jetés dans la Seine.
La gauche de l’époque critique vivement cet épisode douloureux pour la communauté algérienne de France, et organise une grande manifestation au métro Charonne en 1962. La même année, il est confronté à un attentat de l'OAS à Issy-Les-Moulineaux, en pleine période de négociation de paix avec le FLN. Malgré les vives critiques et un mandat difficile, Georges Pompidou lui confirme sa confiance et le reconduit au gouvernement en tant que ministre des Relations avec le Parlement, de 1967 à 1971, puis ministre de Réformes administratives, de 1971 à 1972. Roger Frey occupa une fonction ministérielle durant 13 ans. En 1974, deux après avoir quitté le gouvernement, Roger Frey est nommé président du Conseil constitutionnel par Georges Pompidou, en 1974. Il occupa cette fonction jusqu’en 1983, durant les présidences de Valéry Giscard D’Estaing, durant laquelle les compétences du Conseil constitutionnelles sont élargies, et de François Mitterrand, durant laquelle l’Institution doit examiner la constitutionnalité des naturalisations décidées par la gauche.
Fin politique et réputé discret, Roger Frey s’éteint le 13 septembre 1997, à l’âge de 84 ans, à Neuilly-Sur-Seine. Il est inhumé au cimetière de Passy.
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