Le président français Emmanuel Macron reçu par Abdelmadjid Tebboune
Je n’ai pas à demander pardon, ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens», affirme-t-il dans un long entretien avec l'écrivain Kamel Daoud publié mercredi soir dernier dans l’hebdomadaire Le Point. «Le pire serait de conclure : ‘‘On s’excuse et chacun reprend son chemin’’», dit-il. «Le travail de mémoire et d’histoire n’est pas un solde de tout compte», poursuit-il. «C’est, bien au contraire, soutenir que dedans il y a de l’inqualifiable, de l’incompris, de l’indécidable peut-être, de l’impardonnable», souligne-t-il. Ajoutant : «J’espère d’ailleurs que le président Tebboune pourra venir en 2023 en France.» Interrogé sur la possibilité d’une cérémonie de recueillement du président algérien sur les sépultures des membres de la suite de Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française, enterrés à Amboise, il a estimé que ce serait «un très beau et très fort moment» et qu’il le «souhaitait». «Je crois que cela fera sens dans l’histoire du peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l’occasion de comprendre des réalités souvent cachées», dit-il encore. Abdelkader (1808-1883) a été détenu à Amboise avec toute sa famille de 1848 à 1842.
Le contentieux historique entre l’Algérie et la France reste donc entier. Macron a tenté plusieurs gestes depuis le début de sa présidence. Il avait estimé que la colonisation française est un crime contre l’humanité, une barbarie et avait rendu hommage aux victimes de la répression par la police française de la marche pacifique des Algériens à Paris en Octobre 1961. Il a reconnu l’assassinat de Ali Boumendjel. Mais il a rétropédalé lorsqu’il s’était interrogé sur l’existence d’une nation algérienne construite, à ses yeux, sur une rente mémorielle, ce qui avait suscité une crise diplomatique entre Alger et Paris. Le rapport de l’historien Benjamin Stora a été jugé incomplet par l’Algérie en n’évoquant ni la question des excuses ni celle de la repentance des autorités françaises. Actuellement, une commission d’historiens français et algériens travaille sur cette problématique de la mémoire et de la réconciliation. Afin de l’éclairer, nous avons jugé utile de rappeler les grandes idées développées dans un appel – toujours d’actualité – intitulé France-Algérie : dépasser le contentieux historique. Il a été rédigé à l’initiative d’historiens français et algériens et signé par les personnalités qui avaient lancé le 31 octobre 2000 «L’Appel des douze» pour la reconnaissance par la France de la torture pratiquée durant la Guerre d’Algérie. Signée par diverses personnalités françaises et algériennes, elle a été rendue publique le 30 novembre 2007. C’est une adresse «aux plus hautes autorités de la République française» pour «faire advenir une ère d’échanges et d’amitié entre les deux pays et, au-delà, entre la France et les pays indépendants issus de son ancien empire colonial». Il est dit dans ce texte que «quelles qu’aient été les responsabilités de la société, c’est bien la puissance publique française qui, de la Restauration en 1830 à la Ve République en 1962, a conduit les politiques coloniales à l’origine de ces drames. Sans omettre la complexité des phénomènes historiques considérés, c’est bien la France qui a envahi l’Algérie en 1830, puis l’a occupée et dominée, et non l’inverse : c’est bien le principe des conquêtes et des dominations coloniales qui est en cause. En même temps, nous sommes attentifs aux pièges des nationalismes et autres communautarismes qui instrumentalisent ce passé ainsi qu’aux pièges d’une histoire officielle qui utilise les mémoires meurtries à des fins de pouvoir, figeant pour l’éternité la France en puissance coloniale et l’Algérie en pays colonisé. Et c’est précisément pour les déjouer – comme pour déjouer les multiples formes de retour du refoulé – que nous voulons que la souffrance de toutes les victimes soit reconnue et qu’on se tourne enfin vers l’avenir. Cela peut être accompli non par des entreprises mémorielles unilatérales privilégiant une catégorie de victimes, mais par un travail historique rigoureux, conçu notamment en partenariat franco-algérien. Plus fondamentalement, dépasser le contentieux franco-algérien implique une décision politique, qui ne peut relever du terme religieux de ''repentance''. Et des ''excuses officielles'' seraient dérisoires.» Le texte ajoute : «Nous demandons donc aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie. Une reconnaissance nécessaire pour faire advenir une ère d’échanges et de dialogue entre les deux rives et, au-delà, entre la France et les nations indépendantes issues de son ancien empire colonial.»
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