Adoptée en octobre 2003 et ratifiée par 180 pays, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel promeut la sauvegarde des connaissances et du savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel. Outil de la diplomatie culturelle, elle récompense également des « pratiques culturelles transmises de génération en génération, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs ou encore les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ».
Réuni à Rabat, le Comité du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, qui honore avant tout des traditions à sauvegarder plus que les produits eux-mêmes, a annoncé avoir inscrit la harissa, le raï et la sljivovica à sa liste du patrimoine immatériel. Cette liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité compte donc désormais plus 530 éléments inscrits, dont 72 nécessitent une sauvegarde urgente. Ce mercredi, c’est la baguette qui avait eu les honneurs de l’Unesco.
La harissa, « élément fédérateur de tout un pays »
La harissa, condiment national en Tunisie confectionné à base de piments, a donc été inscrite jeudi par l’Unesco au patrimoine immatériel de l’humanité. Le comité a annoncé avoir inscrit « la harissa, savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales ». Et la harissa, c’est quoi ? Cuisinée à partir de piments séchés au soleil, d’épices fraîchement préparées et d’huile d’olive qui la conserve et en atténue le piquant, elle se trouve quasiment dans toutes les assiettes de restaurateurs en Tunisie et elle est exportée vers de nombreux pays. « Elle est perçue comme un élément identitaire du patrimoine culinaire national, et un facteur de cohésion sociale, ajoute le comité. Préparée et consommée sur tout le territoire tunisien, la harissa est perçue comme un élément fédérateur de tout un pays ».
« Faisant partie intégrante des provisions domestiques et des traditions culinaires et alimentaires quotidiennes de toute la société tunisienne, la harissa est préparée, le plus souvent, par les femmes dans un cadre familial ou vicinal convivial, à caractère festif, marqué par une entraide communautaire remarquable », explique le dossier de candidature.
Le raï, l’Algérie sans tabou ni censure
Le raï, chant populaire d’Algérie a lui aussi été inscrit jeudi au patrimoine immatériel de l’humanité. Moyen de véhiculer la réalité sociale sans tabou ni censure, le raï aborde des thèmes tels que l’amour, la liberté, le désespoir et la lutte contre les pressions sociales.
Apparu dans les années 1930, il était à l’origine pratiqué en milieu rural par des doyens qui chantaient des textes poétiques en arabe vernaculaire, accompagnés d’un orchestre traditionnel, selon l’Unesco. C’est au milieu des années 1980 que le raï explose : sous l’influence de « Chebs » (jeunes), cette musique traditionnelle algérienne de la région d’Oran (ouest) se modernise.
Ce genre musical débarque en France à l’occasion d’un festival à Bobigny en 1986. Le public français découvre alors la voix de Cheb Mami, qui, aux côtés de Cheb Khaled ou de Cheikha Rimitti, deviendra par la suite une star mondiale.
En quelques années, le raï élargit son public, intéresse les grandes maisons de disques. Cheb Khaled devient le premier maghrébin à entrer au Top 50 au début des années 90 avec son tube Didi. Au cours des années 2000, le raï a peu à peu disparu des grands plateaux de télévision et retrouvé son public confidentiel des débuts. Il a été victime aussi de sorties de routes (condamnation de Cheb Mami pour violences envers son ex-compagne) et de la montée en puissance des musiques urbaines. Le raï a été remis au goût du jour cet été par le succès phénoménal du dernier titre de la star planétaire franco-algérienne, DJ Snake, Disco Maghreb.
La sljivovica, un « médicament » du quotidien
La sljivovica, eau-de-vie à base de prune produite en Serbie, a rejoint la liste de l’Unesco. La prune (sljiva en serbe) y est un symbole national et la rakija (eau-de-vie) qui est fabriquée à base de prune, appelée Sljivovica, est étroitement liée à la vie et aux coutumes des Serbes. Les eaux-de-vie à base de fruits sont produites dans toute la région des Balkans, mais en Serbie, la sljivovica est obligatoirement présente sur les tables à l’occasion des naissances, des baptêmes, des mariages, des fêtes familiales et des fêtes dans leur ensemble et lors des décès.
La sljivovica se consomme fraîche, mais aussi comme boisson chaude, surtout l’hiver. En Serbie on l’appelle le thé de la Sumadija, faisant référence à une région de ce pays où les prunes sont abondantes. La sljivovica et également utilisée comme un « médicament » du quotidien. Une serviette trempée de sljivovica sera placée autour du cou pour soigner une gorge douloureuse. Les plantes de pieds sont massées avec de la sljivovica pour endiguer des fièvres élevées.
Chaque famille qui se respecte et qui en a les moyens produit sa propre sljivovica. C’est une question de fierté. Plus de 60 % des prunes en Serbie sont destinées à la production de la sljivovica. En 2022, plus de 470.000 tonnes de prunes ont été cueillies.
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