Les avocats du département américain de la justice ont établi le 17 novembre que le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, était protégé contre toute procédure civile américaine pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, en vertu de son statut de chef d’État. Les partisans de poursuites dénoncent une capitulation.
Jamal est de nouveau mort aujourd’hui. » C’est par ces mots indignés que Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné, a réagi sur Twitter à la recommandation publiée le 17 novembre par le département d’État. Le service juridique du ministère américain des affaires étrangères y établit que Mohammed Ben Salmane (MBS) bénéficie de l’immunité juridique en cas de procès pour l’assassinat de Jamal Khashoggi en 2018, au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Or, la CIA considère que le prince héritier saoudien a « approuvé » l’opération visant à capturer et tuer du journaliste, perçu comme un dissident par le royaume.
« Les États-Unis informent respectueusement la cour que le défendeur Mohammed Ben Salmane, premier ministre du royaume d’Arabie saoudite, est le chef de gouvernement en exercice et, par conséquent, est immunisé contre ce procès, peut-on lire dans ce document remis au tribunal d’instance de Columbia par l’administration. L’immunité des chefs d’État est un principe bien établi du droit international coutumier. »
« Même Trump n’a pas été aussi loin »
Or, Mohammed Ben Salmane, qui a été vice-premier ministre, ministre de la défense, se trouve être dirigeant de facto du royaume et a été nommé premier ministre par décret royal fin septembre. Une nomination qui a nourri les spéculations selon lesquelles il cherchait justement à esquiver des poursuites découlant d’actions civiles, comme celle lancée par Hatice Cengiz aux États-Unis.
Le département d’État précise dans cette recommandation, non contraignante, qu’il « ne tire aucun avis de la présente procédure et répète sa condamnation sans équivoque du meurtre odieux de Jamal Khashoggi ». « Il s’agit d’une décision juridique (…), a insisté un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. Cela n’a rien à voir avec le fond de l’affaire. »
Les proches de Jamal Khashoggi et partisans de poursuites ne l’entendent pas ainsi. « Voilà à quoi ressemblent les promesses de Biden de “demander des comptes”. Même Trump n’a pas été aussi loin dans la protection de MBS », a tweeté Khalid Al Jabri, fils d’un ancien espion saoudien qui a accusé le prince de lui avoir envoyé une équipe de tueurs au Canada. « Nous pensions que nous pourrions peut-être voir briller la lumière de la justice aux États-Unis, mais l’argent l’a encore une fois emporté », a ajouté Hatice Cengiz.
« Vous avez du pétrole et des dollars ? Vous êtes en sécurité »
Même colère du côté de l’ONG américaine Democracy for the Arab World Now (DAWN), fondée par Jamal Khashoggi. « En brisant sa promesse de responsabilité, Biden garantit l’impunité à MBS », s’est insurgée sur Twitter Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de DAWN, qui parle d’une « erreur sur le plan juridique », « car le roi est le chef d’État et le chef du gouvernement dans la monarchie absolue saoudienne ». « Céder au stratagème d’immunité de MBS donne un blanc-seing aux tyrans du monde entier, estime-t-elle. Vous avez du pétrole et des dollars ? Vous êtes en sécurité, quels que soient vos crimes. »
Depuis, le président américain a même exprimé publiquement son fort mécontentement le 11 octobre, allant jusqu’à évoquer la nécessite de réévaluer la relation bilatérale avec Riyad. Autant de raisons de suivre la prochaine réunion du cartel du pétrole emmené par l’Arabie, en décembre.
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