Des milliers de Tunisiens sont sortis une énième fois vendredi pour réclamer des comptes à leur gouvernement quant au sort de leurs compatriotes engloutis par la mer au cours d'une traversée clandestine vers l'Europe. Aucune réponse ne pourrait leur être donnée et la réclamation s'évaporera dans un ciel tunisien narquois grimaçant face à un peuple sur le dos duquel tous les malheurs sont tombés.
Le chômage galopant, des stations d'essence en panne sèche, les commerces dégarnis et les produits de première nécessité disparus des étals offrent une piteuse image d'une Tunisie avec une désespérance dans l'air qui s'élargit et qui n'en finit plus. Cerise pourrie sur un gâteau moisi, les hôtels et les palaces, ressources nourrissantes d'hier, ont adopté des mines rabougries.
Pour les centaines de disparus en mer, il est évident que le gouvernement tunisien ne peut avoir une réponse de la part de la Méditerranée sur un drame humain dont personne ne fournit une juste explication. Les dégâts incommensurables de la pandémie ont mis sur les genoux les pays aux faibles ressources dont la Tunisie fait partie et ont approfondi une crise mondiale pour qu'une multitude d'Etats n'aient plus comme unique remède que de vendre leurs âmes. L'enseigne du désespoir est accrochée sur le fronton de toute l'humanité et la douce Tunisie n'a certainement pas encore tout vu et tout vécu. D'autres nations qui croyaient tout détenir se rendent compte aujourd'hui effarées qu'elles ne disposent pas de l'essentiel et qu'elles se trouvent dans l'obligation de rabaisser leurs caquets.
Les manifestants tunisiens sortis protester dans la rue sont conscients qu'aucune réponse ne leur sera fournie et qu'ils ne reverront plus leurs proches disparus. Leur colère mêlée à leur désespoir serait à identifier en un élan vers un deuil forcé et leurs marches désappointées en organisation avancée d'un enterrement désespéré. Le plus significatif est que leurs sorties spontanées et répétées sont une forme d'exorcisme contre les malheurs qu'ils vivent en sachant que le plus grand mal reste à venir.
par Abdou BENABBOU
Dimanche 6 novembre 2022
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