Le Morbihannais Jean Richard rentre tout juste d’un voyage en Algérie. Sur les traces d’une guerre qui a longtemps hanté sa mémoire. Il a été accueilli « à bras ouverts ».
Longtemps, il a hésité à franchir le pas et la Méditerranée, sur les traces de cette guerre qui a marqué sa jeunesse. « On me disait ça craint, ils nous en veulent encore… Mais c’est tout le contraire qui s’est produit, souligne Jean Richard. On a été accueillis chaleureusement. Beaucoup d’habitants nous invitaient chez eux pour partager le couscous. Tous nous disaient que la page est tournée.
Du 3 au 13 mai, ce Sinagot de 81 ans a momentanément quitté sa belle vue sur le golfe du Morbihan pour retourner en Algérie, soixante ans après. En effet, à 20 ans, il avait passé une année là-bas, à la frontière avec le Maroc. Le poste de commandement se trouvait à Nemours. Ce village de 2 000 habitants a changé de nom depuis, rebaptisé Ghazaouet, mais aussi de dimension, puisque près de 50 000 Algériens y vivent.
Zone interdite
« J’y étais comme appelé, parmi les fusiliers marins, se souvient-il. Depuis le piton Gabriel, posté en hauteur, on surveillait les environs. C’était une zone interdite. Si on voyait un Algérien approcher, on avait ordre de tirer. Dès le premier jour, un Algérien a été abattu devant moi. J’ai dû l’enterrer.
En revanche, il assure ne pas avoir vu de scènes de torture, à l’époque. Mais lors de son récent voyage, un moment l’a particulièrement marqué. Un Algérien l’a pris par la main pour lui montrer une plaque sur laquelle est écrit, en arabe « Ici, de 1956 à 1962, l’armée française torturait des Algériens. Lui-même avait été pendu par les pieds, électrocuté à la gégène, subi le supplice de la baignoire, enfermé dans un cachot… Il lui a aussi montré le puits où étaient jetés les morts. « Ça m’a fait penser à un petit Oradour-sur-Glane, poursuit Jean Richard. On est tombé dans les bras l’un de l’autre. On a pleuré comme des enfants et je lui ai demandé pardon.
Un crime contre l’humanité
Autre moment fort de ce voyage, quand Jean le Français a retrouvé Ahmed l’Algérien, l’épicier du village… « ll travaillait avec son père. On allait parfois faire des courses chez eux. On s’était vus quelquefois avant qu’il ne parte faire son service militaire en France. Soixante ans après, ils ont pu de nouveau discuter ensemble, dans la langue de Molière « Les anciens et les jeunes parlent bien français. Mais entre les deux, il y a une génération qui ne le maîtrise pas. Ils ont voulu balayer la période coloniale.
Des échanges émouvants, donc, sur le passé commun des deux pays. En revanche, Jean Richard évitait d’évoquer « les sujets qui fâchent et de parler politique. Lui défend pour sa part la saillie d’Emmanuel Macron, pendant la campagne, qualifiant la colonisation de crime contre l’humanité.
« La peur au ventre »
Cette guerre, Jean Richard n’en était pas revenu indemne « J’ai mal dormi pendant trois-quatre ans. Il a compilé ses souvenirs dans un livre, « Avant que le temps n’efface tout. Il a aussi écrit et mis en musique un poème émouvant, aux paroles évocatrices « On avait tous la peur au ventre. On disait tous, vivement qu’on rentre… ».
Au final, l’ancien patron de pêche et ostréiculteur encourage tous les anciens d’Algérie à retourner sur les traces de cette guerre. Pour ce faire, il conseille de le faire en groupe, comme lui, accompagné de Zohra
Maldji, une avocate franco-algérienne qui organise ce type de voyages dans un but de réconciliation.
Publié par Laurent Guenneugues le 22 mai 2018 à 16h44
https://www.letelegramme.fr/local/editions/VA/guerre-d-algerie-des-retrouvailles-et-des-larmes-60-ans-apres-22-05-2018-11981610.php
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« Cet examen sent la fin de notre formation, nous sommes fins prêts, du moins en principe. Adieu Siroco, bonjour la DBFM (demi-brigade de fusiliers marins). Nous sommes mûrs pour le combat, pour faire la guerre... pardon, pour maintenir l'ordre ! subtile nuance, lourde de conséquences s'il vous arrive malheur car ce n'est pas une guerre, c'est un maintien de l'ordre : la mort n'est pas la même aux yeux des extraterrestres que sont souvent nos dirigeants ! Contrairement à ce que je pensais, nous ne partons pas tous pour la DBFM, une moitié seulement, les plus vaillants dont je fais partie ! » L'Algérie s'est déjà soulevée quand J. Richard est appelé à effectuer son service militaire. Une obligation à laquelle il ne se dérobe pas et qui le conduit notamment au plus près de la mort, de la terreur et de l'horreur, sur les pitons algériens. Une expérience traumatisante, souvent insoutenable, sur laquelle il met enfin des mots, donnant ainsi naissance à un témoignage fort et engagé, nourri de documents éloquents, qui rend compte d'une tragédie humaine et générationnelle trop vite passée sous silence. Une occultation, voire un refoulement, contre lequel se dresse aujourd'hui ce récit qui dénonce et le gâchis des vies humaines et l'incurie des dirigeants de l'époque.
Ce livre a été écrit pour ma famille, mes enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants « à venir », mes neveux et nièces, etc. Tous les acteurs de la pièce de théâtre « Circulez y a tout à voir », et plus particulièrement Sandrine, ma petite-fille sur scène. Merci à Jean-Marie, mon pote du piton Gabriel pour ses photos. Merci à mon pote du commando Jaubert pour sa lettre et son témoignage sur la tuerie du Djebel Zakri.
Jean Richard
Avant que le temps n’efface tout, il est bon et sage de transmettre enfin, à ses proches et amis, par la parole ou l’écrit les événements qui ont jalonné sa vie. Avant d’entrer dans leur vie active et qu’il ne soit supprimé, les jeunes Français devaient accomplir leur service militaire obligatoire. Période considérée par tous comme une perte de temps mais qu’aucun n’a oubliée et que chacun prenait plaisir à se remémorer à l’occasion de retrouvailles. Beaucoup ont pourtant vécu une période trouble et difficile sous le drapeau français au cours de la guerre d’Algérie considérée hypocritement à l’époque comme une simple opération de maintien de l’ordre qui a coûté la vie à des milliers de jeunes appelés totalement ignorants des choses de la guerre et formés militairement à la hâte. Dans la paisible presqu’île de Séné, le jeune marin pêcheur Jean Richard, en âge d’accomplir son devoir de citoyen, est incorporé dans la Marine nationale en direction de l’Algérie pour effectuer une courte formation de fusiller marin pour faire « de ce gamin un homme de guerre » suivant l’expression consacrée ! Il va ensuite passer une année entière, avec une cinquantaine de militaires de métier et d’autres appelés, dans un petit fortin construit au sommet d’un piton dominant et à toucher la frontière marocaine par laquelle s’infiltrent les ennemis malgré la ligne électrique et les mines. Notre jeune marin pêcheur armé d’un fusil-mitrailleur va effectuer de nombreuses gardes de nuit la trouille au ventre et échapper à l’explosion d’une mine qui aurait pu lui être fatale à quelques jours de quitter son fortin pour embarquer à Toulon sur un porte-avions. À son bord, il aura l’occasion d’oublier ces douze mois d’isolement en faisant escale à Madagascar, La Réunion et l’île Maurice avant de regagner Séné, sa famille, ses amis après vingt-huit mois passés sous les drapeaux. Et ce sont ces souvenirs inoubliables qu’il nous livre aujourd’hui après une vie familiale et professionnelle bien remplie.
Beaucoup de pères de famille, qui ont eu à faire la guerre d’Algérie, ont toujours été plus bavards avec leurs petits-enfants qu’avec leurs propres enfants quand ils évoquaient leur guerre d’Algérie, pourquoi ? Dieu seul le sait ! J’ai le souvenir qu’étant enfant, j’écoutais avec attention les récits de mes grands-parents quand ils évoquaient leur guerre de 1914-18, pour celle de mon père, quand il parlait de sa guerre de 1939-45, beaucoup moins ! Aucun d’entre nous n’échappe à la règle, nos enfants ont tendance à nous dire : «Oh, c’est du passé, n’en parlons plus », voire à nous prendre pour des radoteurs, « mais tu l’as déjà dit, te voilà encore avec ta guerre d’Algérie et ton piton, etc. » alors que nos petits-enfants sont tout ouïe, ils compatissent. Lors d’une pièce de théâtre jouée pour l’inauguration de la maison de la culture de Séné, j’ai été amené à tenir le rôle d’un grand-père qui explique à sa petite-fille sa guerre d’Algérie : la scène est émouvante, dans la salle beaucoup de mouchoirs ont été sortis. Sandrine, ma petite-fille dans la pièce, et moi avons vécu des moments forts, très forts, cela m’a donné l’idée d’écrire ces quelques pages, avant que le temps n’efface…tout! Certaines images peuvent choquer ; moi, elles m’ont bouleversé. Les plus atroces proviennent d’Algériens entre eux, il m’a fallu près de dix ans pour retrouver un sommeil normal, fonder une famille et effectuer un travail que j’adorais, ce qui m’a aidé à retrouver un équilibre. On n’efface pas d’un coup d’éponge une période aussi cruelle de sa jeunesse. Oublier n’est pas possible, témoigner pour que cela ne se reproduise plus oui !
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Avoir 20 ans dans le Djébel
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