Le ministère de la Culture et des Arts annonce un riche programme d'activités culturels et de festivals à travers les 58 wilayas du pays et les établissements sous tutelle, à l'occasion de la commémoration du 68e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale, a-t-on appris auprès du ministère.
Ces célébrations qui coïncident également avec la tenue du 31e Sommet arabe à Alger comptent, tout au long du mois de novembre, sept festivals, de très nombreuses projections cinématographiques, une centaine d'expositions et une soixantaine de spectacles dans différentes villes du pays.
Les festivals nationaux du théâtre amazighe à Batna, du théâtre féminin d'Annaba, du monologue et du théâtre à Tindouf, de la poésie féminine à Constantine, ou encore celui dédié aux étudiants des Ecoles d'Arts à Oran, se tiendront du 4 au 30 novembre, en plus du festival local de la chanson Aâroubi à Blida et du Festival international de l'enluminure et de la calligraphie, prévu à Tlemcen.
L'Office national pour la culture et l'information (Onci) prévoit un riche programme dans ses salles à Alger, Constantine, Oran, Boumerdes, Tipasa et Sétif comportant de nombreuses exposition de photographies d'archives, des projections de films historiques et des spectacles et opérettes.
Pour sa part l'Office Ryadh El Feth (Oref) propose une large choix de films historiques et de documentaires en plus d'un salon du livre et de nombreux ateliers pour enfants, alors que l'Agence algérienne pour la rayonnement culturel (Aarc) prévoit des expositions et des projections à la villa Dar Abdeltif.
Dans ce même cadre l'Opéra d'Alger Boualem-Bessaih abrite de nombreux spectacles à l'instar de l'opérette "Ala Fa Achehadou", et les "Journées de la chanson révolutionnaire", alors que le Théâtre national algérien a entamé lundi son programme quotidien de spectacles et de théâtre de rue.
Le Palais de la Culture Moufdi-Zakaria à Alger, devra abriter un salon arabe du livre, du 27 octobre au 4 novembre, en plus de deux exposition sur le patrimoine culturel immatériel algérien et sur la préhistoire, alors que la Palais de la Culture de Tlemcen ouvrira ces locaux pour des expositions, une rencontre universitaire sur la poésie populaire, et les 8e Journées du court métrage.
Expositions, salon locaux du livre, rencontres, conférences, projections et spectacle sont également au programme de toutes les directions locales de la Culture et des Arts pour la commémoration du déclenchement de la Guerre de libération nationale.
Le wali de Tipaza a décidé de détacher un administrateur pour la gestion des affaires courantes de la commune de Tipaza, en remplacement du président de cette Assemblée populaire communale (P/APC), Ahmed Beloundja, suspendu de ses fonctions en raison du blocage qui perdure dans cette collectivité locale depuis août dernier.
Dans une déclaration à l’APS, en marge du lancement de la campagne de reboisement, le wali Aboubakr Seddik a signalé avoir décidé, sur proposition du Directeur de la réglementation et des affaires générales (DRAG), de prendre lui-même les rênes de la commune en remplacement de son président, avant de déléguer cette fonction à la cheffe de la daïra de Tipaza, Khadidja Yahiaoui, pour assurer la gestion provisoire des affaires courantes de la commune, a-t-il expliqué.
«Le blocage enregistré dans la gestion des affaires courantes de la commune, dû à un désaccord entre les membres de l’APC, a affecté négativement cette collectivité et les intérêts des citoyens», a ajouté le wali pour justifier la décision prise de déléguer un administrateur pour assumer les fonctions du président de l’APC, «conformément à la réglementation en vigueur, jusqu’au règlement des différends entre les membres de l’APC de Tipaza et la reprise de ses activité de façon ordinaire», a-t-il précisé.
Toujours selon le wali, cette situation de blocage est à l’origine de dysfonctionnements dans la gestion de cette collectivité, ayant retardé son processus de développement, notamment concernant le lancement des projets et programmes de développement, d’urbanisme, de lutte contre l’habitat précaire, d’hygiène, de santé publique, environnement, restauration et transport scolaire.
A cela s’ajoute une «négligence volontaire des biens de la commune, tant générateurs que non générateurs de revenus, leur non-valorisation et la non-dénonciation de leur exploitation illégale par des tiers», a déploré le chef de l’exécutif de la wilaya.
Les autorités locales ont initié de nombreuses tentatives pour mettre fin à ce blocage, mais elles ont échoué en raison de l’entêtement de certains membres de l’APC à ne pas faire prévaloir l’intérêt public. Des mises en demeure ont été, également, adressées au P/APC pour remédier à cette situation, mains en vain, a souligné le wali.
Le nouvel essai de notre collaborateur sort en France aux éditions Riveneuve ce 27 octobre. MEE en a sélectionné cinq extraits qui aident à mieux comprendre les obstacles à la transition démocratique en Tunisie.
Pour l’essayiste franco-tunisien Hatem Nafti, aussi collaborateur de Middle East Eye, « l’essoufflement de la démocratie participative, la précarisation des citoyens, la puissance des réseaux sociaux et l’étouffement des aspirations populaires participent aujourd’hui à la déconsolidation de la démocratie libérale et à l’avènement d’un populisme autoritaire ».
Dans son dernier essai, Tunisie : vers un populisme autoritaire, qui sort aux éditions Riveneuve, en France, le jeudi 27 octobre, il revient sur le coup de force du président Kais Saied, le 25 juillet 2021, et s’interroge : dix ans après la révolution, la Tunisie fait un saut dans l’inconnu. Pourquoi la transition démocratique a-t-elle échoué ?
Le livre décortique la décennie postrévolutionnaire et explore les expériences comparables (Second Empire, Amérique latine, République de Weimar...). Il croise les regards d’experts (juristes, politistes, économistes, acteurs associatifs, militants) et de personnalités comme l’ancien chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, pour tenter de préciser si le « saïedisme » est un populisme autoritaire mettant fin à une démocratisation fragile ou s’il peut aboutir à une démocratie authentique.
Une question clé autant pour les Tunisiens que pour leurs voisins maghrébins et européens, confrontés à la montée des populismes et au rejet croissant des valeurs démocratiques.
1. Ennahdha, du parti dissident au cœur nucléaire du système
« C’est incontestablement le parti qui a le plus structuré les dix premières années de la révolution. Quand, le 30 janvier 2011, Rached Ghannouchi [le leader d’Ennahdha] foule le sol tunisien après plus de vingt ans d’exil, son parti a connu deux décennies de calvaire : interdiction, arrestations, tortures, expatriation forcée. Pourtant, la tentative des autorités de l’éradiquer a échoué. Les dernières années avant la chute du dictateur [Ben Ali] ont même vu des tentatives d’islamisation partielle du régime à travers le gendre du dictateur, Sakher Materi.
Le parti, autorisé en mars de la même année, se structure rapidement et réactive ses réseaux sur tout le territoire. Disposant d’un réseau de militants présents sur tout le territoire ainsi que de moyens financiers colossaux qu’aucune enquête judiciaire n’a pu mettre en cause, le mouvement obtient 42 % des sièges de l’ANC [Assemblée nationale constituante] et écrase ses concurrents.
Ses plus d’1,5 million d’électeurs dépassent largement son socle de militants et de sympathisants pour toucher des franges conservatrices de la société et des citoyens qui ont vu dans Ennahdha, principale victime de l’ancien régime, l’antithèse totale du RCD [Rassemblement constitutionnel démocratique de Ben Ali] et l’ont confondu avec le camp de la révolution.
Sous les gouvernements de la troïka [coalition gouvernementale formée par les islamistes d’Ennahdha, le Congrès pour la République de l’ancien président Moncef Marzouki et les sociaux-démocrates d’Ettakattol], les dirigeants ennahdhaouis, tout en jouant la partition révolutionnaire, ont tenté de mettre à leur service les pires éléments de l’ancien régime.
Tunisie : pourquoi Kais Saied a fait d’Ennahdha l’ennemi à abattre
En parallèle, leurs tentatives d’islamiser le pays par le bas se sont accompagnées d’un laxisme envers des mouvements islamistes à leur droite. Cela a créé une ambiance de violences politiques qui a débouché sur les assassinats [Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, dirigeants de la gauche panarabe, tués respectivement le 6 février et le 25 juillet 2013] et les attentats terroristes de 2013.
Après l’assassinat de Mohamed Brahmi, un sit-in a été organisé par une partie de l’opposition qui voulait en finir avec tout le système issu des élections de 2011.
En Égypte, une entreprise similaire a facilité le coup d’État de Sissi. Pris de panique, les dirigeants ennahdhaouis acceptent de négocier avec Béji Caïd Essebsi et de commencer l’ère des "deux cheikhs" [désigne le partage du pouvoir en Tunisie entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi entre 2014 et 2019, date du décès de ce dernier] qui se consolide après les élections de 2014 dans lesquelles les deux parties rompent leur promesse électorale et s’allient pour dominer la vie politique.
Depuis cette date, toutes les décisions du parti sont guidées par un seul élément : se maintenir au pouvoir quel qu’en soit prix, les dirigeants ennahdhaouis étant convaincus que leur retour à l’opposition sera synonyme d’une nouvelle tentative d’éradication.
Le quinquennat 2014-2019 permet à Ennahdha de continuer sa normalisation avec les forces issues de l’ancien régime. Après avoir refusé de passer une loi de lustration politique qui aurait permis d’écarter pour cinq ans les éléments destouriens les plus impliqués sous Ben Ali, le parti islamiste soutient la controversée loi de réconciliation.
Arrivé deuxième mais membre de tous les gouvernements de cette période, Ennahdha continue à s’insérer dans le système à travers notamment des nominations dans toutes les strates de l’État tout en n’ayant pas la position inconfortable du vainqueur des élections.
En réalité, la dislocation de Nidaa Tounes [parti politique fondé par Béji Caïd Essebsi en 2012] fait des islamistes le premier bloc parlementaire. Une position qui va s’intensifier quand le chef du gouvernement Youssef Chahed se retourne contre son mentor Béji Caïd Essebsi. Le jeune Premier ministre devient alors l’obligé du parti islamiste qui le soutient moyennant une protection accrue de ses intérêts.
Les dirigeants ennahdhaouis [sont] convaincus que leur retour à l’opposition sera synonyme d’une nouvelle tentative d’éradication
En interne, Ennahdha organise son dixième congrès en 2016. Si la presse locale et étrangère focalise sur l’intention du mouvement de séparer ses activités politiques du travail de prédication, l’événement le plus important est l’accroissement significatif du rôle du président Rached Ghannouchi, un paradoxe pour un parti qui prône un régime parlementaire. Depuis lors, Ennahdha connaît une succession de crises autour des décisions du chef.
Ainsi, en 2019, Ghannouchi modifie de manière substantielle les résultats des primaires organisées pour désigner les candidats aux législatives. Il se fait parachuter dans la circonscription Tunis 1, qui inclut la majorité des quartiers populaires de la capitale. Il choisit donc la facilité pour être sûr de devenir député et ainsi briguer la présidence de l’Assemblée.
Étant convaincu, sondages à l’appui, de l’impossibilité pour lui d’être élu à la présidence de la République, il décide de faire de son poste un président bis. Il est à noter qu’en cas de vacance définitive du poste de président de la République, la Constitution accorde l’intérim au chef de l’Assemblée.
Tunisie : Ennahdha a-t-il épuisé sa mission historique ?
Les statuts du mouvement limitent à deux les mandats du président. Une remise à zéro est entreprise en 2011 quand le parti est sorti de sa clandestinité. Mais plusieurs proches de Ghannouchi ont commencé une campagne interne pour que leur chef rempile. Cette tentative de prolongation a créé des tensions qui éclatent au grand jour, fait rarissime dans un parti habitué à la discrétion sur ses luttes internes.
Les élections législatives de 2019 sont un camouflet pour Chahed et Nidaa Tounes. Ennahdha arrive en tête mais perd deux tiers de son électorat de 2011. Comme d’habitude, le parti n’hésite pas, pour se maintenir au pouvoir, à pactiser avec son ennemi de campagne, cette fois-ci le parti Qalb Tounes.
En plus du discrédit de sa parole publique, le parti est pointé par un rapport de la Cour des comptes sur le scrutin de 2019 l’accusant d’avoir eu recours à des financements étrangers. Une pratique interdite par la loi électorale tunisienne. Mais le rapport ne donne lieu à aucune incrimination jusqu’au 25 juillet 2021.
Dix ans après la chute de Ben Ali, Ennahdha a réussi à s’implanter dans toutes les strates de la vie publique au point de devenir le cœur nucléaire du "système" dans le sens le plus péjoratif du terme sans pour autant se faire accepter par une partie importante d’une élite qui continue à voir dans ce parti un élément étranger à la Tunisie. »
3. Système policier : entre ruptures et continuités
« [...] Le départ de Ben Ali pouvait être synonyme de la fin du régime policier. L’éphémère ministre Farhat Rajhi a tenté de réformer les services de son département en réorganisant les services mais, n’étant pas "de la maison", il fait face à une fronde de ses subordonnés et a très vite été limogé par le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi.
Des policiers forment des corporations professionnelles et forcent le gouvernement à modifier la législation en leur accordant le droit syndical. Ils n’obtiennent toutefois pas le droit de grève.
Plusieurs organisations émergent alors et deviennent de véritables lobbys politiques. Il faut dire que l’apparition des syndicats des forces de l’ordre intervient au moment où la menace terroriste devient particulièrement préoccupante. […]
Pour redorer son blason, une partie des syndicats de police choisit alors le rôle de lanceur d’alerte, dénonçant les dérives de sa hiérarchie. L’opposition progressiste et ses relais médiatiques accélèrent alors la normalisation de ces proto-partis politiques dont les revendications dépassent largement les conditions socio-économiques des travailleurs.
L’État policier, angle mort de la démocratie tunisienne
C’est ainsi que plusieurs manifestations artistiques sont interrompues par les policiers chargés d’en assurer la sécurité au motif que les artistes (des rappeurs ou des humoristes) auraient manqué de respect aux forces de l’ordre.
Mais la menace terroriste et les calculs politiciens s’accompagnent d’un laxisme envers ces comportements préoccupants. Au lieu de chercher à réformer le ministère de l’Intérieur, les principales forces politiques se sont lancées dans une course effrénée pour obtenir des allégeances au sein du département.
Tout ceci a fourni une certaine immunité aux fonctionnaires de police. Cela se voit au moment des procès des martyrs et blessés de la révolution. Plusieurs prévenus refusent de se présenter à la barre et n’y sont pas contraints par la force publique tandis que ceux qui acceptent de comparaître le sont le plus souvent en état de liberté – alors qu’ils sont accusés d’homicide – et écopent de légères peines de prison.
Le même phénomène est observé durant les audiences des chambres spéciales chargées de statuer sur les affaires relevant de la Justice transitionnelle (violation des droits de l’homme, meurtres d’opposants, tortures, etc.). Dans un communiqué publié en 2019, des ONG dénoncent "un refus de la part de certains agents du ministère de l’Intérieur d’exécuter les ordres des tribunaux relatifs aux convocations et aux mandats d’amener émis par les présidents des chambres spécialisées" ainsi qu’un "boycott total des accusés et même de leurs avocats".
Envers et contre tout, la justice transitionnelle continue de traquer l’impunité
Mais c’est l’affaire dite du tribunal de Ben Arous qui représente l’acmé de l’impunité policière et de la complicité, au moins passive, des gouvernements successifs.
Le 27 février 2018, un juge d’instruction auditionnait des policiers accusés de torture. Des syndicalistes armés ont encerclé le bâtiment pour exiger la libération de leur collègue. Le magistrat finit par ordonner la fin de la détention des accusés.
Amnesty estime probable que le juge ait agi par crainte pour sa propre sécurité. Des actions similaires ont eu lieu dans les juridictions de Sousse en 2011 et de Mahdia en 2019. À chaque fois, les autorités promettent de diligenter une enquête mais aucune condamnation n’a été prononcée dans ces affaires.
L’arrivée au pouvoir de Kais Saied, qui se présente comme un antisystème ne change pas radicalement la donne. Alors qu’il a soutenu les martyrs et blessés de la révolution, il évite d’affronter la question de l’impunité de leurs bourreaux, se contentant de quelques généralités sur la nécessité d’une justice équitable.
Par ailleurs, sa volonté de lutter contre la corruption des institutions s’arrête souvent aux portes du ministère de l’Intérieur. Comme le note le politologue Youssef Cherif, dès son accession à la présidence de la République, Saied multiplie les signes de soutien envers toutes les forces armées civiles et militaires. Cela se matérialise notamment par des visites fréquentes de postes de police ou de casernes de l’armée et de la garde nationale. »
Influences kadhafistes et chavistes ?
« […] En lisant le Livre vert [programme de Mouammar Kadhafi], on retrouve une critique de la démocratie représentative et de la partitocratie similaire à celle que formule Saied.
Certains passages peuvent en effet faire penser aux discours de Saied. Le guide libyen écrit par exemple : "L’assemblée parlementaire est une représentation trompeuse du peuple, et les régimes parlementaires constituent une solution tronquée au problème de la démocratie ; l’assemblé parlementaire se présente fondamentalement comme représentante du peuple, mais ce fondement est, en soi, non démocratique, parce que la démocratie signifie le pouvoir du peuple et non le pouvoir d’un substitut."
Les promoteurs de la construction rejettent cette comparaison et rappellent que les membres des conseils sont élus. En effet, les comités populaires libyens sont constitués officiellement de tous les habitants d’une circonscription. Par ailleurs, les délégués au Congrès populaire sont élus par acclamation.
Tunisie : pourquoi s’étonner du coup d’État ? Kais Saied se montre autoritaire depuis le début
L’autre parallèle concerne la centralité de l’exécutif. En Libye, c’est le "guide de la révolution" qui détient l’essentiel du pouvoir, pouvant même s’affranchir des votes du Congrès comme cela a été le cas en 1983 pour la conscription obligatoire des filles.
En Tunisie, le système des conseils est dominé par un président ultra puissant. Comme l’a fait remarquer [le militant tunisien] Sadri Khiari, ce penchant présidentialiste se lisait déjà dans la profession de foi du candidat. En bornant les prérogatives des conseils locaux aux seules questions de développement, on dépolitise les élus et on délègue l’essentiel du pouvoir au président.
On verra par la suite que le régime issu de la Constitution de 2022 aboutit à un régime présidentialiste. Il convient toutefois de souligner une autre différence primordiale : le président tunisien reste élu alors que le guide libyen se réclamait d’une légitimité révolutionnaire.
Comme nous l’avons déjà précisé, l’autre influence vient d’Amérique du Sud. En arrivant au pouvoir au Venezuela, Hugo Chávez a mis en place des instances locales récupérant une partie des compétences de l’État central et des collectivités territoriales.
En 2002, sont créés des Conseils locaux de planification, cogérant avec les mairies l’usage du sol dans les quartiers. Puis, à partir de 2006, des Conseils communaux font la coordination entre comités locaux et établissent des projets d’aménagement local pour lesquels ils touchent directement des ressources de l’État central. Enfin, en 2009, des Communes regroupent des représentants des conseils communaux qui jettent, à leur tour, les bases d’un État communal. Le modèle bolivarien a fait des émules dans d’autres pays du continent. »
4. Une approche monocausale, morale et complotiste de l’économie
« Avant le 25 juillet 2021, Kais Saied a très rarement abordé les questions économiques, un sujet qu’il maîtrise mal. Mais quand il s’est octroyé les pleins pouvoirs, il a dû exposer sa vision de l’économie qui se caractérise par une approche monocausale et qui fait la part belle au complot.
La première décision en la matière a été de limoger le ministre des Finances du gouvernement Mechichi, Ali Koôli et de le remplacer par une haute fonctionnaire du ministère. Recevant la nouvelle chargée du département, Saed a motivé sa décision par une étrange déclaration : "Il ne répondait plus au téléphone […] Cette situation m’a rappelé la fuite de Khaznadar avec les caisses de l’État."
L’allusion à Mustapha Khaznadar, ministre des Finances et grand vizir entre 1837 et 1873, laisse songeur. Si ce grand commis de l’État a détourné des sommes considérables, contribuant à faciliter la colonisation française, il n’a jamais fui le pays. Par ailleurs, imaginer que les richesses d’un pays peuvent être détournées aussi facilement traduit une méconnaissance de la comptabilité publique.
En réalité, le ministre était en déplacement au moment du coup de force, intervenu un dimanche. À ce jour, l’intéressé n’a fait l’objet d’aucune mesure privative de liberté. Cette accusation de détournement d’aides a été portée à plusieurs reprises par le président. En octobre 2021, le chef de l’État a commandité un audit sur les prêts et dons reçus durant "la décennie noire" [la décennie 2011-2021, rebaptisée ainsi par les proches du président]. En août 2022, un rapport lui a été remis mais les autorités ont refusé de le rendre public.
En Tunisie, l’économie de rente a été plus forte que les idéaux de la révolution
Dans plusieurs de ses discours, le chef de l’État rappelle que les Tunisiens ont délibérément été appauvris. Cela serait dû notamment aux biens mal acquis par les proches de Ben Ali et par les détournements opérés après la chute du dictateur.
Or, la vision du président démontre un manque de maîtrise de ces sujets. En décembre 2020, un décret présidentiel a mis en place un comité chargé du recouvrement des biens mal acquis à l’étranger. Une décision qui intervient trop tard car, dans la législation européenne, il existe un délai de prescription de dix ans. C’est d’ailleurs, ce qu’a rappelé Bruxelles dans un courrier adressé aux autorités tunisiennes. Par ailleurs, les sommes détournées sont dérisoires par rapport aux attentes du président. […]
L’autre idée souvent avancée par Kais Saied pour expliquer la crise économique est la contrebande. La rhétorique présidentielle veut que les circuits de distribution (massalek al tawzia’) soient des circuits générateurs de famine (massalek al tajwia’).
Les distributeurs procéderaient à la spéculation sur les produits de première nécessité non pas à des fins commerciales mais pour punir (tanikil) le peuple et lui faire regretter "le processus historique", comprendre le 25 juillet.
Durant l’été, le locataire de Carthage s’est fait filmer en train d’accompagner les forces de l’ordre dans des descentes visant des entrepôts de pommes de terre et de barres de fer à béton, des matériaux dont les prix ont flambé. Là encore, les personnes incriminées n’ont toujours pas été jugées et ces démonstrations de force ont cessé un temps.
Mais à l’approche du mois de Ramadan, connu pour l’augmentation de la consommation et des fraudes, le président a repris cette rhétorique. Dans une allocution filmée dans les locaux du ministère de l’Intérieur, le chef de l’État a décrété la mobilisation générale pour "La guerre contre la spéculation".
Un décret-loi a durci les peines encourues par les contrebandiers qui risquent désormais la réclusion criminelle à perpétuité. Des opérations coup de poing ont eu lieu dans les quatre coins du pays. À la veille du mois saint, les résultats fournis par les autorités ne sont pas spectaculaires.
À titre d’exemple, les opérations policières ont permis de saisir 1 600 tonnes de pâtes alimentaires en vingt jours alors que la consommation nationale quotidienne est de 6 000 tonnes. En définitive, la guerre contre la spéculation s’apparente presque aux campagnes menées tous les ans par le gouvernement avant le mois de Ramadan. D’ailleurs, depuis la fin du mois du jeûne, la communication autour de cette lutte a cessé.
Le politologue Michel Camau estime que Saied a une approche moraliste de l’économie, considérant que l’argent est sale. La richesse n’est pas située dans une relation dialectique des rapports sociaux, elle l’est sur un plan manichéen. La crise économique n’est pas analysée à travers les problèmes structurels mais par le biais d’un complot ourdi par des parties jamais explicitées (d’où le recours au pronom personnel "ils").
[Le] projet politique [de Kais Saied] délègue les plans de développement aux régions et repose sur l’idée que la Tunisie est un État riche et dépouillé. En un an de pouvoir absolu, il n’a pas dévié de cette ligne tout en laissant son gouvernement poursuivre sur la ligne néolibérale
Partageant le même constat, le sociologue et homme politique Aziz Krichen estime que Saïed s’intéresse peu à l’économie dont il a une vision caricaturale. L’une des premières mesures que le chef de l’État a prises après le 25 juillet 2021 a été de convoquer les acteurs du secteur bancaire et de la grande distribution afin de leur demander de baisser leurs tarifs. Ces mesures peuvent sembler populaires mais elles ne s’attaquent pas aux causes structurelles de la domination de ces secteurs (marges arrière, ententes illicites, économie de rente). Pis, en voulant agir sur les prix de manière autoritaire, Saied a obtenu l’effet inverse. […]
En octobre 2021, l’agence de notation Moody’s a annoncé son intention de dégrader la note souveraine de la Tunisie pour la deuxième fois en un an. Anticipant cette décision, Kais Saied a vivement réagi. Dans une séquence filmée à l’occasion de l’audition du ministre de l’Intérieur par intérim, le chef de l’État a fustigé des "intimidations" et des "tentatives de soumission" avant de se demander "Pourquoi nous classifient-elles ?" et de traiter les agences de notation d’"Ommek Sannefa" [expression désignant les femmes qui savent mijoter de bons plats]provoquant l’hilarité des réseaux sociaux.
Quelques jours plus tard, recevant le président du Conseil du marché financier, le locataire de Carthage a appelé à "changer les critères d’attribution des notations souveraines"» tout en refusant que la Tunisie soit traitée en élève. Le 14 octobre, Moody’s a dégradé la note souveraine tunisienne de B3 à Caa1 avec des perspectives négatives.
Le président tunisien ne veut plus de croquettes pour animaux ou de maquillage pour les femmes !
Mais ces envolées aux accents souverainistes n’empêchent pas la poursuite de la même politique néolibérale. La loi de finances de 2022, pourtant promulguée unilatéralement et sans discussion parlementaire, s’inscrit dans la continuité de celles qui l’ont précédée.
Sa principale hypothèse est l’obtention d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), qui exige un plan d’austérité (baisse de la masse salariale, privatisation d’entreprises publiques, disparition à terme de toute compensation). Le jour de la signature de la loi, le chef de l’État s’est dit contraint de la faire passer. En dehors de quelques déclarations d’intention sur la nécessité de la justice sociale ou de la préservation des plus démunis, aucune rupture avec l’ordre néolibéral n’est perceptible. […]
Alors que la reprise post-covid et la guerre russo-ukrainienne sont des éléments objectifs expliquant l’aggravation de la situation économique mondiale et a fortiori tunisienne, Saied les évoque très rarement, privilégiant des explications monocausales ou la théorie du complot.
Son projet politique délègue les plans de développement aux régions et repose sur l’idée que la Tunisie est un État riche et dépouillé. En un an de pouvoir absolu, il n’a pas dévié de cette ligne tout en laissant son gouvernement poursuivre sur la ligne néolibérale. »
5. La construction du mythe de la « décennie noire »
« L’auteur de ces lignes, qui a consacré une partie entière du livre à analyser les échecs et les impasses de la décennie 2011-2021, ne saurait se dédire et méconnaître les difficultés et les déceptions suscitées par cette période. Cela dit, il ne reprend pas à son compte cette terminologie qui renvoie à un drame autrement tragique vécu par le voisin le plus proche de la Tunisie, l’Algérie. […]
Le choix de cette expression n’est évidemment pas anodin. Il a été mobilisé dans un premier temps par une farouche adversaire de tout le processus révolutionnaire : Abir Moussi [cheffe du Parti destourien libre, nationaliste]. La députée néobénaliste, qui assume sa filiation avec l’ancien régime, parlait déjà de "printemps de la ruine" (rabi’ al kharab) puis de "décennie de la ruine" (‘achriat al kharab) pour enfin parler de "décennie noire" (al ‘achria al sawda’).
Les relais médiatiques de Moussi ont popularisé l’expression si bien qu’au moment du coup de force du 25 juillet, elle se soit imposée. Cette expression est donc avant tout une victoire sémantique pour le camp ouvertement contrerévolutionnaire.
Kais Saied a également repris cette terminologie. On la retrouve dans ses discours et notamment celui tenu le 25 juillet 2022, à la sortie du bureau de vote. Violant allègrement le silence électoral, il a incité ses compatriotes à "rompre avec la décennie noire". Le discours a été diffusé en direct à la télévision nationale, ce qui a valu à la chaîne publique d’être condamnée à une amende par le régulateur audiovisuel.
Référendum constitutionnel en Tunisie : une « décennie noire » au banc des accusés
Le mythe de la "décennie noire" a donc été entretenu par un discours présidentiel, diffusé directement sur les réseaux sociaux. Le chef de l’État s’exprime directement, sans médiateur ni contradicteur. Dans la consultation nationale, les citoyens ont été invités à se prononcer sur "la décennie" ce qui est, d’après l’enseignante de droit constitutionnel, Mouna Kraïem, une manière de les influencer négativement.
Contrairement au propos d’Abir Moussi, le mythe de la "décennie noire" porté par Kais Saied s’inscrit dans le récit d’une révolution confisquée par des élites corrompues. Une version reprise par les relais médiatiques proches du président, notamment à la télévision nationale. Rappelons que l’émission politique de la première chaîne a été interdite aux partis pendant près d’un an. Le syndicat national des journalistes tunisiens a dénoncé la mise en place d’un discours unique en faveur de Carthage.
Le discours sur la "décennie noire" s’est accompagné d’une condamnation de la Constitution de 2014. Pour la Loi fondamentale, nous ne parlerons plus de mythe mais d’une réécriture de l’histoire.
Les chercheurs de Legal Agenda, Mahdi Elleuch, Mohamed Sahbi Khalfaoui et Sami Ben Ghazi, ont analysé la manière utilisée par le pouvoir et ses soutiens pour délégitimer le texte constitutionnel de 2014. Dans un premier temps, la rhétorique officielle a transformé les manifestations du 25 juillet en demandes pour l’abolition de la Constitution.
Ensuite, les scènes de liesse nocturnes, soutenant les décisions d’un Kais Saied, qui a insisté pour dire qu’il a appliqué la Loi fondamentale, ont été présentées comme une volonté populaire de mettre fin au régime.
Enfin, les sondages favorables au président ont été traduits par la confirmation que le peuple voulait en finir avec le pacte social issu de 2014.
Lors de la cérémonie de la signature de la nouvelle Constitution, Kais Saied a réaffirmé que les "Tunisiens ont aboli la Constitution de 2014 le 25 juillet 2021".
La vengeance est l’une de ces passions tristes. Le vote pour la nouvelle Constitution est une sorte de catharsis permettant d’exorciser la « décennie noire » et d’aborder une nouvelle phase
L’autre rhétorique employée pour discréditer la Loi fondamentale de 2014 est de la présenter comme celle d’Ennahdha. Il s’agit ici de présenter un parti islamiste devenu impopulaire, comme l’unique rédacteur de cette Constitution. Or, un simple examen des faits rappelle que la formation de Rached Ghannouchi a modifié de façon substantielle son projet initial sous la pression de la rue et notamment après le sit-in du Bardo en 2013. […]
[Le politologue tunisien] Hamadi Redissi a analysé le rôle des réseaux sociaux dans la campagne de Kais Saied. La popularité du président après le 25 juillet 2021 a multiplié la force de frappe de ces réseaux, qui ont porté le mythe de la "décennie noire" et de la Constitution. Les algorithmes aidant à accroître le biais de confirmation, la rhétorique présidentielle a été partagée par un nombre important de citoyens.
[…] En octobre 2021, lors de la prestation de serment du gouvernement Bouden, Kais Saied a brandi des photos montrant les violences qui ont émaillé les plénières de l’Assemblée des représentants du peuple. Il s’agissait de marquer les esprits et de faire, au nom de ces violences, le procès de la décennie.
D’autres images sont restées dans l’imaginaire collectif. Celle de la détresse des malades privés d’oxygène en pleine reprise épidémique et celle du soldat empêchant Ghannouchi d’accéder au siège du Parlement sont régulièrement rappelées par Saied.
Dans le récit saïedien, le 25 juillet 2021, le peuple a obtenu une victoire contre les responsables de "la décennie noire". Le miracle a été la campagne de vaccination d’août-septembre 2021 ayant sorti le pays de l’épidémie. Le grand crime a été la promulgation de la Constitution de 2014 qui a rendu possibles ces dérives.
Enfin, le grand espoir est de choisir souverainement une nouvelle Constitution. Pour parler en des termes plus actuels, nous pouvons dire que Saied a pratiqué, consciemment ou non, la technique du nudge [outil conçu pour modifier nos comportements au quotidien, sous la forme d’une incitation discrète] pour convaincre plus de deux millions d’électeurs d’aller aux urnes et d’avaliser son nouveau contrat social.
Le mythe de la "décennie noire" et le désir de rupture à travers le projet de Kais Saied passent par deux éléments très importants : le désir de vengeance et la confiance dans le vengeur. Comme le notait dès 2019 le sociologue Foued Ghorbali, les passions tristes ont été un facteur déterminant dans l’élection de Kais Saied, perçu comme propre (nadhif) et intègre (nazih), à même d’abattre un système qui a appauvri "le peuple".
La vengeance est l’une de ces passions tristes. Le vote pour la nouvelle Constitution est une sorte de catharsis permettant d’exorciser la "décennie noire" et d’aborder une nouvelle phase. La vengeance ne concerne pas seulement l’ancienne coalition au pouvoir mais tout le système issu de 2014 (partis, corps intermédiaires…). »
Le 18 octobre, à l’occasion de l’hommage aux combattants de la guerre d’Algérie, l’Élysée a publié un communiqué dans lequel il est précisé « Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. » Le mot clé du communiqué est « mandaté ».
Le 23 septembre, Médiapart publiait l’Appel à la reconnaissance des responsabilités de l’État dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie lancé le 1er septembre par l’Association des Combattants de la Cause Anticoloniale.
Le recourt à la torture comme système durant la guerre d’Algérie ne pouvant être nié devant le nombre de témoignages, de preuves et de documents révélés dans le cours des événements et après 1962, l’Appel de l’ACCA pose une fois encore la question : Comment, dix ans après la libération du nazisme, l’État, les instances gouvernementales, militaires et judiciaires n’ont-elles pas réagi quand des officiers français ont théorisé le recours à la torture sous le concept de « guerre révolutionnaire » ?
Comment ces théories ont-elles pu recevoir l’aval de l’État et être propagées et enseignées dans les écoles militaires ?
Comment l’État a-t-il pu autoriser et couvrir la torture, définie comme crime de guerre dans les Conventions de Genève ?
Comment l’État a-t-il pu promouvoir et décorer des tortionnaires et, d’un autre côté, juger, condamner, mettre à pied, des Français, citoyens, journalistes, intellectuels, rappelés, officiers supérieurs et hauts fonctionnaires pour avoir dénoncé la torture ?
Il ne s’agit pas là d’une démarche historienne, qui consiste à étudier et à écrire les faits et les événements, mais citoyenne : connaître et comprendre l’engrenage qui peut conduire un État de droit, par ses décisions et par son autorité, jusqu’à faire commettre l’innommable.
Le 18 octobre, à l’occasion de l’hommage aux combattants de la guerre d’Algérie, l’Élysée a publié un communiqué dans lequel il est précisé : « Entre 1954 et 1962, la France envoya près d’un million et demi d’hommes et de femmes se battre pour elle en Algérie. Plus de 23 000 y trouvèrent la mort. 60 000 au moins furent blessés. Tous furent marqués à vie par ce conflit où, à la violence des combats, s’ajoutait la cruauté des attentats. Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen… »
Le mot clé du communiqué de l’Élysée est mandaté. Robert Lacoste, au nom du gouvernement, a mandaté le général Salan commandant en chef et les paras du général Massu de gagner la guerre par tous les moyens (« à tout prix »). Quand le communiqué dit « Il en est qui mandatés, se sont placés hors la République… Cette minorité a répandu la terreur », c’est admettre qu’une minorité dans l’armée a « semé la terreur. »
C’est admettre qu’ils ont agi mandatés par le gouvernement, mandat qu’ils ont exécuté en appliquant la théorie de la « guerre contre-révolutionnaire », qui théorise le recours à la torture ? C'est admettre la responsabilité de l’État dans son usage.
Le communiqué précise : « Reconnaître cette vérité ne doit jamais nous faire oublier que l’immense majorité de nos officiers et de nos soldats refusa de violer les principes de la République française. Ces dérives criminelles, ils n’y ont pas souscrit, ne s’y sont pas soumis, et s’y sont même soustraits. En conscience, avec courage, certains prirent la parole ou la plume pour les condamner publiquement. »
Oui, l’immense majorité des officiers et des soldats n’ont pas « semé la terreur ». Jamais il n’a été dit « toute l’armée », cela serait faire injure à une génération traumatisée envoyée faire cette guerre et ignorer que ce sont des rappelés qui, témoins des exactions, furent les premiers à alerter sur la pratique de la torture comme système lors de la guerre d’Algérie.
S’engager dans la voie de la compréhension de cet engrenage répressif n’est pas un acte de contrition ou de repentance, mais un besoin, une nécessité pour répondre à la question posée par Pierre Vidal-Naquet dans La Raison d’État[1] : « Comment déterminer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé à son tour les citoyens ? »
Une démarche qui peut être engagée en s’appuyant sur le grand nombre de témoignages, de documents et dossiers accessibles, publiés et révélés par ceux - pour reprendre les termes du communiqué de l’Élysée -, qui ont eu le courage de condamner publiquement la torture dans le cours de la guerre d’Algérie.
Le présent s’inscrit dans le passé, il est donc chargé de déchirures, d’où l’importance que cette démarche de vérité, de cicatrisation, d’entendement, soit conduite avec sérénité.
La mort d’un enfant est le pire drame que puissent connaître des parents. La mort de Lola, 12 ans, enlevée, violée, tuée, puis retrouvée dans une malle dans le 19e arrondissement de Paris le 15 octobre, est effroyable pour les proches de la fillette, mais aussi pour la société entière.
Que des milliers de personnes aient tenu à exprimer leur soutien à la famille endeuillée durant tout le week-end dans le Pas-de-Calais, que les obsèques, célébrées lundi 24 octobre, aient constitué un moment d’émotion intense, n’a rien que d’humain. Chacun peut se sentir concerné, touché, à sa manière, par une tragédie dont la victime appartient à la catégorie de la population censée être protégée le plus fortement par la collectivité : les mineurs.
Mais si l’émoi est hautement compréhensible, l’exploitation politique qui a été faite de ce meurtre révulse. Sitôt connue la nationalité algérienne de la suspecte, Dahbia B., 24 ans, le parti d’Eric Zemmour a acheté des noms de domaine Internet comportant le prénom de la petite victime. Et Jordan Bardella, président par intérim du Rassemblement national, a pratiqué l’amalgame en reliant la mort de Lola aux hommages d’Emmanuel Macron au Ballon d’or Karim Benzema, Français d’origine algérienne, et aux manifestants algériens tués par la police française le 17 octobre 1961 à Paris. Qu’il ait fallu que les parents de Lola appellent eux-mêmes à l’arrêt de l’utilisation politique du nom de leur enfant pour faire cesser la récupération en dit long sur le degré de cynisme à l’œuvre.
L’utilisation politique de « faits divers » atroces est loin d’être un phénomène nouveau en France. Pour déclencher la peur et justifier les discours sécuritaires, ou pour diriger la vindicte sur une minorité de la population. En 1973, à Marseille, le meurtre d’un chauffeur de bus par un déséquilibré algérien avait suscité des articles haineux et entraîné la mort d’une vingtaine d’Algériens dans des « ratonnades » .
Fonds de commerce politique
Cette rhétorique consistant à stigmatiser un meurtrier en raison de ses origines, voire à expliquer son crime par celles-ci, reste à l’œuvre. Dans un contexte où les réflexes identitaires, toujours alimentés par les mémoires de la guerre d’Algérie, servent de plus en plus de fonds de commerce politique, l’exploitation atteint un degré plus scandaleux encore : sans connaître rien de précis ni sur le profil ni sur le mobile de la meurtrière suspectée, l’extrême droite, et certains à droite, cherchent à présenter son acte comme racial, religieux, voire civilisationnel. Un dangereux processus d’essentialisation qui prétend expliquer le drame non par ce qu’a fait une femme mais par ce qu’elle est : une Algérienne en situation irrégulière visée par une « obligation de quitter le territoire français ».
La très faible application des lois régissant la reconduite à la frontière des « sans papiers » est un problème politique qui mérite un débat et exige des réponses. Que la mort de Lola le mette en lumière est logique. Mais que le calvaire d’une fillette soit mis à profit pour alimenter la controverse n’est pas décent. L’indignation suscitée par un tel meurtre est indépendante de la nationalité tant de la victime que de l’auteur présumé.
Si le meurtre de Lola risque de soulever une question de société, c’est, à en croire les témoignages de ses proches, celui de la responsabilité pénale. Un dossier autrement plus complexe que la désignation des « immigrés » comme boucs émissaires ou l’exploitation d’une émotion populaire qui n’appartient à personne.
Au terme d’une campagne électorale éclair, Rishi Sunak a été élu chef du Parti conservateur britannique et nommé mardi Premier ministre. L’élection de Sunak survient après la démission de Liz Truss, désavouée pour ses propositions économiques désastreuses.
Si son arrivée au pouvoir parvient à rassurer quelque peu les marchés financiers affolés, son plan économique détaillé est grandement attendu pour tenter de faire sortir le Royaume-Uni de la crise. Parallèlement, les conservateurs ont besoin d’une figure sérieuse et compétente capable d’unir le parti et de minimiser les chances de défaites aux législatives de 2024. Le nouveau Premier ministre réussira-t-il son pari risqué, surtout que les échecs de ses prédécesseurs n’ont cessé de discréditer son camp?
Quatre jours se sont écoulés depuis la démission de Liz Truss, et déjà un nouveau Premier ministre lui succède: le troisième en près de deux mois. Arrivé second en septembre face à Mme Truss, il saisit l’occasion de l’échec cuisant de son adversaire et parvient cette fois-ci à atteindre l’accès à Downing Street.
Dimanche, dès l’annonce de l’abandon de Boris Johnson de la course à la tête du parti, la City a poussé un soupir de soulagement. Mais ce n’est que lundi que M. Sunak a été annoncé gagnant, suite au désengagement de Penny Mordaunt, seule candidate concurrente.
Quelles sont les propositions politico-économiques de Sunak pour une sortie de la crise? Petit-fils d’immigrants indiens fortunés, Rishi Sunak est l’ancien chancelier de l’Échiquier du gouvernement Johnson. La plus grande différence entre Truss et Sunak réside dans leurs visions économiques.
Selon The Economist, " Sunak est un expert alors que Truss est un franc-tireur ". Il se veut davantage réaliste et estime qu’"on ne peut réduire drastiquement les taxes sans avoir le contrôle sur l’inflation", critiquant ainsi le mini budget mis en place par Kwasi Kwarteng le 23 septembre dernier.
Misant sur une croissance annuelle de 2,5% en abaissant massivement les impôts pour les plus favorisés, le plan de relance budgétaire du gouvernement Truss a suscité la panique des marchés financiers et la chute vertigineuse de la livre sterling.
L’arrivée de M. Sunak est alors vue comme un miracle tombé du ciel, d’autant plus que les conservateurs espèrent fortement qu’il s’impose comme héros de la situation. Ainsi, sur le plan économique, le nouveau Premier ministre prône " la prudence fiscale " et propose un retour à l’austérité économique à travers la rigueur budgétaire.
Se présentant comme un homme pragmatique et compétent, il sera à la tête d’une administration dont l’objectif serait d’abord de maîtriser l’inflation. Il compte ensuite faire baisser les impôts afin de favoriser l’investissement et finir par stimuler la croissance économique. En vérité, Rishi Sunak s’engage à réduire de 20% la fiscalité d’ici 2030.
Par ailleurs, si le domaine économique est central dans le programme électoral de M. Sunak, celui-ci a pris d’autres engagements concernant le Brexit, l’immigration, la santé ou encore la politique étrangère. Au niveau du Brexit, il soutient le protocole nord-irlandais et s’engage à renégocier toutes les lois post-Brexit qui affectent négativement les entreprises britanniques.
Quant à l’immigration, il souhaite faire voter une loi qui limite l’immigration légale et élargir l’initiative du Rwanda à d’autres pays pour prévenir l’immigration clandestine. Il s’agit d’une initiative prise par Boris Johnson et qui consiste à renvoyer les immigrants clandestins au Rwanda malgré les désaccords de la Convention pour les droits de l’Homme.
Dans le secteur de la santé, il espère redynamiser le NHS (service de santé publique), baisser les temps d’attentes et empêcher l’exode des médecins les plus qualifiés par la hausse de leurs revenus. Enfin, pour la politique étrangère, il entamera un rapprochement avec l’UE, malgré son euroscepticisme, ainsi qu’avec la Chine (selon le quotidien The Times), afin d’améliorer les relations commerciales britanniques.
Accusé d’avoir accéléré la chute de Boris Johnson, Rishi Sunak n’était pas largement apprécié au sein de son parti. Cependant, l’expérience Truss et les désastres économiques qui ont suivi ont consolidé sa crédibilité, notamment pour les questions financières. Celui qui exprimait depuis quelques mois son scepticisme pour le plan économique de son adversaire, "tiré d’un conte de fée", a prédit la panique des marchés et la dégringolade de la monnaie nationale.
La page Truss est tournée. Celle de Sunak s’ouvre. Une ère de prudence économique et d’orthodoxie financière s’annonce. Avec le désengagement de Boris Johnson, la figure la plus à même de relever le pays de sa crise est M. Sunak, avec qui les conservateurs peuvent espérer regagner quelque peu une certaine crédibilité au sein de son électorat. Son défi majeur reste toutefois de gagner les élections législatives en 2024, alors que l’opposition travailliste a 36 points d’avance.
Ali A. Hamadé25 Oct, 2022 à 20:35Dernière modification le 25 Oct, 2022 à 20:35
AAprès quatre ans de délibérations et d’échanges entre les parties, le Comité contre la torture des Nations unies a condamné le Maroc pour la séquestration du Germano-Marocain Mohamed Hajib et pour les graves sévices qu’il lui a fait subir durant plusieurs années.
u moment où le Maroc et l’Allemagne élargissent leur coopération antiterroriste, c’est une affaire dont ils se seraient largement passés. Une information qui implique les deux États et qui va soulever les ciments de l’État profond marocain. Un coup de tonnerre dans un ciel encombré de fake news et de manipulations en tout genre.
L’ancien détenu politique Mohamed Hajib, l’ennemi public numéro 1 des services de renseignement marocains, a bel et bien été séquestré, torturé par des agents de l’État et condamné arbitrairement à dix ans de prison (une peine ramenée à cinq, puis à sept) à une époque, en 2010, où le régime marocain se prévalait de vivre sous une « ère nouvelle », une époque débarrassée, disait-on, des années de plomb de Hassan II.
L’ONG Alkarama, basée en Suisse, et qui s’est chargée de la défense de ce Germano-Marocain, vient de rendre publique par voie de communiqué une décision du Comité contre la torture des Nations unies concluant que Mohamed Hajib a été condamné en 2010 à dix ans de prison pour de « prétendus actes terroristes » sur la « seule base d’aveux extorqués sous la torture ».
Cette décision onusienne dont Middle East Eye a obtenu une copie, rendue le 12 juillet 2022 mais connue seulement il y a quelques jours, était très attendue par les deux parties opposées : l’État marocain et Mohamed Hajib.
Mohamed Hajib : enquête sur l’ennemi public numéro 1 des services secrets marocains
Depuis qu’il a été arrêté en 2010, jusqu’à sa libération en 2017, Mohamed Hajib n’a cessé de clamer qu’il a été embarqué dans une invraisemblable histoire à la suite d’une expulsion déguisée d’Allemagne.
Il a toujours accusé Berlin et Rabat d’avoir conclu un pacte secret, et manifestement illégal, afin de le priver de sa nationalité allemande pour avoir seulement visité le Pakistan.
Or Hajib n’a jamais été jugé et encore moins condamné. Ni au Pakistan, où il était parti pour devenir prédicateur dans la mouvance tablighie, ni, encore moins, en Allemagne.
Jusqu’à aujourd’hui, il n’a jamais existé de preuve l’impliquant dans un quelconque acte terroriste.
Séquestration et torture
D’où le caractère arbitraire de la décision de la police allemande de le faire voler vers le Maroc en 2010, en dépit de sa nationalité germanique, prévenant dans la foulée son homologue marocaine de son arrivée.
Hajib a été séquestré à l’aéroport de Casablanca, où il est admis aujourd’hui qu’il a été torturé par des agents de la Direction générale de la sûreté du territoire (DGST, plus connue sous son ténébreux acronyme de DST), puis par des agents de la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ), dans leur siège du quartier de Maarif à Casablanca, dirigée alors par le défunt Abdelhak Khiam.
L’affaire Hajib est sensible et symptomatique d’un état d’esprit parce qu’elle implique les services secrets de deux États qui se seraient mis d’accord pour accabler un innocent
Selon l’ONU, Hajib a été également et constamment brutalisé par les fonctionnaires des différentes prisons où il a séjourné.
L’État marocain, au contraire, a toujours nié les faits. Il a affirmé dans ses réponses au Comité qu’il n’avait jamais soumis à la torture cet ex-activiste tablighi, que tous ses droits avaient été respectés et qu’en réalité, il était un membre du « salafisme jihadiste ».
Le Comité contre la torture de l’ONU avait donc à trancher entre ces deux versions. Il a fini par admettre que Hajib, qui a constitué un volumineux dossier truffé de témoignages, certains, écrits, provenant de l’ambassade d’Allemagne à Rabat, d’attestations médicales et de divers autres documents, a été torturé par les services de sécurité marocains et par les gardiens de prison.
Il est probable, mais pas certain, que les experts onusiens aient eu accès à des documents confidentiels des services de renseignement allemands datant de 2010 et dans lesquels il est question de la « disparition » de Hajib après son retour au Maroc. Après s’être rendu compte de leur méprise, les Allemands auraient essayé de s’enquérir du sort de Hajib, mais la machine de répression de l’État marocain était déjà en marche.
Manipulations, fake news et faux témoignages
L’affaire Hajib est sensible et symptomatique d’un état d’esprit parce qu’elle implique les services secrets de deux États qui se seraient mis d’accord pour accabler un innocent.
Elle est explosive parce que le Maroc s’est embarqué dans cette galère pour simplement rendre service à un pays ami, l’Allemagne, soucieux de se débarrasser d’un tablighi à une époque où ses coreligionnaires étaient mal vus parce que confondus avec les salafistes jihadistes. Jamais la mouvance tablighie n’a été impliquée dans un quelconque acte terroriste.
Depuis 2018, date du dépôt de la plainte de Hajib auprès du Comité contre la torture, l’État marocain s’est rendu compte qu’il allait payer seul les pots cassés de cette incroyable histoire. Il a donc mis tout son poids, policier, judiciaire et diplomatique, dans la balance pour éviter d’être condamné pour torture par l’ONU.
Le parquet général du royaume, la BNPJ et les deux plus importants services de renseignement marocains, la DST et la DGED (contre-espionnage), ont collaboré étroitement pour essayer de convaincre les opinions publiques, marocaine et internationale, de la dangerosité de Hajib.
Comme Mohamed Hajib anime une très visitée chaîne YouTube, le prétexte a vite été trouvé pour l’acculer avec de fausses informations et le présenter auprès de l’ONU comme un dangereux terroriste.
Crise Berlin-Rabat : pourquoi l’Allemagne irrite tant le Maroc
Au Maroc, des dizaines d’articles, voire des centaines, tous à charge, ont été écrits ces dernières années contre lui. Des vidéos maladroitement manipulées pour lui faire dire ce qu’en réalité il ne disait pas ont essaimé sur les différents sites.
À l’étranger, des médias complaisants et connus pour leur proximité avec Rabat ont été sollicités pour présenter le Germano-Marocain comme un danger public. Un obscur procureur général d’un petit État américain, l’Utah, un certain Sean Reyes, a été mis à contribution pour partager sur son compte Twitter un article d’un média financé par le Maroc qui taxait Hajib de « terroriste ».
Pour appuyer leurs accusations, les services de renseignement marocains ont fourni au Comité contre la torture les témoignages de deux anciens détenus, Bouchta Charef et Hassan Khattab, qui, dans des interviews diffusées dans des médias proches des services secrets, se sont réclamés ouvertement du salafisme jihadiste et ont reconnu leur culpabilité dans des affaires de terrorisme. Pour mieux impliquer Hajib.
Ils ont ainsi assuré avoir fomenté des complots avec lui alors qu’ils se trouvaient incarcérés dans différentes prisons. Des vérifications faites par MEE montrent que si les deux reclus salafistes et le tablighi ont bien été incarcérés, pour de très courtes périodes, dans les mêmes établissements pénitentiaires, ils étaient logés dans différentes ailes et ils ne se sont que rarement croisés.
D’ailleurs, devant une si grosse et grossière ficelle, le Comité n’a pas retenu ces deux témoignages dans ses attendus.
Signe que les autorités marocaines étaient inquiètes de la décision finale du Comité contre la torture, la DST a payé de sa personne pour aller au charbon.
Elle a déposé, en son nom et sans passer par les canaux diplomatiques, et à trois reprises, des plaintes pénales contre Mohamed Hajib auprès du parquet de Duisbourg, la ville allemande où il réside. Du jamais vu ! Des plaintes allant de l’antisémitisme supposément proféré dans les vidéos diffusées sur sa chaîne YouTube au terrorisme.
Persécution politique
Mais c’était compter sans la sérieuse et méthodique justice allemande. Étonné devant une telle sollicitude marocaine, le parquet de Duisbourg a fait appel à des experts, des linguistes, des islamologues et des orientalistes, pour traduire et déchiffrer les vidéos de Hajib objets de l’ire des autorités sécuritaires marocaines.
Or tout le monde est arrivé à la même conclusion : le jeune tablighi a fait usage de sa liberté d’expression et les faits reprochés par la DST étaient manipulés. Toutes les plaintes de la DST ont été rejetées.
Une grosse déconvenue pour son directeur, Abdellatif Hammouchi, l’homme qui, avec le conseiller royal Fouad Ali El Himma, et en l’absence du roi, gouverne le Maroc à coups de trique et de procès qui se terminent systématiquement par l’incarcération des prévenus, qu’ils soient journalistes, activistes des droits humains, youtubers ou simples commentateurs sur les réseaux sociaux.
Une grosse déconvenue pour le directeur de la DST, Abdellatif Hammouchi, l’homme qui, avec le conseiller royal Fouad Ali El Himma, et en l’absence du roi, gouverne le Maroc à coups de trique et de procès qui se terminent systématiquement par l’incarcération des prévenus, qu’ils soient journalistes, activistes des droits humains, youtubers ou simples commentateurs sur les réseaux sociaux
Même Interpol a fini par retirer de sa base de données la notice rouge visant Hajib après s’être convaincu qu’il s’agissait d’une persécution politique. Une autre gifle pour le patron de la BNPJ, Mohamed Dkhissi, qui est en parallèle le chef du Bureau central national (BCN) Interpol, la représentation de cette organisation internationale de police criminelle au Maroc.
Pour comprendre la folle obsession des autorités marocaines envers Hajib, il faut se rappeler que dans les trois griefs reprochés à l’Allemagne dans un communiqué daté de mai 2021 et annonçant le rappel de l’ambassadrice du royaume – qui avait marqué une crise profonde entre Rabat et berlin –, figure Mohamed Hajib.
Même s’il n’est pas cité explicitement, il est fait clairement allusion à son cas quand le ministère marocain des affaires étrangères accuse Berlin de « complicité à l’égard d’un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui divulguant des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains ».
Finalement, tout ce tintamarre a été inutile. Le Comité contre la torture de l’ONU a fini par condamner l’État marocain. Dans sa décision, longue de quinze pages, il lui demande d’identifier et de juger les tortionnaires coupables des sévices subis par Hajib, lui enjoint de l’informer des suites de cette affaire « dans un délai de 90 jours » et l’exhorte à « veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas ».
Le Comité contre la torture des Nations unies a soumis au Maroc, pour commentaire, la longue enquête, citée dans son rapport final, publiée par MEE en mai 2021 sur Mohamed Hajib.
Rabat n’a pas souhaité répondre.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Ali Lmrabet est un journaliste marocain, ancien grand reporter au quotidien espagnol El Mundo, pour lequel il travaille toujours comme correspondant au Maghreb. Interdit d’exercer sa profession de journaliste par le pouvoir marocain, il collabore actuellement avec des médias espagnols. Ali Lmrabet is a Moroccan journalist and the Maghreb correspondent for the Spanish daily El Mundo.
Ali Lmrabet
Mardi 25 octobre 2022 - 11:32 | Last update:4 hours 35 mins ago
De 1954 à 1962, plusieurs centaines de milliers de soldats français combattent en Algérie. Près de 23 000 y trouveront la mort, plus de 60 000 y seront blessés et davantage encore en reviendront marqués à vie. Retour sur la date du 18 octobre 1999 marquant la reconnaissance officielle de la guerre d’Algérie part l’État français.
" J'ai eu le plaisir de participer à ce film diffusé hier, lors de la cérémonie nationale d'hommage aux anciens combattants aux Invalides. 18 octobre 1999 - 18 octobre 2022. Bon visionnage ! "
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