Roman de Lamine Benallou. Editions Frantz Fanon, Alger 2022, 359 pages, 1 000 dinars
Adam (appréciez le prénom qui est déjà annonciateur d'un récit qui va nous entraîner loin, très loin dans le passé) mène une vie paisible, en banlieue tranquille d'une ville de l'Ouest algérien, se perdant vertigineusement et sans passion dans son monde. Avec une vie de couple sans problèmes trente ans de vie commune - où la grande affection (de l'amour bonifié par le temps qui passe). Hélas, son épouse adorée et respectée, Amina, décède brusquement... Et, tout bascule et puisque tout perd son sens à ses yeux (d'autant qu'il découvre par hasard certains secrets cachés de la vie intime et «d'ailleurs» de sa «moitié»), il se laisse aller en se résolvant à se contenter de ce que lui offrent les mains paresseuses du destin.
Puis, il rencontre, de manière inopinée, Don Pablo, «Erroumi». Un homme à l'aspect impénétrable. Il paraissait très vieux, comme d'un autre âge, aux cheveux très longs. Pas un vagabond, pas un mendiant car ses vêtements étaient très propres. Chacun raconte une partie... une partie seulement de sa vie. La vie et la mort, le bien et le mal, le bonheur et le malheur, Dieu et le Diable, le passé, le présent, le futur, la lecture, l'écriture, la musique...
Commence alors (au domicile incroyable de Pablo) un long cheminement (quarante jours) d'une aventure existentielle avec des rencontres fantastiques et de magie qui le révèlent à lui-même et lui font découvrir le miracle de la littérature. Il découvre la force de son regard et sa capacité à reformuler le monde en fonction de son imagination et de ses propres goûts. Il est poussé à écrire par Pablo qui lui révèle au compte-gouttes ses secrets, les secrets de sa maison et les voies lumineuses ou obscures d'un «Labyrinthe». Il y réussit... à la grande joie de son mentor auquel il va succéder. La vie continue et le savoir (bien compris et pas seulement appris) cumulé... se transmet à condition que les hommes soient plus clairvoyants et plus compréhensifs.
L'Auteur : Né à Oran, vivant depuis une trentaine d'années en Espagne. Ecrivain et enseignant de linguistique et de littérature espagnoles. Auteur de plusieurs ouvrages.
Extraits : «J'étais convaincu maintenant que dans l'exercice d'écriture, si le cerveau commandait la main de l'écrivain, c'est le cœur qui le guidait» (p 142), «C'est le cerveau qui garde les enseignements, mais celui qui dicte les émotions, c'est le cœur» (p152), «Ecrire est une entreprise assez complexe. Il ne s'agit pas d'un simple agencement de mots, de verbes ou d'épithètes. C'est une architecture où tout doit se tenir. Un rythme. Une musicalité que l'auteur a l'art de structurer» (p 173), «Lorsqu'on décide de raconter des histoires , on le fait avec l'idée de provoquer des émotions, des sensations uniques, et la seule façon de la faire , ce n'est pas seulement d'avoir le génie d'un Gabriel Garcia Marquez ou de Henri Miller, mais aussi vivre ces situations qu'on raconte, sentir ce chatouillement des sens en notre intérieur» (p 224)
Avis : Un héros étrange, des personnages étranges et un récit à la présentation étrange mêlant la réalité, la fiction, le rêve. On ne sait pas. Avertissement aux esprits chastes : il y a quelques pages (p 54 à 58) très, très, très chaudes... à lire bien loin de sa «moitié» et des rejetons encore innocents. A mon avis, un «huitième jour», comme par hasard un Vendredi, raté avec des pages inutiles qui auraient pu être écrites d'une autre façon afin de ne pas nuire au reste d'un texte de haute tenue littéraire... et philosophique.
Citations : «Si l'on unit des lettres, on obtient des mots. Si l'on unit les mots, on crée une histoire» (p 9), «Si tu n'écrits pas, tu ne penses plus. Et si tu ne penses plus, tu es déjà mort» (p 20), «Parler, converser, exprimer, dire le non-dit... Le discours, les mots se justifiaient, non pas dans leur contenu, mais grâce à leur contenu «(p 37), «Le bon lecteur finit par lire pour lire et la lecture pour lui est un repos, une récréation paisible «(p 41), «Le passé est toujours beau. Le futur aussi d'ailleurs. Il n'y a que le présent qui fait mal, qu'on transporte avec soi comme un abcès en souffrance, entre deux moments de bonheur» (p 71), «L'imagination de l'être humain est immense pas seulement dans ce qu'il voit, mais aussi dans ce qu'il écoute, pense ou lit «(p 115), «Quand on pleure sa mère, c'est la dernière fois qu'on pleure comme un enfant» (p 164), «Lire c'est résister. Ecrire c'est résister» (p 262).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Jeudi 29 septembre 2022
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5315643
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