Israël a attaqué en premier et perdu en dernier lieu. D. R.
Voici deux images de la guerre à Ghaza (prononciation en arabe) le 5 août 2022 d’un film dont le titre serait «rue de l’impasse». La première image est un missile tiré par un avion israélien avec une voix off qui prétend qu’il a fallu quelques secondes à «Tsahal» pour gagner la guerre (1). La seconde image est celle d’un combattant palestinien derrière un arbuste avec un AK 47 (Kalachnikov) pointant un kibboutz déserté et plongé dans un silence de cimetière. La première image est celle d’un jeu vidéo où l’on peut dire n’importe quoi. La deuxième est une «vraie image» de guerre en symbiose avec l’art de la guerre, gagner ou faire peur à l’ennemi, sans avoir à tirer une balle. Voilà en substance le déroulement du film d’une guerre préventive menée par Israël du 5 au 7 août résumée par un stratège israélien, ancien colonel de l’armée.
Pour ce stratège, le DCA du dôme de fer a techniquement réussi sa mission mais la guerre a été perdue puisque Israël a arrêté la guerre et traité avec un ennemi «terroriste» qui devient un interlocuteur avec qui on signe une trêve. Il résume ainsi des différentes étapes de l’échec de la stratégie israélienne. Historiquement, Israël (2) a, dès le début, voulu traiter avec les Etats arabes et non avec l’OLP «terroriste». Il a fini par signer les Accords d’Oslo avec cette OLP. Accords qui n’ont pas porté de fruits. Alors, il joua une organisation palestinienne peu connue, le Hamas contre l’OLP.
Evidemment, comme il n’y a jamais deux sans trois, le vendredi 5 août, Israël déclencha sa guerre préventive «liquider» le Jihad islamique et avoir affaire au seul Hamas. Résultat de la séquence du 5 août, il perdit sa guerre préventive et favorisa l’union de la résistance qui devient son seul interlocuteur. Il n’a pas encore compris que nous ne sommes pas dans un parlement en temps de paix, où l’on peut s’adonner à des magouilles en s’alliant avec un groupe pour en éliminer un élément gênant. Il est temps pour lui qu’il se rende compte que l’histoire se déroule sur un vrai champ de guerre et qu’il cesse de se prendre pour le plus intelligent des acteurs de guerre et pouvoir manipuler à sa guise les gens…
Maintenant que la trêve a été signée, Israël essaie de masquer son échec comme il a essayé de cacher les raisons de sa guerre préventive. A ce propos, c’est la deuxième fois qu’il reconnaît avoir déclenché une guerre préventive. La première fois, c’était le 5 juin 1967 en attaquant l’Egypte, la Syrie et la Jordanie. Ça lui a valu une volée de bois vert de la part de De Gaulle avec son fameux discours «Israël fier et dominateur». Une qualification qui écorcha son utilisation du mythe biblique de David et Goliath. Ainsi, la guerre préventive n’a pas été menée sur un coup de tête. Toute vraie analyse et tout futur historien ne peuvent faire l’économie de cerner les raisons politiques du présent et du contexte historique où le passé, présent et futur forment un ensemble comme dans les mathématiques modernes. Voyons les sous-ensembles de cet ensemble.
La résistance en Palestine. La guerre préventive a été déclenchée avec l’arrestation d’un dirigeant du Jihad islamique à Jénine. Cette ville palestinienne réveille des cauchemars dans l’armée israélienne. Avec les différentes intifadhas, après les Accords d’Oslo, Jénine était devenue un bastion de la résistance et l’armée israélienne a laissé à chaque fois des plumes sur le champ de bataille. C’est ce qui se passe depuis des mois et l’arrestation du dirigeant du Jihad islamique a été la goutte d’eau qui fit déborder le bocal. Craignant une deuxième Gaza en plein Palestine occupée, Israël lança son opération «Aurore» qui va se transformer en une horreur défaite. Le nouveau Premier ministre intérimaire pensa tenir là une victoire qui allait servir ses ambitions politiques dans la prochaine élection, la cinquième en deux ans. Voilà pour les variables internes qui servent de carburant au moteur d’explosion israélien.
La conjoncture internationale. Le gouvernement intérimaire pensa mettre à profit l’état du monde préoccupé par la guerre en Ukraine et la tension à Taïwan où les trois grandes puissances se regardent en chiens de faïence et le moindre petit caprice d’irresponsable en mal de célébrité peut déclencher l’apocalypse nucléaire. Dans pareille situation, les morts et les souffrances des Palestiniens ne comptent guère, avaient pensé les «fins» stratèges qui conseillent le gouvernement israélien. Manque de pot, le monde ami avait d’autres chats à fouetter que de venir, comme d’habitude, verser son venin contre les «terroristes» qui déversent sur le gentil David une pluie de roquettes. Ça la fout mal en pareille circonstance de condamner l’invasion de l’Ukraine et d’applaudir Israël, puissance nucléaire qui a en face de lui un peuple qui lui oppose sa poitrine avec pour seules armes son courage et son AK 47.
Que faire pour Israël ? En dépit de tous ces obstacles, Israël se lança dans son aventure qui se solde par un échec cuisant. Pourquoi ? Parce que son cauchemar est, et reste, l’Iran qui va finir par sortir vainqueur des négociations de Vienne sur le nucléaire. Pareille défaite pour Israël signifie, outre les dollars gelés dans les banques américaines, que l’Iran va récupérer, il y a le niveau de l’enrichissement de l’uranium atteint par les Iraniens. Pour échapper à ce scénario cauchemar, Israël pensa liquida le Jihad islamique (qui obéit, soi-disant, à l’Iran), pour négocier avec le seul Hamas (plus copain avec le Qatar et ses dollars) avec lequel il finirait par signer des accords comme avec l’OLP, des accords qui ne sont, à ses yeux, que du papier.
Là aussi, erreur sur toute la ligne. La victoire n’était au bout des 170 secondes qu’il a fallu à l’armée pour assassiner un commandant du Jihad islamique mais ces secondes étaient le compte à rebours de ses supplications auprès de l’Egypte pour signer une trêve. J’ouvre une parenthèse qui fait sourire les Algériens qui connaissent la musique de couper la tête du serpent pour mettre fin à sa vie. Ça nous rappelle le détournement par la France du l’avion des dirigeants du FLN en 1956.
Faire la comparaison avec un pauvre serpent qui n’a pas la chance d’appartenir à une société d’hommes et de femmes dotée d’une conscience historique, c’est être encore plus désarmé que le pauvre serpent. L’assassinat de dirigeants du Jihad auquel avait cru une société israélienne fatiguée et angoissée ne va pas mettre fin à la guerre. L’Iran avec ou sans le Jihad islamique sera toujours l’Iran et rien ne pourra l’empêcher de défendre ses intérêts dans une région où il habite depuis la nuit des temps. Contrairement à ces envahisseurs de l’histoire de l’Antiquité comme ceux de notre époque avec les Ottomans, les British, l’Oncle Sam et les nouveaux lecteurs de la Bible.
Il n’y a pas meilleure conclusion que la phrase de l’ex-colonel israélien cité plus haut «le vainqueur de ces trois jours est le Hamas, certes la technologie nouvelle des dômes de fer protège mieux les populations mais ce qui compte ce sont les hommes qui sont aux commandes politiques». Le deuxième «personnage» de la guerre de la désinformation, contrairement à l’ex-colonel, fasciné par la nouvelle technologie, est un journaliste qui cria victoire après les premières secondes de la guerre qui se sont traduites par l’assassinat d’un commandant du Jihad islamique à Ghaza. Trois jours après, la joie ayant disparu de son visage, il annonça l’accord de la trêve basée essentiellement sur la libération de Bassam El-Saïd, responsable du Jihad islamique arrêté quelques jours plutôt à Jénine. Ce genre de petit soldat de la désinformation me rappelle les bataillons des «experts» qui annonçaient chaque jour des victoires de plus en plus éclatantes. Des «victoires» qui prépareraient la «foudroyante contre-offensive» de l’armée ukrainienne depuis des mois, pour mieux faire oublier les villes qui changeaient de drapeaux sur le fronton des mairies. Pitoyable façon de remonter le moral des gens avec pareils mensonges. La guerre en Ukraine, la riposte de la Chine après la visite d’une parlementaire américaine à Taïwan qui a oublié que cette île est chinoise et les trois jours de guerre en Palestine sont la preuve que la guerre reste la guerre. Qu’elle ne se gagne pas avec les blablas d’un langage cuisiné avec des mots de l’impuissance.
Ce langage s’appelle la post-vérité. C’est quoi la post-vérité, une technique qui construit sa «vérité» en faisant confiance uniquement aux fantasmes de ces techniciens. Le contraire des scientifiques et des intellectuels qui construisent des notions et concepts, des idées, à partir de la réalité en les rendant lisible en dépit de la complexité des réels de la vie. Pour le commun des mortels, le travail des scientifiques et intellectuels, c’est l’assurance de ne pas mourir idiot et en lui procurant du plaisir qui plus est en découvrant les merveilles du monde dont les mortels que nous sommes ignorent souvent l’existence.
Pour revenir à la Palestine, l’aventure de la colonisation de cette terre, de ce pays si cher, ne pouvait que se traduire que par une impasse. La dynamique de l’histoire et les guerres interminables mènent droit à cette impasse Ce ne sont pas seulement les victimes, les Palestiniens qui le crient chaque jour mais aussi des citoyens juifs comme Freud et même Ben Gourion, premier président de l’Etat d’Israël, qui déclara : «Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal ; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l’a promis, mais comment cela pourrait-il les concerner ? Notre Dieu n’est pas le leur.» Rien à ajouter !
Une contribution d’Ali Akika –
août 8, 2022 - 7:01
https://www.algeriepatriotique.com/2022/08/08/etat-israel-une-strategie-nommee-rue-de-limpasse/
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