Mathieu Belezi fait entendre la voix d’un colon et celle d’un soldat dans l’Algérie des années 1840. Un grand roman de l’effroi et de la folie humaine.
Et pourtant, c’est un chant. Un oratorio claudélien, mais sans Dieu. Malgré les exactions, les massacres, les ravages du choléra et du paludisme, la famine, le sang qui ne cesse de couler, les têtes qu’on coupe, les tombereaux de morts, Mathieu Belezi, de son vrai nom Gérard-Martial Princeau, fait entendre, venue de très loin, une très belle et très puissante mélopée.
Avec « Attaquer la terre et le soleil » (Le Tripode, 17 euros), c’est la quatrième fois que cet écrivain français, nomade et si peu parisien (il vit depuis un quart de siècle en Italie, ses auteurs de chevet sont Faulkner et Lowry), s’embarque pour l’Algérie coloniale des années 1840. Le chœur est tragique, et deux voix se répondent. Celle de Séraphine Jouhaud, venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa sœur et son beau-frère pour cultiver des champs rocailleux du côté de Bône. Et celle d’un soldat d’une armée française, qui, au nom de la « pacification », brûle, pille, viole et tue. La voix des colons, qui feront pousser le blé sur une « terre pas commode », et la voix des conquérants, qui prétendent ensemencer un pays ingrat et enténébré.
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Une épopée de la folie humaine
Séraphine raconte, en ponctuant son récit de « Sainte Mère de Dieu », la faim, le froid, les danses folles préconisées par le médecin afin d’éliminer les sueurs empoisonnées par le choléra, la peur panique des « chiens de barbares tombés du ciel d’Allah », qui, avec leurs yatagans affûtés, éventrent et décapitent les envahisseurs incroyants. Le soldat raconte, « foutredieu ! », comment son bataillon va d’un fondouk à l’autre pour « embrocher les habitants comme des poulets », user et abuser ensuite des « femelles », « trois belles filles, charpentées et velues comme nous les aimons dans la troupe ». Son capitaine se flatte d’être félicité à Alger par les généraux Mac-Mahon et Certain de Canrobert quand il a bien « razzié » les villages, enfumé au fond des grottes les femmes, les enfants, les vieillards, occis ceux qui osaient lui résister et bien chanté avec ses hommes :
Et pourtant, c’est un chant. Un oratorio claudélien, mais sans Dieu. Malgré les exactions, les massacres, les ravages du choléra et du paludisme, la famine, le sang qui ne cesse de couler, les têtes qu’on coupe, les tombereaux de morts, Mathieu Belezi, de son vrai nom Gérard-Martial Princeau, fait entendre, venue de très loin, une très belle et très puissante mélopée.
Avec « Attaquer la terre et le soleil » (Le Tripode, 17 euros), c’est la quatrième fois que cet écrivain français, nomade et si peu parisien (il vit depuis un quart de siècle en Italie, ses auteurs de chevet sont Faulkner et Lowry), s’embarque pour l’Algérie coloniale des années 1840. Le chœur est tragique, et deux voix se répondent. Celle de Séraphine Jouhaud, venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa sœur et son beau-frère pour cultiver des champs rocailleux du côté de Bône. Et celle d’un soldat d’une armée française, qui, au nom de la « pacification », brûle, pille, viole et tue. La voix des colons, qui feront pousser le blé sur une « terre pas commode », et la voix des conquérants, qui prétendent ensemencer un pays ingrat et enténébré.
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Une épopée de la folie humaine
Séraphine raconte, en ponctuant son récit de « Sainte Mère de Dieu », la faim, le froid, les danses folles préconisées par le médecin afin d’éliminer les sueurs empoisonnées par le choléra, la peur panique des « chiens de barbares tombés du ciel d’Allah », qui, avec leurs yatagans affûtés, éventrent et décapitent les envahisseurs incroyants. Le soldat raconte, « foutredieu ! », comment son bataillon va d’un fondouk à l’autre pour « embrocher les habitants comme des poulets », user et abuser ensuite des « femelles », « trois belles filles, charpentées et velues comme nous les aimons dans la troupe ». Son capitaine se flatte d’être félicité à Alger par les généraux Mac-Mahon et Certain de Canrobert quand il a bien « razzié » les villages, enfumé au fond des grottes les femmes, les enfants, les vieillards, occis ceux qui osaient lui résister et bien chanté avec ses hommes :....... s des galons : /Nous colonisons ! »
Un grand roman de l’effroi, une épopée de la folie humaine portée par un lyrisme d’un autre temps et signée par un écrivain qui supprime la page rituelle « du même auteur ». Manière, pour Mathieu Belezi, de signifier que chaque jour est un nouveau défi, chaque livre, le premier, et chaque retour en Algérie, un traumatisme inédit.
Attaquer la terre et le soleil, par Mathieu Belezi, Le Tripode, 160 p., 17 euros. Parution le 1er septembre.
Jérôme Garcin
Publié le
https://www.nouvelobs.com/l-humeur-de-jerome-garcin/20220829.OBS62496/attaquer-la-terre-et-le-soleil-la-melopee-puissante-de-l-algerie-coloniale.html
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