L'ancien président de la République Liamine Zeroual a adressé un message au peuple algérien, à l'occasion de la célébration du 60ème anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale. Un véritable appel au «Devoir de mémoire et de fidélité» : «Aujourd'hui, plus que jamais, notre pays a besoin de tous ses enfants et de leur engagement afin de bannir à jamais les comportements néfastes du passé et de parachever l'édification d'un État moderne».
Il s'agit donc, pour nous, de ne pas oublier, de ne rien oublier et de se souvenir. Oublier ? J.a.m.a.i.s ! Car, trop de drames vécus et subis et trop de sacrifices. Du Peuple. De la Nation. Notre mémoire coloniale ou de la colonisation est faite de trop de souvenirs d'humiliations, de crimes contre des populations entières, de carnages et de massacres. Il s'agit de raconter, de raconter encore, de raconter toujours, en usant de tous les genres du discours. Dans les livres, la presse, le cinéma, le théâtre, la musique...et en permettant, librement, toutes les formes d'expression permettant toutes les vérités. En définitive, pratiquer la mémoire en continu....en attendant que l'Histoire établisse la vérité objective ! D'un côté comme de l'autre côté de la Méditerrannée, tout en sachant que nous sommes bien plus victimes que coupables.
Hélas, de l'autre côté de la Méditerranée, c'est le temps des oublis mémoriels, ou alors des mémoires trouées concernant toute la «nuit coloniale» et les drames vécus. Ainsi donc, la plupart de ceux qui ont vécu la guerre d'Algérie et soutenu la colonisation puis vu la décolonisation n'ont pas toujours, totalement et objectivement, raconté ces périodes à leurs descendants français ou l'ont raconté et la racontent encore à leur manière, assez «gauloise» (cf.la déclaration récente du «doyen» de la nouvelle Assemblée nationale française, une déclaration si mal venue, ridicule même, et si mal «torchée» qu'elle a «dégoûté» pas mal d'élus), c'est-à-dire comme un gros et large gruyère pullulant de «trous» ou comme un camembert puant de «non-avoués» sur les expropriations, les enfumades, les massacres, les tortures, la guillotine, les corvées de bois, les bagnes et camps de regroupement et/ou concentration, les exactions de l'OAS, un apartheid ne disant pas son nom. Ce que savent les jeunes (descendants pieds-noirs et même de certains harkis ) passe souvent par des anecdotes (la «fatma» qui prépare la Chorba et les makrouts et qui s'occupe des enfants comme les siens la générosité des chefs de Sas), des pratiques culturelles (la paella, le soleil, la plage, les bals du samedi soir, le gaspacho andalou, les mantecaos, les petits gâteaux sablés, le méchoui, le couscous, les merguez et Enrico Macias) ou par des silences, entretenant le mythe du «paradis perdu» et de la «trahison» gaulliste faisant ainsi le lit d'un racisme encore plus droitier.
Plus de soixante ans après l'indépendance de l'Algérie et malgré tous les bouleversements notés par ailleurs au niveau de pays occidentaux ex-colonisateurs qui ont reconnu leurs crimes ou dérapages (Italie en Libye, Belgique au Congo , Allemagne en Namibie et même les USA au Vietnam), la France reste le dernier pays encore agrippé aux fantasmes d'un passé pourtant peu glorieux et soumis aux «chantages» de la nouvelle droite, un «ramassis» de rancuniers et de revanchards racistes , anti tout ce qui n'est pas «gaulois». Avec même des velléités (fortes ou modérées selon le dirigeant ou le «coq» élyséen de l'heure) de renouer avec lui (le passé) à travers des actions internationales aux résultats déplorables sinon catastrophiques pour les autres (Libye, Mali...). La prochaine visite du jeune président Macron, un homme qui n'a rien à voir avec le temps colonial, va-t-elle débloquer la situation par des décisions de reconnaissance de la vérité et, aussi, de repentance, d'autant que c'est là son deuxième mais dernier mandat ? Benjamin Stora, le «plus Algérien des historiens français» a assisté aux cérémonies fêtant l'indépendance de l'Algérie et a même été reçu par le Président Tebboune. Pour préparer le terrain à une meilleure approche et compréhension des demandes légitimes algériennes. Il faut l'espérer ! La réconciliation des mémoires suivra-t-elle ? Pas si sûr pour l'instant car, pour l'instant, factice et non opératoire. Et, dans nos stades, il y aura toujours des Algériens qui «siffleront» la Marseillaise. Et, dans leurs meetings politiques et autres plateaux de télés poubelles, il y aura toujours des Zemmour et des Messiha , nouveaux «pieds noirs», qui demanderont à «casser» du «bougnoule», l'Algérien de préférence.
Par Belkacem Ahcene-Djaballah
Samedi 16 juillet 2022
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5313740
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