La maison d’édition Koukou à Alger a réédité « Au cœur des maquis de Kabylie, mon combat pour l’indépendance de l’Algérie (1948-1962) », le tome 1 des mémoires du commandant Yaha Abdelhafidh. La première édition sortie en 2012 était épuisée en Algérie comme en France. La voilà donc désormais disponible dès lundi 4 juillet en Algérie.
Ce livre désormais intemporel retrace la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Il raconte comment des femmes et des hommes ordinaires ont décidé de prendre leur destinée en main pour libérer l’Algérie du joug colonial. L’ancien officier de l’ALN découle dans ses mémoire la vie dans les maquis, dresse des portraits de compagnons disparus et donne ainsi vie à ces femmes et hommes très tôt disparus.
Ce livre est un témoignage précieux car il plonge le lecteur dans la vécu réel des maquisards. Il donne une photographie précise de ce que fut la lutte de libération dans la wilaya III. Pas seulement, Si Lhafidh a légué aussi son témoignage sur de nombreux faits ayant marqué la guerre
Cette nouvelle édition a été préfacée par Djamila Bouhired. Son texte est un vibrant hommage à Si Lhafidh mais aussi un appel à l’espoir destiné au peuple algérien. L’ancienne moudjahida et condamnée à mort y dresse un état des lieux sans concession de la situation actuelle.
L’Algérie fraternelle vaincra !
Par Djamila Bouhired
Ces mémoires de Si Abdelhafidh Yaha nous replongent dans une épopée de courage et de gloire du peuple algérien pour la libération de sa patrie. Pour les nouvelles générations, nourries aux mensonges des faussaires de la mémoire et au révisionnisme des resquilleurs de l’histoire, il est difficile d’imaginer un tel engagement pour un idéal, un tel défi quotidien à la mort pour vivre dans la liberté et la dignité.
Je n’ai pas connu Si Abdelhafidh Yaha de son vivant. Mais ses prouesses dans le combat pendant la guerre, et son engagement désintéressé pour la démocratie après l’indépendance m’ont été rapportés par des relations communes. Dans cette terre de liberté dont il avait sillonné le moindre recoin, chaque village, chaque refuge, chaque crête, peuvent témoigner de cette trempe d’hommes ― et de femmes ― qui ont érigé l’intégrité en éthique de vie.
Dans le récit de Si Abdelhafidh, le mot « révolution » reprend tout son sens. On y découvre des hommes ― et des femmes ― d’une droiture exemplaire, d’une intégrité à toute épreuve. Il raconte également, avec pudeur mais sans complaisance, ce côté obscur de la lutte ― comme la »bleuite »― , et ses inévitables dérives, parfois sanglantes, qui ont emporté dans la tourmente d’irréprochables maquisards.
Au moment où le pays célèbre le soixantième anniversaire d’une indépendance chèrement acquise, force est de constater que le serment des martyrs pour libérer le citoyen de la peur et de la misère en lui rendant sa dignité bafouée a été trahi.
Après 60 années d’indépendance, des dizaines d’Algériennes et d’Algériens croupissent dans les prisons pour avoir clamé leur amour de la patrie et leur ardent désir de la servir pour y vivre en citoyens libres.
Après 60 années d’indépendance, il ne reste de la révolution, de ses épopées, de ses sacrifices, et de ses rêves de liberté et d’émancipation citoyenne qu’une pitoyable caricature.
Les retardataires de la guerre de libération qui tentent encore d’entretenir une guerre virtuelle contre la France, « ennemi d’hier et d’aujourd’hui » disent-ils, les professionnels du patriotisme rentier qui ont fait de la révolution un registre de commerce et des chouhada le bouclier de leurs turpitudes, ont fini par tomber le masque ; à l’âge de la retraite, ils se sont repliés dans leur patrie de rechange ― en réalité leur patrie de toujours ― protectrice de leurs biens mal acquis.
Dans l’opération de falsification en cours, faux dévots et maquisards du 19 mars se sont ligués pour outrager l’histoire et légitimer ainsi une idéologie totalitaire, liberticide, au nom de prétendues « valeurs civilisationnelles ». La guerre de libération nationale n’était pourtant ni « une aventure », ni un « accident de l’histoire », mais une étape décisive dans la longue marche du peuple algérien vers son émancipation.
Six décennies plus tard, la jeunesse, qui a renoué avec la gloire de ses ainés, a étonné le monde par son courage et sa détermination face à l’adversité. Malgré les chausse-trappes des »patriotes » de journal télévisé, le hirak a retissé des liens, réinventé la fraternité, et consacré l’Algérie plurielle dans le respect de toutes ses composantes. Pour réconcilier Novembre et la Soummam que d’aucuns voudraient opposer pour prolonger leur oppression, Février 2019 a convoqué les héros de la nation effacés des tablettes officielles pour éclairer les chemins de la liberté.
En revendiquant Ben M’hidi, Abane, Hassiba, Taleb Abderrahmane, Amirouche, et tant d’autres héros comme étendards de ses rêves contrariés et de ses libertés à reconquérir, la jeunesse en lutte a retrouvé dans l’Histoire le sens de son désir d’avenir.
Malgré la chape de plomb qui a paralysé le pays et une répression endémique qui n’a pas fait dans le détail, l’appel d’outre-tombe de nos chouhadas continue d’entretenir la flamme de la résistance pour réaliser le rêve des pères fondateurs.
Même si le chemin est encore long, l’Algérie libre et fraternelle vaincra. Si Abdelhafidh Yaha et ses compagnons trouveront alors la paix de l’âme dans le repos éternel… »
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