© Youssef Chahine, Djamila l’Algérienne (1958)
« L’Algérienne, à chaque entrée dans la ville européenne, doit remporter une victoire sur elle-même, sur ses craintes infantiles. Elle doit reprendre l’image de l’occupant fichée quelque par dans son esprit et dans son corps, pour la remodeler, amorcer le travail capital d’érosion de cette image, la rendre inessentielle, lui enlever de sa vergogne, la désacraliser » Frantz Fanon, « L’Algérie se dévoile »
En ce mois de mars qui, autour du 8, privilégie les écrits et paroles des femmes, au moment même où se déploie une guerre en Europe qui oblige, plus que les guerres au Sud, à regarder en face sa dimension féminine et la manière dont les femmes y participent et en paient le prix ; au moment enfin où, en France (car en Algérie le forage des mémoires se fait depuis l’indépendance), à la suite du rapport Stora, on s’interroge sur la conjonction, l’opposition ou la réconciliation hypothétique des mémoires, cet article souhaite sélectionner quelques écrits d’Algériennes pendant la guerre d’indépendance, pour témoigner de cette exigence de liberté qui était chevillée à leur corps et à leur esprit. Si cela est admis comme une évidence pour les Ukrainiennes, ce doit pouvoir l’être pour les Algériennes, il y a plus de soixante ans.
Ce retour voudrait éviter de projeter les difficultés du présent par un éclairage rétroactif sur la lutte pour l’indépendance qui aboutit souvent à la remise en cause du choix de l’indépendance elle-même. Il voudrait partager des textes d’actrices de la guerre, écrits en temps de lutte ou juste après en une information différente de celle habituellement diffusée.
En Algérie, la participation des femmes à la lutte de libération a été et est encore une référence de légitimité. Cette référence est prégnante dans les trente premières années après l’indépendance pour résister alors non plus au colonialisme mais à une régression de leur statut. Très rapidement, après 1962, les écrits de femmes vont insister sur l’écart entre leur engagement du passé proche et la portion congrue qui leur est réservée dans la société algérienne postcoloniale, ce qui n’efface pas le passé immédiat.
En 2022, on ne souhaite pas entonner un chant nostalgique en évoquant ces combattantes mais rendre visible ce qu’elles ont fait, ce qu’elles ont été et comment elles ont semé le ferment qui fait lever les luttes, l’étincelle qui déclenche le processus libérateur quand il sommeille ou s’ankylose.
Témoignages
Nous ne reviendrons pas longuement sur deux témoignages, l’un, très connu, celui de Frantz Fanon et l’autre à découvrir pour beaucoup.
« L’Algérie se dévoile » dans L’An V de la révolution algérienne est un chapitre du second essai du psychiatre engagé dans la lutte de libération avec les Algériens. Cet essai, publié en 1959, rassemble des observations et rencontres de l’année 1956. Fanon analyse, en pleine guerre, les modifications profondes de la société algérienne et le rôle incontournable qu’y tient la femme. Il publie un texte de conviction s’appuyant sur une démonstration avec preuves à l’appui pour rallier à la cause algérienne. L’optimisme de son discours est reflet de ce qu’il observe mais participe aussi à la nécessaire mise en place d’images valorisantes pour soutenir la cause. Le texte est à lire dans son contexte, dans l’effet qu’il exerça sur des acteurs et des actrices de la lutte.
Il faut lire les passages percutants sur le port du voile dans l’Histoire de la colonisation, les fantasmes du colonisateur vis-à-vis de la femme arabe interdite puis la nécessaire libération du corps pour entrer complètement dans la lutte.
En 1959, un autre texte est publié, sans audience internationale : paru dans El Moudjahid, organe du FLN à Tunis, il est un témoignage d’une jeune maquisarde, suscité par « ses chefs », Amirouche en particulier. « Le Journal d’une maquisarde » paraît du numéro 44, le 22 juin 1959, au numéro 49, le 31 août 1959. On sait, grâce à Redha Malek interrogé par nos soins, que ce journal avait été « recueilli » et déposé au Moudjahid à Tunis par Assia Djebar. Il est certain que le rôle novateur des Algériennes dans la lutte a nourri l’espoir qui fut le leur d’une redéfinition de leurs positions familiales, sociales, culturelles et politiques, après l’indépendance.
Chants des femmes
En 1984, Ali Hamouri, dans le quotidien national El Moudjahid, à la date du 1er novembre, donne la parole à d’anciennes moudjahidate : « Elles ont été dépeintes de mille et une manières, avec une débauche d’artifices. En ce mois d’octobre […] je ne sais trop quelle question poser à cette vieille moudjahida assise à côté de moi dans la kasma FLN d’Ighzer-Amokrane. Comment éviter la langue de bois ? » Le journaliste demande alors à Yemma Ounissa un poème de ces années de tourmente. Il vient sur ses lèvres en kabyle, sans hésitation. Le journaliste traduit :
Le vent a la senteur des moudjahidine
Ô mon cœur c’est la fraîcheur du musc
Il est le messager d’Amirouche
L’Aïd ne sera pas célébré cette année
Comment accomplir le sacrifice
Quand nos frères sont morts au maquis ?
Il est mort trop jeune
Et il est resté sans sépulture
Les hommes sont traqués par les roumis
Et ce sont les femmes qui enterrent
Le ramener est au-dessus de mes forces
Mais puis-je abandonner mon frère bien-aimé ?
Il est mort trop jeune
Et il n’y a ni prières ni obsèques
Les hommes sont pourchassés par la France
Et ce sont les femmes qui enterrent
Le ramener est au-dessus de mes forces
Mais puis-je abandonner mon fils chéri ?
Le poème libère les souvenirs : les femmes enterraient, elles étaient aussi les ombres protectrices des combattants, celles qui « les aidaient à tenir. » Une autre femme prend alors la parole : « Jamais la femme n’a été autant respectée, valorisée que pendant cette dure période. » Une autre est silencieuse : « le maxillaire droit complètement déformé, creusé d’une profonde cavité, le visage de Ouardia Tagueb portera à jamais le stigmate de l’horreur »… Ce portrait collectif se termine par Ouardia Haroun dont la maison a abrité des responsables, le 20 août 1956, pour le Congrès de la Soummam. Ces évocations, pétries de vécu, de souffrance et d’espoir, ne peuvent laisser indifférent.
Plus récemment, Nedjma Sid-Amed a édité Poétesses kabyles dans la révolution, en édition bilingue (Marsa éditions), présenté ainsi : « Ces chants de souffrance et de révolte, issus de l’une des plus grandes épreuves traversées par l’Algérie : sa guerre de libération contre le colonialisme, nous sont murmurés à l’oreille par de vieilles femmes debout, comme legs de vigueur, d’espoir et d’humanité, offrandes du passé pour un futur meilleur ». Les poèmes sont en kabyle et ils sont traduits par Nedjma Sid-Ahmed qui donne des indications sur la poétesse.
Na Dadaâ chante les combattants :
Dès l’instant où il a tué l’adjudant
La Banane s’est mise à tournoyer dans les nuages,
Le moudjahid, lui, est en contrebas du pays,
C’est là qu’on lui apporte à manger,
La liberté nous l’arracherons,
Mais sache que nous mourrons.
Na Cherifa chante, en cinq strophes, celui qui s’est engagé pour la liberté de son pays mais qui est inquiet d’avoir dû laisser ses enfants :
Je ne regrette pas ma chair, si dans la forêt par la palombe elle est lacérée.
Je ne regrette pas mon sang si par terre des sillons il va dessiner.
Ce que je regrette, ce sont mes enfants, et mon fils que j’ai laissé tout petit.
Ô vous les moussebilines !
Documentaire
Un documentaire est à retenir, sans doute enfoui dans des archives, car il est particulièrement intéressant sur le combat qui fut celui des femmes. Il leur a donné, en Algérie du moins, une médiatisation inattendue : il a été projeté à la télévision nationale (chaîne unique) le 1er novembre 1985, Barberousse, mes sœurs. Habitués au ronronnement patriotico-frileux de la télévision, les téléspectateurs découvraient (ou retrouvaient), bouleversés, ces femmes qui ont fait une partie de l’Histoire algérienne. L’idée de ce court métrage était celle d’Hassan Bouabdellah qui avait su l’indignation que le film de Hadj Rahim, Sarkadji (sur le quartier des condamnés à mort de la prison de Barberousse) avait soulevée chez ces anciennes moudjahidate. Elles estimaient qu’il était inconcevable que soit tue, à ce point, la présence de femmes dans le quartier des condamnés à mort. Barberousse, mes sœurs, était un film « Droit de réponse » : les anciennes détenues ont été conviées à une séance de projection du film dans une salle publique d’Alger et ont accepté que le débat soit filmé. C’est ce débat qui est la matière du second film.
Poèmes et nouvelles
La guerre favorise les genres courts : les femmes s’illustrent dans les poèmes et, à l’immédiate indépendance, dans de nombreuses nouvelles qui forment l’humus, en quelque sorte, de l’émergence d’un récit national.
Deux anthologies, trop vite oubliées alors qu’elles sont des documents de première main, nous introduisent à la parole poétique des femmes : Espoir et Parole de Denise Barrat, éditée chez Seghers en 1963, est la première anthologie des poèmes algériens de la guerre, avec 21 poèmes de femmes sur 81 recensés et sept noms de poétesses ; Diwan Algérien de Jacqueline Lévi-Valensi et Jamel Eddine Bencheikh, éditée à la SNED en 1967, est la seconde qui reprend les mêmes poétesses en une présentation personnalisées. Ces poèmes forcent les portes de l’émotion et expriment la réalité de la lutte, celle de l’emprisonnement, de la solidarité de la vie des détenues, des transferts disciplinaires, durement ressentis, des procès et des jugements, des condamnations, des exécutions, de la torture. Pour celles qui ont survécu, c’est le réapprentissage de la vie. Djamila Amrane évoque dans « Sept années de guerre » : « Nos rires forcés / Qui veulent oublier les morts » ; quant à Anna Greki, la stature poétique la plus forte de cette période, dans « Juillet 1962 », elle s’adresse à la liberté retrouvée, en termes saisissants :
Nos morts qui t’ont rêvée se comptent par milliers
Un seul aurait suffi pour que je me rappelle
Le tracé des chemins qui mènent au bonheur
[…]
Le ciel indépendant ne parle qu’au futur
Il nous reste à présent l’énergie de l’espoir
Beaucoup de nouvelles ont été publiées dans différents organes de presse dans les premières années de l’indépendance, la plupart ayant un intérêt socio-historique plus qu’esthétique. Les nouvelles de Zehor Zerari, publiées entre 1964 et 1971 : « Un dimanche à Alger » ; « Fait divers » ; « Mine Djibalina » ; « Quand le Meddah se rappelle », transmettent avec une grande sobriété et une rare violence – parce que la matière elle-même est violence –, les traumatismes de la guerre et le rôle des femmes. [Lire ici]
Myriam Ben met en mots la folie de la combattante revenue en temps de paix, en 1974, dans « Nora » : « Comme tout était facile quand nous croyons que tout serait facile après ! […] Comme si, à un certain degré du fond touché, on pressentait qu’on avait perdu là une certaine langue commune avec les autres. »
La plupart de ces textes n’ont été disponibles que dans la presse – de ce fait, ils furent très lus -, mais sont retombés dans l’oubli : ils font pressentir l’intensité du fait raconté et choisissent des transgressions qui savent traduire l’innovation de l’engagement féminin. Un travail de réédition devrait être fait.
Lendemains qui déchantent ?
Si le discours dominant a fait peser sur la liberté de la parole et de la mémoire tout son poids de censure, on peut penser que la littérature, et particulièrement les romans, a apporté ce plus qui fait que le réel est dépassé pour éclairer la complexité d’une lutte. Toutefois, comme on l’a remarqué précédemment pour les nouvelles publiées après 1962, les œuvres de célébration – celles qui confortent ou ne dérangent pas le discours peu à peu construit par le pouvoir sur ces années de guerre –, sont les plus nombreuses et ont envahi les librairies du pays, détournant les générations de jeunes de toute lecture de la guerre se réduisant au destin d’un peuple héroïque… sans peur ni reproche !
Dans la littérature masculine, qu’elle soit de célébration ou de questionnement, les femmes actives, militantes, combattantes sont étrangement absentes ou peu représentées sauf Arfia de La Danse du roi de Mohammed Dib : la combattante marginalisée est en complète discordance avec sa société et tient des propos d’une sombre lucidité sur ces lendemains qui grincent et qui excluent ceux et celles qui ont combattu pour la libération.
Après octobre 1988 et la décennie noire, les romanciers vont se positionner différemment par rapport à ce personnage et mettre en scène des images d’anciennes militantes qui ne se taisent plus : ainsi, en arabe, Abdelhamid Benheddouga dans Je rêve d’un monde (1997) ou, en français, Aïssa Khelladi dans Rose d’abîme (1998).
Mais ce sont surtout les récits de femmes qui mettent en scène les femmes et laissent échapper une part de cette féminité comme élément incontrôlé et porteur de déplacement. La participation à la lutte est, avec elle, le signe annonciateur d’une libération. Deux récits sont à retenir moins connus et étudiés que ceux d’Assia Djebar : ceux de Bediya Bachir et de Yamina Mechakra.
Le récit de Bediya Bachir – pseudonyme de Baya El Aouchiche, secrétaire de l’Union des Femmes d’Algérie, proche du PCA, récit réédité en France en 1994 sous le nom de Baya Jurquet-Bouhoune –, écrit en 1960 est peu connu et n’a été édité qu’en 1979. L’Oued en crue campe des figures féminines frappantes et, en particulier, la mère de la famille Zerrouk, femme de ménage dans le quartier européen. Sorte de mère courage qui, de décès en injustice arrive, en décembre 1960, aux premières lignes des manifestations populaires des Algériens à Alger aux côtés de sa fille, brandissant le drapeau brodé en cachette, comme l’ont fait tant d’autres femmes. Ainsi, au-delà des désarrois et des dénuements individuels, le récit s’affirme comme le triomphe d’une collectivité. Les longs zer’arit que modulent les femmes ne sont là que pour exprimer cette solidarité.
La même année, 1979, paraissait le récit le plus fort sur une combattante de la guerre de libération nationale et sur le statut de la femme, La Grotte éclatée de Yamina Mechakra qui invente, « la grotte au cœur de cendre et un peu d’amitié. » Préfacée par Kateb Yacine, il eut un grand succès en Algérie et a bénéficié de rééditions. La romancière reprend le personnage emblématique pour le récit national algérien, de l’infirmière au maquis, de novembre 1955 à juillet 1962. Le roman est ponctué d’une datation précise découpant le temps en tranches qui correspondent aux chapitres et souvent aux titres mêmes : « Novembre 55 » par exemple. La narratrice a été affectée comme infirmière dans un secteur frontalier de l’est et la progression est chronologique : activités de soins dans la grotte, explosion de celle-ci lors d’une opération, internement de l’héroïne dans un service psychiatrique puis séjour dans un camp de réfugiés en Tunisie et enfin retour en Algérie. L’infirmière de La grotte éclatée, en treillis kaki et le crâne rasé, s’interroge: « Faudrait-il me résigner à l’idée d’attendre quelque vérité-peuple, les pieds enterrés dans les godillots puants, le corps enfoui dans l’horrible tenue Kaki-caca, la tête boule-à-zéro, les yeux rouges et les ongles sales ; me résigner, se résigner, résignation, des mots que je déteste. » La romancière choisit une bâtarde, née et grandi dans la marginalité, écartelée d’orphelinat en orphelinat entre les religions, changeant de nom au gré de sa foi du moment. L’aspiration à la liberté et à habiter son identité de femme plus que son nom est une ligne mélodique forte du récit. Habiter son identité pour cette « bâtarde » n’est plus combat individuel mais immersion dans la lutte collective. Elle trouve dans cet espace de guerre et de fraternité, dans cet espace masculin, l’amour dans plusieurs dimensions et une vraie communion. Elle ne passe pas sous silence l’horreur de la guerre : ce sont ces chairs meurtries où elle doit plonger, ces hommes, blessures béantes qu’elle doit soulager : « je devenais le boucher de mes semblables » ; elle est aussi celle qui les réconforte, qui récite les versets du Coran qu’elle connaît, qui les ensevelit. Elle connaît l’amour au maquis ; elle aura un fils, amputé atrocement par le napalm. La participation à la guerre lui permet de se reconstruire une généalogie et une lignée et d’être le réceptacle des autres voix de femmes. Histoire de femmes, celle de Rima, par exemple, qui montre que raconter la lutte ne fait pas oublier les oppressions des femmes. Ce roman de guerre, volontairement énoncé au féminin, dépasse tabous et interdits pour laisser se dessiner les voies du désir et de la liberté. Cette infirmière, seule dans sa grotte, entourée d’hommes, est l’image d’une féminité différente. Le « je » fait place au « nous » et au projet de reconstruction du féminin : « Nous drainerons les écritures pour qu’à travers les roseaux siffle le bonheur. »
D’autres textes seraient à citer en un travail d’enquête méthodique. Mais mon objectif était de donner une visibilité à un ensemble de textes qui permettrait au lecteur ou à la lectrice curieux de visiter la mémoire algérienne de la guerre. Les créations, quel que soit le canal qu’elles empruntent, impriment une force de suggestion et une polysémie qui fait résonner dans l’Histoire nationale, l’histoire des résistances et luttes des femmes ou de leur aspiration, au moins, à une autre vie. Bien entendu, il faut revenir aussi aux textes plus connus et dont la voie éditoriale a donné une pérennité que n’ont pas toujours ceux que nous avons cités précédemment. C’est en 2001, Louisette Ighilahriz, Algérienne, récit recueilli par Anne Nivat, mettant la force du témoignage du viol subi sur les vers d’Anna Greki, écrits en prison :
Ils m’ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je ne tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre
C’est en 1958, le film de Youssef Chahine, Djamila l’Algérienne sur Djamila Bouhired ; puis le Pour Djamila Boupacha de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi ; c’est le duel Danielle Michel-Chich/Zohra Drif : Lettre à Zohra D. et Réponse de Zohra Drif à Danielle Michel-Chich une de ses victimes de l’attentat du Milk Bar, en 2012. C’est, en 2017, le témoignage tardif mais passionnant de Yamina Cherrad Bennaceur, Six ans au maquis, édité à Alger.
Des écrivaines ont déjà soulevé les voiles de l’indicible et du débat et ont porté leur contribution à ce lourd dossier : Malika Mokeddem, Maïssa Bey, Salima Ghezali, Souad Labbize, Hajar Bali. Du témoignage à la création, le relais est pris et ne peut que se poursuivre. Il a fallu du temps pour que la plupart des actrices sortent du silence, non seulement parce qu’elles ne retrouvaient plus une fraternité avec leurs camarades de combat mais parce que les femmes qui les voyaient « revenir » à la vie « normale » ne les reconnaissaient plus comme leurs. Très tôt, dans le recueil publié après sa mort, Anna Greki exprimait cette déception sans détour :
L’indépendance au chant du coq où l’as-tu mise ?
Tu veux saigner la grenade avec un couteau
Plonger chaque cervelle dans un bain de sel
Que l’herbe qui y pousse reste à ras de peau
Quel est ce peuple roi ce chien que l’on musèle ?
La misère qui hurle a encore du talent
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