La date est marquée sur le marbre de l’histoire. Le 14 juin 1830 a marqué le début d’une colonisation de l’Algérie par la France du roi Charles X.
En proie à une fronde des députés en interne et une perte de vitesse sur le plan international, face à l’Angleterre, ce dernier se saisit d’un incident diplomatique vieux de deux ans pour se lancer dans une nouvelle campagne de colonisation.
Celle-ci débute par le siège d'Alger et se termine par le débarquement sanglant de Sidi Freudj et la prise définitive d'Alger. Cette campagne coloniale française est jalonnée par des massacres des populations qui auront duré quarante ans, selon les historiens.
Le prétexte était simpliste.
Il s’agit du « coup d’éventail » qu'aurait asséné, le 30 avril 1927, le Dey d’Alger (Dey Hussein) au consul de France, Pierre Deval qui a refusé de s’acquitter d’une vieille dette : le paiement du blé livré par la Régence d’Alger à la France pour les besoins de l’expédition du général Napoléon Bonaparte en Egypte, en 1798.
L’incident est attisé par Charles X qui décide d’engager, trois ans plus tard, l’invasion d’Alger, pour, arguait-il, « restaurer au plus vite l’image de la France ».
C’est ainsi que, le 3 mars 1830, dans le discours du trône, il évoque pour la première fois « l’idée d'une expédition punitive destinée à obtenir réparation de la dette ainsi qu’à détruire le repaire de corsaires installé dans la régence d’Alger et mettre fin à l’esclavage ! »
Il nomma alors le comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement Polignac, comme commandant en chef de l’expédition en Afrique».
C’est ce dernier qui lance l’attaque, dès le 14 juin 1830, pour parvenir à prendre Alger, dès le 5 juillet suite à la capitulation du Dey Hussein.
Cet incident diplomatique est-il l’unique raison justifiant le début de la colonisation ? L'historien algérien, Hosni Kitouni livre, à l'Agence Anadolu des clés historiques pour mieux comprendre l’origine de cette colonisation.
«Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut revenir à la situation de la France en 1830 et au début 19ème siècle. Il y a deux éléments importants. Le premier c’est que la France avec Napoléon a perdu ses guerres européennes. Et donc, c’est un pays qui a perdu quasiment toutes ses colonies. Il a été profondément sanctionné après l’échec de ses guerres en Europe. Donc, c’est un pays battu. En second lieu, il y a un fait très important dans l’histoire de France, c’est la perte de Saint-Domingue qui était la colonie la plus importante de ce pays », explique-t-il, rappelant que Saint-Domingue produisait du sucre, comme elle était un territoire esclavagiste.
«Après la révolution de 1789 qui a consacré la libération des esclaves au nom du principe que les hommes naissent libres et égaux, les esclaves ont demandé leurs libérations. Une insurrection éclate et s’est soldée par la perte de ce territoire par la France en 1815, suite à une guerre impitoyable. La France devient définitivement un pays battu et qui n’a pas de colonies », rappelle-t-il.
==Le trésor d’Alger attise les convoitises==
Devant cette réalité, explique notre interlocuteur, des hommes de pensée, des intellectuels et des hommes politiques français de l’époque « appelaient à ce que la France trouve de nouvelles colonies et développe son expansion, au risque de rester faible par rapport à l’Angleterre ».
Mais la France, souligne-t-il, n’avait pas de moyens pour financer une nouvelle expédition. « C’est là où les bourgeois français et les capitalistes sont intervenus pour s’engager à financer l’expédition en contrepartie de la récupération du trésor d’Alger. Tout le monde savait que le trésor était très important. C’était une richesse considérable. Après la prise d’Alger, l’armée coloniale s’empare de ce trésor estimé à l’époque à 34 millions de francs français de l’époque, soit 2 ou 3 milliards de dollars en monnaie actuelle », précise-t-il.
La prise d’Alger, rappelle pour sa part l’historien algérien, Rabah Lounici dans une déclaration à l'Agence Anadolu, est intervenue dans un contexte de faiblesse de l’armée de la Régence d’Alger.
« Au moment de l’attaque de l’armée française, le Dey Hussein a fait appel aux tribus Kabyles et du constantinois. La résistance était acharnée, notamment à Sidi Freudj (20 km à l’ouest d’Alger), lieu de débarquement des Français qui ont fini par s’emparer de la ville », explique-t-il.
==Clauzel lance la colonisation de peuplement==
Ce qui devait être seulement une « expédition punitive pour restaurer l’image de la France » est transformée en une colonisation de peuplement qui aura duré 130 ans.
« L’échec de Louis de Bourmont à sortir d’Alger et ses défaites à Blida ont précipité son départ. Le roi Louis-Philippe, cousin de Charles X, rappelle alors le général Clauzel, un colonialiste convaincu. Une fois à Alger, ce dernier lance de nouvelles expéditions à l’intérieur du pays et commet ses premiers massacres lors de sa tentative de prendre Médéa en passant par Blida (100 et 50 km à l’ouest d’Alger). C’est lui qui a proposé au roi l’idée de la colonisation du peuplement en installant des populations européennes dans le pays », fait savoir Hosni Kitouni.
La conquête du pays, selon de nombreux travaux historiques, était cruelle pour les populations locales qui ont subi, durant 40 ans de « pacification » du pays, la barbarie française dans toute sa laideur : razzia, massacres, destruction des villages et douars et expropriations…
« Les morts algériens de l’implacable conquête de l’Algérie ont été évalués entre 250 000 et 400 000, voire plus », note pour sa part l’historien Kamel Kateb, auteur de l’ouvrage « Européens, indigènes et Juifs en Algérie, 1830-1962 : représentations et réalités des populations ».
La colonisation de l'Algérie était, selon de nombreux travaux des historiens, un prélude à la naissance de la "France-Afrique" et de l'empire colonial français.
La route de l'Afrique est rouverte avec la fondation de comptoirs sur la côte occidentale, qui forment en 1862 les Établissements français de la Côte-de-l'Or et du Gabon, tandis qu'à l'est, la France achète Obock (1862), au débouché de la mer Rouge.
Le Sénégal, conquis par Faidherbe (1854-1865), devient aussi une base de pénétration vers l'Afrique intérieure.
Mayotte (1843), Tahiti (1842-1847) et la Nouvelle-Calédonie (1853) fut intégré dans le domaine français.
Au Maghreb, après l'Algérie, la France a étendu sa présence en Tunisie et au Maroc placés sous protectorat respectivement en 1881 et 1912.
Ekip |
14.06.2022
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