Le dialogue des mémoires se poursuivra à n’en pas douter, en cas de victoire, aujourd’hui, d’Emmanuel Macron.
La France élit, aujourd'hui, le 9e président de sa Ve République. Toutes les personnalités politiques qui s'étaient succédé à l'Élysée avaient toutes, d'une manière ou d'une autre, un rapport avec la guerre d'indépendance de l'Algérie. C'est d'ailleurs cette même guerre qui a été à l'origine de la chute de la IVe République. Elle a rouvert les portes de l'Élysée à Charles de Gaulle qui s'est rendu à l'évidence qu'elle était perdue.
Les présidents qui ont succédé à De Gaulle ont tourné le dos aux souffrances mémorielles et tenté de construire des relations avec l'Algérie, sans même reconnaître la guerre elle-même qu'ils continuaient de qualifier d'«événements».
Parmi les locataires de l'Élysée, François Mitterrand a été le plus impliqué dans cette guerre. Il a prononcé des condamnations à mort de militants algériens, fermé les yeux sur les tortures. Il a fallu attendre le premier mandat de Jacques Chirac, qui avait fait son service militaire en Algérie, pour qu'une partie du voile soit levée sur la réalité de la colonisation française. Le premier acte sur la voie de la réconciliation a été la promulgation, le 18 octobre 1999, de la loi marquant la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie par l'État français.
À partir de cette date, l'Algérie est entrée de plain-pied dans le débat politique et électoral en France. Trois ans plus tard, en mai 2002, le premier tour de l'élection présidentielle française accouche d'un monstre: Jean Marie Le Pen, tortionnaire en Algérie et président du tristement célèbre Front national, arrive en seconde position et dispute le fauteuil de l'Élysée à Jacques Chirac. Jacques Chirac a poursuivi sur sa lancée et tenté un pacte d'amitié avec l'Algérie, très vite torpillé par la loi sur les bienfaits de la colonisation de 2005, suivie par les fameuses émeutes qui ont enflammé toutes les banlieues françaises, jusqu'à obliger Chirac à instaurer l'état d'urgence, le premier depuis la guerre d'Algérie. Les ultras ont profité de la tension pour remettre une couche. De fait, la dynamique de rapprochement a donc reçu un coup d'arrêt brutal.
Après les deux mandats de Chirac, Nicolas Sarkozy, l'un des concepteurs de la loi de 2005, a fait campagne sur la sécurité et contre la «racaille». Ses allusions quasi directes sur l'infériorité de l'homme africain ont empêché toute évolution du débat algéro-français sur la mémoire. Mais le sujet était toujours sous-jacent et l'extrême droite française y allait de ses thèses révisionnistes à chaque rendez-vous de la présidentielle.
Le deuxième coup de tonnerre a eu lieu en 2017. La fille de Jean-Marie Le Pen, Marine, accède au second tour de la présidentielle face à Emmanuel Macron qui n'avait pas caché sa détermination de rouvrir le dossier de la mémoire. «Altéré» par la crise des Gilets jaunes et la pandémie de Coronavirus, mais également par «l'aphonie» de l'Algérie en raison de la maladie du défunt président Abdelaziz Bouteflika, le premier mandat de Macron a été haché sur la question de la réconciliation des mémoires.
Mais il faut lui reconnaître des gestes forts, notamment la reconnaissance des crimes d'État commis par la France coloniale et l'usage systématique de la torture, dont la qualification de crime contre l'humanité ne fait pas de doute. Il faut aussi retenir quelques égarements, dont des propos malheureux sur la nation algérienne.
Le troisième séisme politique était prévu par les observateurs. C'est une réplique du tremblement de terre de 2017. Marine Le Pen au second tour est une épreuve pour la démocratie française, mais surtout un véritable examen de la volonté du peuple français à poursuivre sur le chemin de la reconnaissance de son Histoire. Le dialogue des mémoires se poursuivra à n'en pas douter, en cas de victoire, aujourd'hui, d'Emmanuel Macron.
Saïd BOUCETTA
| 24-04-2022
https://www.lexpressiondz.com/nationale/l-election-de-la-memoire-355888
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