Vendredi 8 mars 18h: sur LCI, la grande chaîne d'information de TF1, l'émission du célèbre David Pujadas.
Je lis machinalement le titre de l'émission sur l'écran «Éliminer V. Poutine, la seule solution». Je n'en crois pas mes yeux. Je relis, éberlué.. Ai-je bien lu ? Oui, et il n'y a même pas un point d'interrogation au titre. C'est dit dans le mode affirmatif. Première réaction, je reste interloqué, incrédule, horrifié. Puis, je regarde, j'écoute l'émission. Ce titre, c'est peut-être un malentendu ? Une erreur que le contenu de l'émission va clarifier ? C'est peut-être au contraire la dénonciation d'un tel projet d'assassinat ? Mais au fur et à mesure que j'écoute, c'est pire encore. Hallucinant David Pujadas, officie dans le rôle du Candide, impavide, un visage qui se veut impassible. Il veut donner l'impression qu'il s'agit d'un sujet «normal». Mais il est évident que le sujet n'a rien de normal, qu'on franchit là, une ligne rouge. Il cherche à expliquer, à mots hésitants que c'est une émission d'information. Son argument est que ce thème, celui de «l'assassinat de Vladimir Poutine», est à traiter par l'information, car il a déjà été abordé publiquement ou évoqué par des «personnalités» qui «ont envisagé» cet assassinat: un sénateur américain Lyndsay Graham, un général français , Christophe Gomart ex-chef des Services de renseignement, un ex oligarque russe «passé dans le camp américain» Alex Konanykhin, qui a «mis à prix la tête de Vladimir Poutine pour un million de dollars». D'autres intellectuels va-t'en guerre acharnés, comme Bernard Henry Lévy, avaient évoqué à demi-mot, cette «solution» les jours précédents. En fait, peu de personnes se sont risquées à cette horreur ou elles se sont vite rétractées devant les réactions de l'opinion publique. C'est dire la gravité d'un tel thème. L'argument de Daniel Pujadas n'est donc, en réalité, qu'un leurre, pour donner encore plus de publicité, plus d'ampleur à ces appels au meurtre. En fait, dans l'émission, toutes les digues sont rompues. Celles de l'information, du droit, des valeurs humaines, des relations internationales, de l'éthique médiatique, de la morale tout court. Pendant une heure sur le plateau, les participants, vont tout simplement débattre, froidement, des façons d'assassiner le président de la Fédération de Russie: «Un bombardement du Bunker du Kremlin? Extrêmement difficile» dit l'un d'eux. «un empoisonnement par un agent infiltré dans son entourage, un agent double mais il risquerait d'y passer». «Une balle de 9mm dans la tête dans un couloir du Kremlin ? Ce serait la meilleure solution», évoque un autre, se référant à ce que lui aurait dit des services français, «Que les gens des services travaillent sur cette hypothèse (l'assassinat de V. Poutine) cela me parait la moindre des choses» conclut tranquillement l'un des participants. Hallucinant. Non, ce n'est pas un film d'espionnage, ce n'est pas un cauchemar. Cela se passe sur LCI, la chaîne d'information de TF1, la plus grande Chaine de télévision française. Comme une maffia Ils sont là, réunis sur ce plateau, comme une maffia passant un contrat sur la tête d'un adversaire et discutant des moyens de le «liquider». Ce sont d'ailleurs les mots qui sont prononcés sans honte: le «liquider physiquement», «l'éliminer», «s'en débarrasser». On revient sur des «exemples» précédents, comme l'assassinat de Kadhafi et d'autres. Certes, tout le monde sait que les puissances occidentales ont toujours pratiqué l'assassinat ou la tentative d'assassinat de dirigeants étrangers. Les assassinats ou les tentatives d'assassinat sont connues de Lumumba à Fidel Castro, en passant par Kadhafi et un grand nombre de dirigeant africains, latino-américains, arabes, etc. Mais là, il s'agit d'une des plus grandes puissances, et maintenant c'est public, c'est en direct. On ne cherche même plus à maquiller le projet, les pulsions de meurtre. Le titre de l'émission dit «la seule solution». On ne pense même pas à d'autres solutions, le dialogue, la négociation diplomatique. Non, l'assassinat pur et simple. C'est brut, c'est sans scrupules, c'est sans état d'âme. L'Occident a fait main basse sur l'argent de bien des États, dont dernièrement celui de la Russie et de l'Afghanistan. Il a fait déjà fi de la morale internationale et des principes les plus élémentaires de la propriété. La boucle est bouclée. Ce gangstérisme international aboutit, désormais, au projet de meurtre, à l'assassinat, souhaité, justifié, revendiqué et donc à toute la panoplie maffieuse. Peut-on imaginer une telle scène dans une quelconque télévision dans le monde non occidental: c'est-à-dire un débat sur la manière, comme ils le disent, de «liquider physiquement» un chef d'État. Imaginons un instant un tel projet concernant le président Biden ou Macron, ou Boris Johnson, exposé froidement dans une télévision russe. Impensable. Et dans une quelconque télévision du monde, sur le sujet d'un projet d'assassinat d'un quelconque dirigeant. Dans tout pays normal ceci serait considéré comme un grave délit, comme un appel au crime. Là rien. Et ces gens se réclament, à longueur de journée, de l'État de droit. C'est terrifiant. Certains milieux occidentaux n'ont plus de repères. Merci Poutine ? Cette violence verbale effarante semble s'être généralisée dans le système médiatico- politique occidental, à part quelques exceptions courageuses. C'est dans les réseaux médiatiques alternatifs occidentaux que se réfugient aujourd'hui, désormais, les forces de paix et de l'humanisme. On retrouve cette violence inouïe même dans le discours de certains chefs d'États occidentaux. Rares sont ceux qui veulent garder la mesure. Ainsi, le jeudi 10 mars le Président Jo Biden pouvait dire du Président Vladimir Poutine «qu'il en paiera le prix», ce qu'il répète sans cesse depuis le début de la crise. Il le menace même de «sanctions personnelles» et le traite de «dictateur». En France, à l'Élysée, on fait entendre que Vladimir Poutine est «paranoïaque». Le Président Emmanuel Macron accuse régulièrement la Russie de crimes, pour peu après... téléphoner longuement au président russe; et les exemples sont nombreux. C'est au plus haut niveau politique que l'exemple est donné aux médias occidentaux. Imaginons le président russe dire, au cours des agressions contre l'Irak ou la Lybie, que «les États-Unis devront en payer le prix». Impensable, là aussi. Ce serait un casus belli. Mais ici, il y un mépris pour l'autre, une arrogance, une posture de maître du monde, un sentiment d'impunité. Tout ceci explique la méfiance ou l'hostilité sourde permanente du reste du monde envers l'Occident. La Chine est désormais première puissance économique mondiale. Mais ses relations avec les autres puissances, même dans les conflits, restent pleines de courtoisie et de considération. Est-ce finalement une question culturelle? Mais aussi, inversement, les dirigeants des puissances occidentales sont soudain, capables de changer complètement de comportement dès qu'ils y voient un intérêt. Ce qui est bien la preuve que tout cela n'a rien à voir avec l'argument de la défense des valeurs occidentales qui leur sert souvent de discours de légitimation. C'est ainsi que dernièrement, les États-Unis ont voulu se rapprocher du Venezuela, qu'ils s'efforcent d'isoler depuis des années et du Président Madoro, qu'ils traitaient d' «abominable dictateur». Ressources énergétiques obligent... De même, les États-Unis et leurs alliés ont désormais hâte de conclure un accord avec l'Iran et de normaliser leurs rapports avec ce pays. La France, de son côté, fait les yeux doux à l'Algérie, et à ses réserves de gaz. Ces pays, ainsi courtisés, doivent peut-être se dire: «Merci Poutine». par Djamel Labidi
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