Un combattant de l'Armée de libération nationale (ALN) dans les rues d'Alger en septembre 1962. © Dominique BERRETTY/Gamma-Rapho via Getty Images
Aujourd'hui âgée de 84 ans, Meriem Mokhtari, ou "Thaouriya" (Révolutionnaire) de son nom de guerre, garde un souvenir vivace des derniers moments avant l'entrée en vigueur, le 19 mars 1962, du cessez-le-feu conclu la veille à Evian (centre-est de la France) consacrant la défaite française et ouvrant la voie à l'indépendance de l'Algérie après 132 ans de colonisation.
Mme Mokhtari a rejoint la lutte pour l'indépendance algérienne en 1956, dans sa région de Tiaret (sud-ouest). Entraînée au "maniement des armes et techniques de guérilla", elle est affectée comme infirmière dans le maquis.
Thaouriya affirme à l'AFP avoir tutoyé la mort à de nombreuses reprises lors des combats, avant d'être arrêtée en janvier 1961 par les forces françaises alors qu'elle se reposait sous une tente près de Tiaret, atteinte de paludisme.
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En mars 1962, la jeune combattante échappe de nouveau à la mort lorsque des membres de l'Organisation armée secrète (OAS) opposés à l'indépendance de l'Algérie, tentent de faire exploser la clinique de l'armée française où elle était détenue.
"Les autorités coloniales nous ont libérées, ma camarade Fadhéla Ben Amara (décédée il y a quelques années, ndlr) et moi-même, le 3 mars 1962", raconte-elle. Elle retourne à Tiaret où elle entend "l'annonce du cessez-le-feu faite via des hauts parleurs dans la ville, alors que dans les montagnes les avions lâchent des tracts pour informer la population".
Mais "certains habitants des montagnes et du désert n'ont pas su que c'était la fin de la guerre". "Des moujahidines (combattants de l'Armée de libération nationale, ALN) ne l'ont pas entendu non plus, ce qui explique les martyrs tombés après le cessez-le-feu", ajoute-t-elle.
"Pas confiance"
Elle se rappelle surtout de Menad Djellouli, un commandant de l'ALN tué selon elle le 19 mars 1962 dans un bombardement français, dix minutes avant l'entrée en vigueur, à midi, du cessez-le-feu conclu à Evian. Djellouli, "pensant que quelques minutes ne feraient pas de différence" avait quitté l'un des repaires de l'ALN dans les montagnes de Tlemcen (est) en compagnie d'un soldat algérien qui avait déserté l'armée française la veille, quand le bombardement les a visés.
"C'était à 11H50 selon les camarades avec lesquels il s'était réuni avant son départ", se remémore l'ex-maquisarde. Mohamed Mokrani, à l'époque responsable de l'ALN, a suivi le déroulement des négociations d'Evian "minute par minute" depuis le siège de l'état-major à Ghardimaou en Tunisie, où étaient réfugiés beaucoup de moujahidine.
"Nous recevions les informations de la délégation qui négociait à Evian et à travers les médias", dit-il à l'AFP. Après la signature, les chefs de l'ALN ont maintenu leurs troupes en position et "en état d'alerte maximum, jusqu'à l'annonce de l'indépendance (en juillet). Nous ne faisions pas confiance à l'ennemi", raconte cet ancien diplomate à l'AFP.
Les chefs de l'ALN craignaient à l'époque des provocations de l'OAS, hostile aux accords d'Evian, pour attirer une riposte des indépendantistes et torpiller le cessez-le-feu. La capitale, divisée entre quartiers européens et algériens, a d'ailleurs été, après le cessez-le-feu, le théâtre d'assassinats qui ont "ciblé des civils en particulier", affirme Ali Dif, 82 ans, un autre ancien membre de l'ALN.
Selon lui, "la plupart de ceux qui ont été tués après le cessez-le-feu étaient des civils, à l'instar des Algériennes qui travaillaient comme femmes de ménage chez les colons"."La peur et la prudence étaient perceptibles chez les Algériens qui n'ont montré aucune joie de peur des représailles des partisans de ''Algérie française'", ajoute-il.
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