Un militaire algérien réfugié en 2019 en Espagne puis plus récemment en France, Mohamed Azzouz Benhalima, connu pour ses vidéos d’opposant sur les réseaux sociaux, fait l’objet à Paris d’un contrôle judiciaire sévère, après avoir été interrogé sans ménagement par la police française qui a reçu une demande d’extradition d’Alger.
Mohamed Benhalima, lanceur d’alerte et exilé politique algérien a été arrêté le 27 janvier 2022 par la police française et interrogé sans ménagement. C’est ainsi qu’il a été placé durant une nuit entière dans une cellule sans lit ni commodités où il a du dormir à même le sol. Les policiers lui ont demandé avec insistance d’avoir accès aux messages et aux contacts de son téléphone portable. Ce à quoi il s’est refusé. Depuis, le sous officier algérien est soumis à un contrôle judiciaire rigoureux. Si son expulsion vers l’Algérie se concrétisait, il risquerait les pires sévices de la part d’un régime pour lequel les droits de l’homme n’ont aucune signification.
Cet ancien caporal-chef de l’armée de terre algérienne avait demandé asile, mais sans succès; en Espagne où il avait été pris en charge par Amnesty International. Se sentant menacé à la suite de l’extradition par le ministère de l’intérieur espagnol d’un autre opposant issu des rangs de la gendarmerie, Mohamed Abdallah, le 22 aout 2021 (voir article ci dessous), Mohamed Benhalima avait illégalement quitté l’Espagne voici moins d’un mois pour se réfugier en France. S’il était reconduit en Espagne, dont le gouvernement n’hésite pas à extrader les opposants algériens, il pourrait lui aussi être renvoyé vers l’Algérie.
Le terrorisme, forcément !
Youtubeur très suivi, Mohamed Benhalima a révélé plusieurs scandales touchant la pouvoir militaire algérien impliquant des hauts gradés de l’armée (voir l’entretien ci dessous). L’activisme résolument pacifique de Mohamed Benhalima ne l’a pas empêché d’être sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par le régime algérien pour « adhésion à un groupe terroriste ciblant la sécurité de l’État et l’unité nationale, financement d’un groupe terroriste ciblant la sécurité de l’État et blanchiment d’argent dans le cadre d’une bande criminelle ».
La seule parade du pouvoir algérien face à ces lanceurs d’alerte de plus en plus nombreux et suivis qui dénoncent la réalité du régime depuis l’Europe est d’accuser ces militaires déserteurs de sympathies islamistes et de projets terroristes. Autant d’accusations sans fondement même si un grand nombre de soldats et de sous officiers dans les casernes sont de plus en plus sensibles aux mots d’ordre de « Rachad », qui sans être l’héritier du Front Islamique du Salut (FIS) des années noires représente une grande partie de la mouvance islamiste actuelle en Algérie. Au sein des mobilisations du Hirak et avec un succès croissant, les militants de Rachad, fort bien organisés, mettent en avant le slogan: « État civil, non militaire ».
La France face à ses responsabilités
Il est de notoriété publique que les atteintes grave à la dignité, la torture et les mauvais traitements sont la pratique commune des forces de répression algériennes. Le gouvernement français ne peut ignorer les multiples communications des rapporteurs spéciaux de l’ONU dont fait objet l’Algérie. En effet le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a condamné à plusieurs reprises le régime d’Alger pour graves atteintes aux droits de l’homme, torture, et poursuite pour d’imaginaires « activités terroristes ».
Si Mohamed Benhalima devait être livré aux autorités d’Alger, il est plus que probable qu’il subirai les pires formes de tortures systématiquement pratiquées par la police politique, comme c’est la cas dans la prison militaire de Blida pour le gendarme Mohamed Abdallah après son expulsion d’espagne.
Entretien: « Des milliers de militaires de base soutiennent le Hirak »
Mondafrique Pourriez vous retracer votre parcours au sein de l’armée algérienne?
Mohamed Azzouz Benhalima Entré très jeune dans l’armée, j’ai été affecté à la frontière marocaine où j’étais conducteur de blindés. Puis j’ai été nommé au ministère de la Défense à Alger où je suis devenu pendant six mois chauffeur des hauts gradés algériens. J’ai participé très vite aux mobilisations populaires du Hirak. Un ami bien placé m’a prévenu que je figurais sur la liste des soldats qui allaient être très prochainement interpellés. J’ai préféré quitter l’Algérie le 1er septembre 2019.
Mondafrique. Les militaires qui ont soutenu le Hirak sont-ils nombreux?
Mohamed Azzouz Benhalima Très certainement des milliers. Dans les casernes, ils sont branchés sur les lanceurs d’alerte réfugiés en Europe, comme Larbi Zitout, un ancien diplomate qui vit à Londres et qui est un ami personnel.
Pour autant, beaucoup de soldats ne participaient pas physiquement aux manifestations du vendredi, car trop éloignés des grandes villes ou par crainte des représailles. Ce qui nous choque est que l’armée en Algérie décide de tout. La Présidence et le gouvernement ne sont que des façades de l’institution militaire.
Mondafrique. Jusqu’à quel point l’institution militaire est divisée?
Mohamed Azzouz Benhalima. La guerre entre les chefs de l’armée est terrible. Ainsi l’ancien chef d’état major avant de décéder brutalement en décembre 2019 avait fait le projet de mettre à la retraite vingt cinq généraux, dont le général Chengriha qui lui a finalement succédé. D’après mes sources et en raison de cette volonté de faire le ménage au sein de l’institution militaire, Gaïd Salah a été empoisonné. Son beau frère, le général Souab, s’était réfugié en France après son décès. Les autorités algériennes ont insisté alors pour qu’il rentre en Algérie. Lui aussi est décédé dans des conditions surprenantes peu après son retour. Parmi les anciens partisans de Gaïd Salah, ceux qui n’ont pas disparu un peu rapidement sont en prison.
Mondafrique. Que vaut-il mieux, un Gaïd Salah ou un Chengriha?
Mohamed Azzouz Benhalima. Ni l’un ni l’autre, c’est pareil. Le pouvoir doit être civil. Pour l’instant dans les casernes, les patrons de l’armée s’emparent de nos papiers d’identité lors des élections pour comptabiliser nos votes en faveur du pouvoir en place !
Mondafriqe. Quel est l’état d’esprit des militaires à la base?
Mohamed Azzouz Benhalima. Beaucoup veulent quitter l’armée. Les conditions de vie sont très dures. Caporal, je gagnais l’équivalent de 180 euros, et encore mon salaire était supérieur à celui des simples soldats. Les graffitis sont nombreux dans les casernes qui dénoncent le niveau de vie des gradés. Pour freiner les départs, l’État Major a décidé d’imposer dix neuf années de services pour percevoir la moindre retraite.
u Le général Chentouf, aujourd’hui réfugié à Alicante en Espagne, passait auprès de ses hommes pour un grand consommateur de whisky et autres boissons fortes
Mondafrique Que pensez vous des valeurs morales des hauts gradés algériens?
Mohamed Azouz Benhalima Lorsque j’étais le chauffeur des colonels et des généraux au ministère de la Défense algérien, j’i vu de près ce que peut être la vie privée totalement dégradée des généraux algériens. On les voit d’abord utiliser leurs fonctions officielles pour bénéficier d’un certain nombre de privilèges indus, qu’il s’agisse de leurs voitures de fonction abondamment utilisées par leurs femmes et leurs enfants ou de la fâcheuse habitude de ne jamais régler leurs consommations dans les bars et les restaurants qu’ils fréquentent.
Plus grave, leurs rapports aux femmes, y compris celles qui travaillent au ministère, ou à l’alcool sont détestables. Qu’il s’agisse du général Chentouf, ex chef de la première région militaire réfugié en Belgique, qui disposait d’un réfrigérateur bourré de bouteilles ou du général Ben Ali Ben Ali, le plus haut gradé de l’institution militaire algérienne, qui dispose d’une garçonnière en plein centre d’Alger.
C’est le règne de l’impunité lorsque quelques officiers de la caserne Gharmoul, en charge système du système d’écoutes, qui partent en virée se battre avec des consommateurs dans un bar pour une histoire de femmes avant de quitter les lieux précipitamment en utilisant leurs armes de service ou en écrasant un civil.
Le général Chengriha, chef des armées, participe à ce système de prébendes. L’ancien patron de la troisième région militaire, le général Sadiki, a été promu à la direction centrale du matériel au sein de l’État Major pour s’occuper des affaire très réservées du patron des armées.
https://mondafrique.com/revelations-inedites-dun-officier-algerien-mohamed-azzouz-benhalima-refugie-en-france/
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