L’EXERCICE POLITIQUE JUDICIARISÉ
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Les procès et les poursuites qui ont ciblé ces dernières années de nombreuses figures, notamment de l’opposition, sont symptomatiques de la difficulté de l’exercice politique qui, pourtant, est garanti par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par l’Algérie.
Il y a une année, Karim Tabbou, chef du parti non agréé Union démocratique et sociale (UDS), était arrêté et poursuivi en justice, dans des conditions peu cavalières, pour des propos jugés comme portant “atteinte à la Sûreté nationale”. Avant-hier, après six mois de détention, Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS), comparaissait devant le tribunal de Bab El-Oued pour répondre des chefs d’inculpation d’“outrage à corps constitué” et “diffusion de publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national”. Au-delà de la “nature sociale et démocratique” de leurs partis respectifs, les deux hommes ont cela en commun, à savoir qu’ils font partie de l’opposition politique depuis de nombreuses années et qu’ils représentent des figures de proue de la révolution de Février 2019.
Pour de nombreux observateurs, ces deux facteurs suffisent à expliquer leurs démêlés avec la justice dans un pays où l’exercice de la politique semble comporter de plus en plus de dangers, notamment pour les acteurs de l’opposition. Plusieurs événements survenus ces deux dernières années et dénoncés par des partis politiques et des défenseurs des droits de l’Homme confirment cette tendance qui, beaucoup le craignent, pourraît compromettre jusqu’aux acquis démocratiques les plus élémentaires, comme l’exercice politique, pourtant reconnu par la Loi fondamentale. La menace de suspension qui pèse, depuis mai dernier, sur l’Union pour le changement et le progrès (UCP) de Mme Zoubida Assoul, dont le conseil d’État vient de reporter la décision, et le Parti socialiste des travailleurs (PST) ; le harcèlement dénoncé par le RCD dont, on s’en souvient, le siège national avait reçu en janvier 2020 la visite d’un émissaire du wali d’Alger pour de prétendus désagréments qu’il causait en raison des regroupements de hirakistes qui s’y retrouvaient ; les poursuites judiciaires et/ou condamnations ciblant certains de ses cadres et ses militants ; le rejet de candidatures pour le FFS aux élections locales dans certaines wilayas, que le parti avait qualifié de “guerre déclarée aux partis” ; ou encore le putsch avorté contre le PT de Mme Louisa Hanoune. Tous ces faits et d’autres encore corroborent les dangers qui pèsent désormais sur les acteurs de l’opposition.
“Judiciarisation de l’exercice de la politique”, “cabale judiciaire”, “escalade visant à museler l’opposition”…, les hommes et femmes politiques n’avaient pas assez de mots pour dénoncer toutes “les atteintes” au libre exercice de la politique pourtant garanti par la Constitution dans ses articles 57 et 58. En juin dernier, alors que les partis politiques d’opposition et les organismes de défense des droits humains continuaient de dénoncer un climat de répression et exigeaient le respect des libertés publiques, le chef de l’État signait une ordonnance élargissant la définition du terrorisme.
Ainsi, l’article 87-bis du code pénal qualifie désormais d’acte de sabotage et de terrorisme “(…) tout acte visant la sûreté de l’État, l’unité nationale et la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de : (…) œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ; porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit”. Si les autorités ont motivé cette ordonnance par la nécessité de “renforcer la lutte contre le terrorisme”, les acteurs politiques y ont vu une volonté de réduire (encore) le champ d’action des partis d’opposition.
Dans un document acerbe rendu public en octobre dernier, le FFS a estimé que l’article de loi, une “honte”, signait un recul des droits et des libertés : “On découvre, jour après jour, que cet amendement dicté par les autorités sécuritaires et justifié par le Conseil des ministres, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, est considéré comme un danger sur les libertés individuelles et collectives, ainsi que sur l'exercice de l'activité politique”, a ainsi affirmé le FFS, en demandant l’annulation de cette disposition de loi qui est en contradiction avec la Constitution et les accords internationaux ratifiés par l'Algérie, concernant le respect des droits et des libertés individuelles et collectives.
Par Samir OULD ALI
le 28-12-2021 12:00
https://www.liberte-algerie.com/actualite/un-engagement-a-haut-risque-370688
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