Des femmes et des dieux : trois femmes ont décidé d’écrire un livre ensemble aux excellentes éditions des Arènes. Elles sont rabbin, imame et pasteure et elles ont abordé tous les sujets qui leur tenaient à cœur. Quelle place pour les femmes dans leurs trois religions, marquées par des siècles de patriarcat ? Peut-on faire une lecture féministe de la Torah, de la Bible ou du Coran ? Comment réagir aux représentations souvent dévalorisantes du corps de la femme ? Comment distinguer ce qui relève du divin et de la tradition ? Qu’est-ce qui est sacré ? Kahina Bahloul, Floriane Chinsky, Emmanuelle Seyboldt étaient présentes l’autre soir sur un plateau télé. Personne ne semble avoir détecté une grande absente et par ailleurs l’ombre d’une présence non captée ni par les projecteurs, ni par les caméras. La grande absente, c’était une femme prêtre, la fille spirituelle de l’apôtre des apôtres, je veux parler de Marie-Madeleine, celle qui selon les Écritures fut le premier témoin de la résurrection du Christ. J’avais mal à ma religion, mal à mon église qui refuse toujours l’ordination des femmes. La présence non captée, c’était celle du Diable. Elle était là, l’ombre du Malin. Elle était radieuse et narquoise. Lucifer savourait son triomphe puisqu’il avait réussi une fois de plus à bannir sa pire ennemie de la communauté des bergers de la religion la plus pratiquée dans le monde. C’était le lendemain d’Halloween. L’air répandait encore une odeur de folklore et de fagot : celle des bûchers de sorcières si souvent allumés par certains bergers gravement dérangés de l’église catholique.
Depuis le 15e et le 17e siècle, depuis la Renaissance qui avait aussi été la sienne, le Diable avait trouvé des alliés parmi certains théologiens qui affirmait que l’ordination des femmes était exclue par le droit canon, et parmi certains médecins qui affirmaient que les femmes sentaient beaucoup plus mauvais que les hommes « parce qu’elles étaient froides et humides, alors que l’homme était chaud et sec ». En 1943, Charles de Gaulle rêvait de faire rédiger une nouvelle déclaration universelle des Droits de l’Homme. Il avait demandé conseil à la philosophe Simone Weil. Celle-ci avait défini un préalable à une nouvelle déclaration des Droits de l’Homme : « L’enracinement », une déclaration des devoirs envers l’être humain. Il est temps de dire à ceux des princes de mon Église qui sont « hors sol » que les devoirs envers l’être humain priment sur les Droits de l’Homme. Les Romains ont crucifié le Christ. Quinze siècles plus tard, l’église catholique a crucifié la femme. Il est grand temps de cesser de clouer les filles d’Ève et de Marie-Madeleine sur le pilori d’une certaine forme d’impureté, d’indignité et d’infamie, comme il est temps de faire de Marie l’intouchée qu’elle n’a jamais été. Mon Église a un devoir envers l’humanité comme envers la femme. En ne le remplissant pas, elle fait le jeu du Diable. C’est ce que rappellent certains prêtres de terrain dans Paroles de prêtres qu’il faut relire attentivement après avoir lu Des femmes et des dieux.
Jean-Pierre Guéno
Le mardi 23 novembre 2021
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