La panthéonisation de Joséphine Baker offre l'occasion de partir à la découverte du "temple des grands hommes", où sont inhumées des personnalités françaises comme Victor Hugo, Marie Curie ou Simone Veil. Le choix des personnalités revient au président de la République et cette décision est très politique. David Madec, administrateur du Panthéon, retrace l'histoire de ce monument au fil des siècles.
Joséphine Baker au Panthéon :
à qui ouvre-t-elle la porte ?
Femme, noire, résistante, artiste, Joséphine Baker cumule les facettes, les engagements et les symboles. Dans un Panthéon essentiellement masculin et blanc, elle incarne un souffle de diversité.
Pour l'Elysée, Joséphine Baker, ici en 1954, entre au Panthéon "parce que c’est une femme qui est née noire et américaine dans une société fermée d’assignation à résidence et qui est devenue tout au long de sa vie et jusqu’au bout de celle-ci, l’incarnation des valeurs des Lumières de la République française et de l’ouverture au monde que cela implique".
Deux cent trente ans après la création du Panthéon, Joséphine Baker ne sera que la sixième femme à y recevoir les honneurs. Sixième femme, première artiste de scène, résistante, militaire, noire, première Américaine de naissance. Autant de caractéristiques qui font planer un souffle de diversité et d’ouverture, avec l’espoir que d’autres suivent.
Cela fait presque deux ans que la panthéonisation de Joséphine Baker est dans les tuyaux de l’Élysée - après avoir été proposé dès 2013 par Régis Debray. Faire entrer quelqu’un dans le très mal surnommé “temples des grands hommes” peut s’avérer délicat. Ceux qui militent pour Gisèle Halimi le savent bien.
“Joséphine Baker entre au Panthéon parce que c’est une femme qui est née noire et américaine dans une société fermée d’assignation à résidence et qui est devenue tout au long de sa vie et jusqu’au bout de celle-ci, l’incarnation des valeurs des Lumières de la République française et de l’ouverture au monde que cela implique”, justifie l’Élysée, quelques jours avant la cérémonie.
Ses origines, ses engagements, son univers artistique - elle est la première de “artiste de scène” à être ainsi célébrée -... l’entrée de Freda Josephine McDonald au Panthéon illustre à nouveau le désir d’Emmanuel Macron de “réconcilier les mémoires”. À l’unanimité la classe politique a approuvé le geste. Mais l’entrée de la danseuse a aussi mis en lumière toutes les figures oubliées, soulignées par SOS Racisme dans leur “Panthéon des Oubliés”.
Des femmes et de la culture
75 hommes pour désormais six femmes, c’est le triste constat du Panthéon, aussi visible ailleurs : dans la liste des 318 héros issus de la diversité de l’Élysée, dévoilée par Le HuffPost en mars, les femmes ne représentaient que 21% des personnalités.
Des combattantes pour la France
“Il ne suffit pas, entre guillemets, d’être un grand écrivain ou d’être un grand artiste. Il faut avoir dans sa vie, dans son parcours, dans ses combats, ses engagements, contribué à porter les valeurs de la République, s’être engagé pour la Nation, s’être engagé pour des causes qui portent ces valeurs que porte la France”, fait valoir l’Élysée pour expliquer le choix de Baker, et pas celui d’autres artistes.
De nombreux hommes déjà sacrés répondent à ces critères. Mais ils ne sont pas les seuls. Chez les femmes, on peut citer Geneviève de Gaulle-Anthonioz, nièce du général de Gaulle, et Germaine Tillion, entrées en même temps au Panthéon il n’y a pas si longtemps, sous le quinquennat Hollande.
Pourtant, en terme d’engagement pour la France, une autre personnalité peut venir à l’esprit : la Russe Vera Obolensky. Elle compte de nombreux points communs avec la meneuse de revue : sa nationalité étrangère mais surtout son engagement dans la Résistance, en tant que résistante secrétaire de l’Organisation civile et militaire (OCM), chargée de fournir des renseignements, là encore comme Joséphine Baker. Le Musée de la Résistance en ligne la décrit comme celle qui “sauva” cette organisation. Arrêtée par la Gestapo et condamnée à mort, elle est guillotinée en Allemagne en 1944.
Enfin, dernier point mais non des moindres : la représentation des minorités raciales. Si Joséphine Baker affirme qu’aux États-Unis elle avait “peur d’être noire” et qu’elle ne s’est sentie “libérée” qu’à Paris, elle n’en reste pas moins la première femme noire à faire son entrée dans le temple des personnalitées françaises. Sa panthéonisation “symbolise l’image d’une France qui n’est pas raciste, contrairement à ce que disent un certain nombre de groupuscules médiatiques”, analyse pour l’AFP le romancier Pascal Bruckner, une des personnalités qui a plaidé à l’Élysée en sa faveur. Un message fort et positif, en espérant que d’autres suivront. Par exemple, Paulette Nardal, journaliste et militante martiniquaise, théoricienne de la négritude avec sa sœur Jeanne, et dont la ville de Paris soutient d’ores et déjà la panthéonisation.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 29 Novembre 2021 à 07:25
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