En 1961, M. Carpentier (à droite) a vécu le putsch des généraux depuis la base de Blida. Pendant trois jours il a été sans commandement.
C’est un témoignage particulier que nous apporte M. Carpentier : « Celui qui m’a le plus marqué. » En 1961, l’habitant d’Ardes a vécu le putsch des Généraux, depuis la base de Blida. Pendant trois jours, il a été sans commandement. Il nous fait revivre cette page de l’histoire, à travers une lettre d’époque, adressée à ses parents et datée du 26 avril 1961.
« Chers parents et frère
Tout d'abord, il faut que je vous rassure. Tout va très bien de mon côté. Cela a été dur mais on les a eus. Je sais que vous avez passé quelques jours très pénibles mais maintenant c'est fini. « Charlot » est remis à sa place. Nous pouvons revendiquer que c'est grâce aux appelés de l'aviation et en particulier à ceux de Blida. Je ne me jette pas des fleurs. Je vais vous raconter un peu ce qui s'est passé, en gros.
Samedi, au premier jour de la rébellion, il ne s'est rien passé, sauf que la base de Blida était théoriquement placée sous les ordres de Challe. C'est le dimanche soir, après le discours de Charles, que l'on s'est tous réunis sur le terre-plein de la base avec tous les sous-officiers appelés et une partie des sous-officiers de carrière. On était près de 3000 hommes, on a tenu un meeting. Et décidé d'empêcher les décollages d'avions avec les paras, tout ça sans les officiers. Dans le contre-temps un commandant de chez nous avait introduit un commandant para et deux camions de paras.
Alors, sans hésitation, on est descendu chez le colon, Marseillaise en tête, sans armes, nous avons exigé la sortie des paras. Au bout d'une heure de manifestations, nous avons sorti les quatre officiers paras. Ensuite, nous avons invité les parachutistes dans les camions à vider les lieux, la plupart étaient des appelés comme nous. Ils sont tous sortis. Toute la nuit on a organisé des tours de veille, ils ne sont pas revenus de la nuit.
Le lundi, la moitié des officiers se sont mis avec nous et ont organisé la défense. Lundi, à 3 h de l'après-midi, les parachutistes nous ont encerclés. Il y avait devant nous près de trente camions de paras. Le plus dur c'est que c'était des appelés comme nous. Ils ne pouvaient rien faire chez eux. La discipline est très dure, en plus, ils étaient encadrés par les bérets verts de la légion. Eux ne badinent pas. Enfin, après trois heures de discussions avec le commandant Kubasiak - notre commandant de bataillon qui avait pris la place du colon car lui avait peur - les paras sont repartis.
La nuit nous avons organisé la défense, mais il ne s'est rien passé.
Le mardi tout est resté calme aussi. Nous étions toujours à nos postes, appuyés par 80 half-track et 15 GMC avec mitrailleuse légère, bazooka et mortier. […] La nuit de mardi à mercredi a été mouvementée. Les paras de la légion nous avaient encerclés et ils se demandaient comment ils allaient prendre la base, car défendue comme elle était, c'était impossible. Toute la nuit, les chasseurs T6 ont survolé les légionnaires en lançant les fusées éclairantes, mais voyant que la base était imprenable ils ont renoncé à 3 h du matin. Après l'annonce de la reddition des généraux, cela faisait quatre jours que je passais dehors avec mes camarades, en ne dormant que quelques heures. Je suis fourbu mais s'il avait fallu tenir encore longtemps, on aurait tenu.
Nous étions bien décidés à ne pas les laisser s'emparer de la base. Ce matin, un piquet de garde était au poste de police et tous les officiers et sous-officiers qui étaient sur la bascule - et qui n'ont pas participé à la défense - étaient sommés de retourner chez eux à Blida. Dans les heures à venir, ils vont se retrouver en prison. […]
Je vous ai raconté ce qui s'est passé exactement.[…] C'était magnifique, l'élan qu'il y a eu. […] Bon c'est fini maintenant, le cauchemar est terminé et très bien terminé. J'ai bien pensé à vous tous, c'était notre devoir à tous. Je vous quitte donc en attendant patiemment du courrier.
Bons baisers à tous, papa, maman et frère, sans oublier André.
Votre fils. »
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