Frédéric Brognara connaît bien le continent africain pour y avoir travaillé pour de grosses compagnies hôtelières en tant qu’ingénieur maintenance bâtiment et pour de nombreux États en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie et Maroc) et aussi en Afrique noire (Cameroun, Tchad, Guinée-Conakry, RDC et Congo). Il livre son témoignage et son expérience vécue dans ces pays dans lesquels, fier de représenter la France, il s’est trouvé accueilli.
En Afrique, y a-t il une tolérance pour les immigrés illégaux ?
La réponse est très simple : dans tous les pays que nous venons de citer, si vous n’êtes pas en règle, c’est la prison, puis l’expulsion. Dans mon cas, j’ai été incarcéré deux jours puis intimidé (au Cameroun) alors que j’étais en règle.
Comment sont gérées les manifestations d’opposants au régime ?
Dans les pays que je connais, l’armée intervient dans l’heure qui suit et tire dans la foule. C’est ce que j’ai vu au Congo RDC et au Cameroun.
En Algérie, des hommes en civil enlèvent les meneurs de la manif, dans un véhicule banalisé, ils sont incarcérés et mis hors d’état de nuire. En Tunisie également…
Dans tous ces pays, lors des manifestations, les réseaux sociaux sont coupés, de sorte que personne ne puisse communiquer les images.
Que diriez-vous de la délinquance ?
J’en ai été le témoin : au Cameroun, le tabassage et la torture sont de mise ; au Nigeria, c’est le lynchage et le barbecue : la personne est attachée dans un pneu avec de l’essence à l’intérieur, la foule y met le feu et on le laisse brûler dans la rue !
Alors qu’en France, ce sont les policiers qui sont brûlés dans la rue par les voyous…
En Algérie, en 2016, j’ai parlé avec une autorité (un waly, équivalent du préfet en France), qui m’a confirmé que les voyous sont passés à tabac, jetés en prison pour un minimum de deux ans. Elle m’a même dit : « Les voyous algériens qui sont en France, gardez-les, nous n’en voulons pas chez nous… »
Peut-on parler d’un racisme, en Afrique ?
J’ai découvert, dans ces pays, avec stupeur, un racisme notoire qui ne gêne pas grand monde… Pour vous donner un exemple, en 2015, j’étais patron d’un gros service dans une filiale de la SONATRACH, en Algérie. J’ai essayé d’embaucher un ingénieur congolais, mais la responsable des ressources humaines m’a envoyé un mail en me disant : « Pas de nègres (sic) chez nous, CV refusé ! »
Ne parlons pas, non plus, des conflits interethniques au Cameroun, un pays qui compte plus de 200 ethnies. Au Congo, c’est un conflit ethnique qui a causé la guerre du Kivu. Celle-ci a fait plus de 6.000.000 de morts en un peu plus de vingt ans.
Parlez-nous de l’Algérie : comment les Algériens d’aujourd’hui perçoivent-ils la France ?
Je vous confirme, pour l’avoir vu entre 2015 et 2017 où j’habitais là-bas, et c’est encore le cas, que tous les jours, sur la chaîne algérienne d’État, Canal Algérie, dans l’émission « Mémoire de l’Algérie », sont diffusés vers 15 h des reportages antifrançais pro-FLN avec des documents des années 50 et 60 montrant des Français torturant des Algériens. Le but est d’entretenir les jeunes Algériens dans une haine des Français qui doivent être perçus comme des pilleurs, des profiteurs et des esclavagistes responsables de la situation conjoncturelle économique actuelle sans, bien sûr, leur apprendre l’histoire de leur pays. Je pense que c’est une stratégie du gouvernement algérien qui est faite pour masquer son incompétence à diriger le pays.
Le gros problème, aujourd’hui, c’est que la nouvelle génération d’Algériens ne connaît pas son histoire. Or, l’Algérie a été colonisée par les Ottomans, par les Romains, par les Espagnols et par les Français. Et les jeunes Algériens ne connaissent que la colonie française qu’ils appellent « l’occupation française ». La raison, pour eux, de détester les Français mais aussi les immigrés algériens vivant en France.
En revanche, la génération des gens de 80 ans regrette amèrement la présence française.
Je suis fatigué d’entendre sur certains plateaux télé qu’on étiquette la France comme raciste. C’est la raison pour laquelle je vous ai fait un récit factuel et honnête avec ma vision des choses dans les pays dans lesquels j’ai vécu.
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