Livre
Déflagration des sens. Roman de Karim Akouche. Editions Frantz Fanon, Alger 2021, 213 pages, 700 dinars.
Pour le supporter, il faut déjà le connaître et avoir lu ou vu ses productions. Intenable, mais... il vous réconcilie avec votre «moi» profond, celui qui n'ose jamais entièrement s'exprimer ou dire ou même (ceci dit pour les plus «allumés»), faire.
Kamal Storah alias Kâmal Sûtra (!?), 40 ans, nous raconte sa vie. Sa vie en Algérie, sa vie en France, sa vie privée et publique et, surtout sa vie intérieure. La vie d'un homme «en colère» ! Un homme «cinglé» mais libre !
Journaliste de formation (rapidement au chômage car ne supportant pas la «censure» imposée par le système et les patrons), artiste, poète aussi et, heureusement, gamin «libre» (père exilé en France et ayant oublié la famille d'origine) et jeune homme insupportable plein d'expériences sur le terrain, il acquiert un fourgon de transports publics grâce à un prêt de l'Etat. Il est assez vite «sur les jantes» faute de clientèle suffisante et le trop-plein de transporteurs. Une idée lui traverse l'esprit (un esprit déjà très «travaillé» par le sexe et un corps par la boisson alcoolisée et la zetla) : transformer son minibus en... «bordel». Dénoncé par un indic (le tôlier à qui il avait confié l'aménagement du véhicule), il est assez vite poursuivi par la police. Il fuit vers le Sud...
Et, c'est au cours de ce long voyage en solitaire qu'il se raconte... sa vie. Force détails : son enfance, sa jeunesse, sa famille, les mauvais «coups», les coups louches, la misère, les espoirs, ses lectures, les envies, l'exil, les rencontres, les amours, les échecs, les trahisons, la religion, le terrorisme islamiste,... un mélange indescriptible et incroyable d'événements et d'aventures pimenté par un vocabulaire très, très épicé et des formules chocs... mais un récit linéaire clair et bien construit, ce qui vous pousse à le lire avec plaisir (sic !) mais aussi avec curiosité tant cela va très, très vite. Des confessions plus qu'intimes qui, à un certain moment, s'emparent de vous car, quelque part, elles vous appartiennent aussi.
L'Auteur : Né en Algérie («quelque part» en en Kabylie) en 1978, ingénieur de formation, romancier, poète, dramaturge, journaliste-chroniqueur... Un mélange de Kerouac et Boris Vian... Déjà plusieurs ouvrages édités au Canada et en Algérie (dont deux romans : «Allah au pays des enfants perdus» en 2016 - voir Mediatic 26 mai 2016 et «La religion de ma mère» en 2017- voir Médiatic du 25 mai 2017, un conte : «J'épouserai le Petit Prince» en 2016, - voir Mediatic du 31 octobre 2018 et un essai : «Lettre à un soldat d'Allah. Chroniques d'un monde désorienté» en 2018, adapté et joué au Festival d'Avignon la même année). Participe régulièrement aux rencontres littéraires à l'étranger et en Algérie (où il a même, en certains moments (mars 2017 et avril 2016) été l'objet (et auteur ?) d'une polémique.
Extraits : «Dans les moments difficiles, il n'y a pas d'ami qui tienne. Ne me fais pas confiance, regarde mes canines... Je suis un ogre, je boirais ton sang» (p 14), «Tant d'ordres et d'interdits entassés dans mon sang et ma graisse... Je suis à la fois lourd et vide. J'ai un diable au corps et un idiot dans le cerveau. Je suis un peu ange un peu démon, un peu singe un peu fruit, un peu savant, un peu ignare» (p 27), «Les gens ne comptent pas leurs liasses de billets, ils les déposent sur des balances. Ils ne les converstisent pas dans les banques, mais sous la table, sur les trottoirs» (p 40), «Je suis un rescapé de l'école algérienne... J'aurais pu devenir djihadiste. Le système éducatif nous a inculqué toutes sortes d'énormités.
On nous a appris à nous moquer des autres religions, à rabaisser la femme, à mépriser les homosexuels, les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, les athées, les mécréants...» (p90), «Cesse de renier ton passé, camarade. Moi, j'assume mon nectar d'hier comme ma merde de jadis» (p 94) ; «La ânes de notre pays sont les grands oubliés de la mémoire collective. Sans eux, nombre de nos villages n'auraient pas existé. L'Indépendance aussi. Ils transportaient de tout, des armes, des vivres et des soldats» (p110), «Le folklore mène notre peuple à travers le brouillard de l'Histoire. Nous sommes la liberté qui nargue l'ancrage, les oiseaux orphelins des grands récits, l'espace étouffé par les tabous, des culs entre plusieurs rochers, des couilles pleines suspendues aux mirages.
Nous étions romains avant d'être algériens, grecs avant d'être turcs, terres avant d'être berbères» (p 193), «Regarde ce briquet, il a deux parties, le bas alimente le haut. C'est comme l'Algérie, c'est le Sud qui nourrit le Nord. Une fois le gaz consommé, (...) le briquet ne sert plus à rien, même pas au recyclage» (p206)
Avis : Pour ne pas changer, la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, même la plus crue, la plus crasse... de celle qui «pique» les langues et les oreilles ; des phrases et des mots qui «piquent» les langues et les oreilles. Une «bombe littéraire» (Kader B. Le Soir d'Algérie)... il n'a pas tort. Attention donc aux éclats !
Citations : «L'histoire qu'on a écrite à la place du peuple est une imposture» (p29), «L'être humain est une machine compliquée, ce n'est pas un rat de laboratoire. Il navigue sans cesse entre le besoin, le désir et la dépression» (p 34),«Pour vivre dans ce pays, il faut être salafiste, tout le temps soûl, berger, fou, zombie ou diable (p 40). «Oser est le verbe-roi à inscrire sur le front des hommes... Oser quelque chose, oser tout le temps, oser nuit et jour. Oser la liberté, la liberté libre, la liberté qui sert la cité et non celle qui sert le temple. Oser la justice, la justice juste, pas la justice suspecte, pas celle qui profite aux galonnés» (p 69), «La pâte (dentifrice) fait briller les dents, mais ça n'enlève pas les caries» (p 99), «Quoi que l'on fasse, on en cessera de porter le cadavre de l'enfant que l'on a été» (p111), «La France est trouée, camarade.
Ça tire dans tous les sens : vers le bas, vers le haut, vers la banque, vers Pétain, vers de Gaulle, vers Robespierre, vers la Mecque, vers le Vatican, vers Marianne... Il y a plusieurs France... Celle de la République et celle de ses territoires perdus, celle de la racaille et celle de la flicaille, celle des privilégiés et celle des laissés-pour-compte, celles des bougres et celle des pignoufs» (pp 139-140), «La salive, ce n'est que de l'eau ; les insultes, des paroles ; les épreuves, seulement des gués pour atteindre un autre bord, plus haut, plus prometteur, plus ensoleillé» (p 189).
Pour le supporter, il faut déjà le connaître et avoir lu ou vu ses productions. Intenable, mais... il vous réconcilie avec votre «moi» profond, celui qui n'ose jamais entièrement s'exprimer ou dire ou même (ceci dit pour les plus «allumés»), faire.
Kamal Storah alias Kâmal Sûtra (!?), 40 ans, nous raconte sa vie. Sa vie en Algérie, sa vie en France, sa vie privée et publique et, surtout sa vie intérieure. La vie d'un homme «en colère» ! Un homme «cinglé» mais libre !
Journaliste de formation (rapidement au chômage car ne supportant pas la «censure» imposée par le système et les patrons), artiste, poète aussi et, heureusement, gamin «libre» (père exilé en France et ayant oublié la famille d'origine) et jeune homme insupportable plein d'expériences sur le terrain, il acquiert un fourgon de transports publics grâce à un prêt de l'Etat. Il est assez vite «sur les jantes» faute de clientèle suffisante et le trop-plein de transporteurs. Une idée lui traverse l'esprit (un esprit déjà très «travaillé» par le sexe et un corps par la boisson alcoolisée et la zetla) : transformer son minibus en... «bordel». Dénoncé par un indic (le tôlier à qui il avait confié l'aménagement du véhicule), il est assez vite poursuivi par la police. Il fuit vers le Sud...
Et, c'est au cours de ce long voyage en solitaire qu'il se raconte... sa vie. Force détails : son enfance, sa jeunesse, sa famille, les mauvais «coups», les coups louches, la misère, les espoirs, ses lectures, les envies, l'exil, les rencontres, les amours, les échecs, les trahisons, la religion, le terrorisme islamiste,... un mélange indescriptible et incroyable d'événements et d'aventures pimenté par un vocabulaire très, très épicé et des formules chocs... mais un récit linéaire clair et bien construit, ce qui vous pousse à le lire avec plaisir (sic !) mais aussi avec curiosité tant cela va très, très vite. Des confessions plus qu'intimes qui, à un certain moment, s'emparent de vous car, quelque part, elles vous appartiennent aussi.
L'Auteur : Né en Algérie («quelque part» en en Kabylie) en 1978, ingénieur de formation, romancier, poète, dramaturge, journaliste-chroniqueur... Un mélange de Kerouac et Boris Vian... Déjà plusieurs ouvrages édités au Canada et en Algérie (dont deux romans : «Allah au pays des enfants perdus» en 2016 - voir Mediatic 26 mai 2016 et «La religion de ma mère» en 2017- voir Médiatic du 25 mai 2017, un conte : «J'épouserai le Petit Prince» en 2016, - voir Mediatic du 31 octobre 2018 et un essai : «Lettre à un soldat d'Allah. Chroniques d'un monde désorienté» en 2018, adapté et joué au Festival d'Avignon la même année). Participe régulièrement aux rencontres littéraires à l'étranger et en Algérie (où il a même, en certains moments (mars 2017 et avril 2016) été l'objet (et auteur ?) d'une polémique.
Extraits : «Dans les moments difficiles, il n'y a pas d'ami qui tienne. Ne me fais pas confiance, regarde mes canines... Je suis un ogre, je boirais ton sang» (p 14), «Tant d'ordres et d'interdits entassés dans mon sang et ma graisse... Je suis à la fois lourd et vide. J'ai un diable au corps et un idiot dans le cerveau. Je suis un peu ange un peu démon, un peu singe un peu fruit, un peu savant, un peu ignare» (p 27), «Les gens ne comptent pas leurs liasses de billets, ils les déposent sur des balances. Ils ne les converstisent pas dans les banques, mais sous la table, sur les trottoirs» (p 40), «Je suis un rescapé de l'école algérienne... J'aurais pu devenir djihadiste. Le système éducatif nous a inculqué toutes sortes d'énormités.
On nous a appris à nous moquer des autres religions, à rabaisser la femme, à mépriser les homosexuels, les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, les athées, les mécréants...» (p90), «Cesse de renier ton passé, camarade. Moi, j'assume mon nectar d'hier comme ma merde de jadis» (p 94) ; «La ânes de notre pays sont les grands oubliés de la mémoire collective. Sans eux, nombre de nos villages n'auraient pas existé. L'Indépendance aussi. Ils transportaient de tout, des armes, des vivres et des soldats» (p110), «Le folklore mène notre peuple à travers le brouillard de l'Histoire. Nous sommes la liberté qui nargue l'ancrage, les oiseaux orphelins des grands récits, l'espace étouffé par les tabous, des culs entre plusieurs rochers, des couilles pleines suspendues aux mirages.
Nous étions romains avant d'être algériens, grecs avant d'être turcs, terres avant d'être berbères» (p 193), «Regarde ce briquet, il a deux parties, le bas alimente le haut. C'est comme l'Algérie, c'est le Sud qui nourrit le Nord. Une fois le gaz consommé, (...) le briquet ne sert plus à rien, même pas au recyclage» (p206)
Avis : Pour ne pas changer, la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, même la plus crue, la plus crasse... de celle qui «pique» les langues et les oreilles ; des phrases et des mots qui «piquent» les langues et les oreilles. Une «bombe littéraire» (Kader B. Le Soir d'Algérie)... il n'a pas tort. Attention donc aux éclats !
Citations : «L'histoire qu'on a écrite à la place du peuple est une imposture» (p29), «L'être humain est une machine compliquée, ce n'est pas un rat de laboratoire. Il navigue sans cesse entre le besoin, le désir et la dépression» (p 34),«Pour vivre dans ce pays, il faut être salafiste, tout le temps soûl, berger, fou, zombie ou diable (p 40). «Oser est le verbe-roi à inscrire sur le front des hommes... Oser quelque chose, oser tout le temps, oser nuit et jour. Oser la liberté, la liberté libre, la liberté qui sert la cité et non celle qui sert le temple. Oser la justice, la justice juste, pas la justice suspecte, pas celle qui profite aux galonnés» (p 69), «La pâte (dentifrice) fait briller les dents, mais ça n'enlève pas les caries» (p 99), «Quoi que l'on fasse, on en cessera de porter le cadavre de l'enfant que l'on a été» (p111), «La France est trouée, camarade.
Ça tire dans tous les sens : vers le bas, vers le haut, vers la banque, vers Pétain, vers de Gaulle, vers Robespierre, vers la Mecque, vers le Vatican, vers Marianne... Il y a plusieurs France... Celle de la République et celle de ses territoires perdus, celle de la racaille et celle de la flicaille, celle des privilégiés et celle des laissés-pour-compte, celles des bougres et celle des pignoufs» (pp 139-140), «La salive, ce n'est que de l'eau ; les insultes, des paroles ; les épreuves, seulement des gués pour atteindre un autre bord, plus haut, plus prometteur, plus ensoleillé» (p 189).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5299505
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