Le premier élément qui mérite d’être signalé concernant Amar Oukil est que bien qu’ayant milité au sein de l’Organisation clandestine du FLN (OCFLN) en France, pendant la révolution, le statut de Moudjahid ne lui a jamais été reconnu.
Pourtant, il suffit d’écouter son premier titre « Cmen di fir bu urfan » (*), traduit ci-après, pour déceler le patriotisme sous-jacent et sans ambiguïté de son auteur, avec des phrases clefs comme « partout le combat est acharné » intelligemment glissée au beau milieu des strophes de cette chanson aux allures d’innocentes « ch’tiḥ r’diḥ ». D’ailleurs, pendant longtemps, il était interdit de certaines radios, étant soupçonné, à juste titre, de nationaliste.
Né en 1932 à Bounouh (Draâ El-Mizan) Oukil Amar choisit l’exil en 1956 où il se soumet, comme la plupart des chanteurs de l’époque, aux dures conditions d’ouvrier. Se découvrant une vocation de chanteur, il enregistre son premier succès « Cman di fir bu urfan » à la fin des années 1950. Un tube et un refrain qui ont marqué toute la génération pré-et-post-indépendance.
Dans les années 1960, les succès s’enchainent sur les ondes de la chaine 3 de la radio algérienne : « Louiza », « Aman uzaɣar », « Ya taleb yeɣran », etc.
Comme tout émigré, à l’indépendance, il partage sa vie entre la France et des séjours au pays. Ce n’est que dans les années 1980 qu’il décide de rejoindre les siens et de rentrer pour de bon.
Terrassé par un AVC, début 2012, il est hospitalisé à Paris avant d’être rapatrié et admis à l’hôpital Aïn-Naâdja d’Alger pour des soins intensifs.
Malheureusement, des séquelles irréversibles le handicapent d’une terrible extinction de voix, ne s’exprimant que par des gestes avec ses proches.
Rajouté à ce malheur, lui qui a rendu hommage à la révolution et milité au sein de l’OCFLN, il ne doit sa subsistance qu’à une maigre pension attribuée par la caisse de retraite Française, pendant que les terrés aux frontières se partagent les milliards !
Récemment, début janvier 2021, une délégation d’officiels locaux accompagnés d’une équipe de tournage vidéo lui a rendu visite chez lui à Bounouh (**).
Il est important de rendre hommage aux étoiles de cette stature de leur vivant pour leur témoigner un tant soit peu de reconnaissance, leur faire savoir que nous ne les oublions pas, et qu’ils font partie d’un patrimoine qui se transmettra au-delà des siècles et des générations.
« Cman di fir bu urfan », Le train de fureur rugissant
Le train de fureur rugissant
À grande vitesse se déplaçant
Vers la ville sa destination
Il roule en bruissant
Pour porter les nouvelles
À ceux qui sont en exil
Emblème enlaçant la lune
Sous des pluies déchaînées
Partout le combat est acharné
Perdrix par le lapin apprivoisée
La buse en témoin
Le vautour en gardien de la cour
La biche est sortie se balader
En chevillière argentée
Vers la fontaine elle suit le sentier
Oh chance maudite
Qui m’a d’elle séparé
Sept ans comme si ce n’était pas assez
Moi je suis à Paris
Eh oui à Paris
Dans les usines simple ouvrier
Les repas chez le cafetier
Tout cela à crédit
Et refuge sous les celliers
Oh Dieu sois indulgent
Edulcore les cœurs
Et allège tous nos tourments
https://www.lematindalgerie.com/amar-oukil-entre-talent-et-destin-tragique
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