ILS NOUS ONT CLAQUÉ LA PORTE AU NEZ !
Nous avons fui les larmes et les souffrances,
Quitté la terre et la demeure,
Laissé des proches, fait nos adieux.
Laissé les nôtres et pris congé.
Nous nous sommes rendus en pays étrangers,
Pour demander secours, sécurité.
Et ils nous ont claqué la porte au nez !
Ils nous ont dit : « Dormez sur les épines ! »
Ils nous ont dit : « Retournez donc à vos chagrins et à vos peurs ! »
Du matin au soir, la blessure a duré.
Et voilà qu’elle s’est même dédoublée :
Comment revenir là-bas
Quand tant de jours, de mois, d’années se sont ici déjà écoulés ?
Jusqu’à tout oublier. Jusqu’à même éteindre les flammes de la nostalgie !
LA LIBERTÉ M’A ÉGARÉ
J’ai choisi une terre qui n’est pas la mienne.
Je me suis empressé d’y semer mon sang.
J’ai voulu l’arroser, elle ne s’est pas irriguée.
J’ai voulu la semer, elle ne m’a rien donné.
On me l’a dit, pourtant : « Ce qui n’est pas à toi t’épuisera ! »
Oui, on me l’a bien dit et répété : « Pars ! Retourne dans ton pays ! »
On m’avait pourtant dit : « C’est le pays de la liberté ! »
Il m’a fait perdre et ma fortune et ma valeur,
Et avant tout le cœur précieux de ma petite mère.
On m’avait dit : « C’est le pays de la liberté ! »
Là où mon souffle s’est coupé. Là où la folie m’a saisi.
Le psychiatre est devenu mon médecin.
On m’avait dit : « C’est le pays de la liberté ! »
On y trouve il est vrai le gentil, à la parole de miel
Qui ranime l’âme et qui la soigne.
Dans l’exil il est proche, comme s’il faisait partie des miens.
De toute ma vie je n’oublierai son bienfait.
Mais il y a aussi, et surtout, celui dont la parole est un venin,
Et le regard une flèche assassine.
Que Dieu lui vienne en aide, le pauvre !
Je ne suis qu’un étranger ! D’où est-ce qu’il me connaît ?
Hélas ! J’ai franchi les limites,
J’ai voulu obtenir quelques droits dans son pays.
Et tant d’efforts dépensés pour y arriver !
Seul Dieu est invincible !
Je ne suis pas venu pour profiter,
Je ne suis là que pour connaître la paix, et vivre en liberté.
Trop de paroles envahissent ma tête !
Celui-ci doute de mon allure.
Pour celui-là, mon apparence lui déplaît.
Et l’autre encore qui dit que je ne suis pas intégré !
Moi je réplique : « Malheur à moi, cela est grave ! »
Par Dieu, ils ne me connaissent pas.
Qu’ils ne s’en prennent qu’à eux-mêmes, mais pas à moi.
Que celui qui a dit que je ne suis pas intégré
M’explique ce que veut dire ce mot d’"intégré".
J’ai pourtant fait l’impossible, appris une langue qui n’était pas la mienne,
Pour que je te comprenne et que tu fasses de même.
Depuis mon arrivée, je n’ai cessé de batailler.
Je travaille là où le destin m’a finalement placé.
Je me plie à tes injonctions, je fais tout ce qu’il faut pour te rejoindre.
Tu me rejettes non pour ce que je suis, mais pour ma peau !
As-tu choisi de naître blanc ?
Moi je n’ai pas choisi. Si je suis noir, je me blanchis peut-être de l’intérieur,
Mais ne me fais pas le reproche incessant d’être ce que je suis !
25 janvier 2020
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