Alors que le chef de l’Etat a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » en 2017, le premier ministre fustige, pour sa part, toute repentance en la matière.
Le macronisme a parcouru du chemin en trois ans. Alors qu’Emmanuel Macron avait créé la polémique pendant la campagne présidentielle de 2017 pour avoir qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », son premier ministre, Jean Castex, fustige pour sa part toute repentance en la matière. C’est en tout cas ce qu’il a affirmé, dimanche 1er novembre, au journal de 20 heures de TF1, au moment d’aborder la question de la lutte contre le terrorisme islamiste.
« Je veux dénoncer toutes les compromissions qu’il y a eues pendant trop d’années, les justifications à cet islamisme radical : nous devrions nous autoflageller, regretter la colonisation, je ne sais quoi encore, a déploré M. Castex. La première façon de gagner une guerre, c’est que la communauté nationale soit soudée, soit unie, soit fière. Fière de nos racines, de notre identité, de notre République, de notre liberté. Il faut gagner le combat idéologique. »
Interrogée à ce sujet lundi matin, sur LCI, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a pris ses distances avec les déclarations du chef du gouvernement. « Je ne vais pas commenter cette phrase. Je me réfère à la phrase qu’a eue Emmanuel Macron sur la colonisation, et que je partage », a assuré Mme Bachelot.
« Propos maladroits »
Le candidat à l’élection présidentielle avait déclaré à l’occasion d’un déplacement en Algérie, en février 2017 : « C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. » Des propos qui avaient choqué à droite et à l’extrême droite, ainsi que dans la communauté pied-noir.
Une fois devenu chef de l’Etat, M. Macron a maintenu sa position sur le fond – à défaut de la forme – en qualifiant le passé colonial de la France de « faute de la République » lors d’un déplacement en Côte d’Ivoire, en décembre 2019.
Soucieux de tourner cette page, le locataire de l’Elysée a confié à l’historien Benjamin Stora une mission sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, dont les conclusions doivent être rendues d’ici fin novembre. « Nous sommes un pays qui a un passé colonial et qui a des traumatismes qu’il n’a toujours pas réglés. La guerre d’Algérie en fait partie », estimait M. Macron, le 2 octobre, lors de son discours des Mureaux (Yvelines) consacré aux séparatismes.
Sous couvert d’anonymat, un député de la majorité s’agace des « propos maladroits » de Jean Castex, « aux antipodes de ce qu’on est, du progressisme ». « Bientôt on va assumer sur les plateaux d’être Algérie française », grince cet élu. « Il n’a pas dit qu’il ne fallait pas regretter la colonisation. Il dit que l’islamisme radical ne peut se justifier par la colonisation », réplique une proche de M. Castex, qui dénonce pour sa part un « faux procès ».
Par Olivier Faye
https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/11/03/sur-la-memoire-de-la-colonisation-jean-castex-loin-de-la-position-d-emmanuel-macron_6058311_823448.html
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