Après Les Enténébrés, Sarah Chiche revient avec un nouveau roman Saturne, dans lequel elle livre un récit mélancolique, un roman du crépuscule d'un monde, de l'épreuve de nos deuils et d'une maladie qui fut une damnation avant d'être une chance. Saturne est aussi une grande histoire d'amour : celle d'une enfant qui aurait dû mourir, mais qui est devenue écrivaine parce qu’une nuit, elle en avait fait la promesse au fantôme de son père.
Extraits de l'entretien
Au fond, depuis l’enfance, j’étais requise par ce livre. Il était toujours déjà là, mais toujours déjà caché, et il était fort probable que je ne l’écrive jamais. Et puis, les accidents de la vie, les rencontres, en l’occurrence la rencontre d’une femme à Genève un jour de mai 2019, ont fait que je me suis senti assignée à nouveau par cette rencontre, et m’est revenue la promesse que j’avais faite au fantôme de mon père, dans la solitude de mes nuits d’enfance, de raconter tout cela : raconter ces mondes perdus, la guerre d’Algérie, l’histoire de deux frères qui se sont aimés et qui se sont haïs, l’histoire d’une femme fantôme, qui surgit, et qui va happer un des deux frères, pour le faire vivre, mais aussi, pour le faire mourir. E puis, je devais aussi raconter ce que c’est qu’une enfance endeuillée. Il y a assez peu de livres qui parlent du deuil dans l’enfance, on entend peu cette voix-là, et c’est celle que je voulais faire entendre dans la seconde partie du texte. Sarah Chiche
Lors de mes précédents livres, je tournais autour du trou, mais là, s’y suis allée dans cette urne, j’ai décidé d’écrire dans la tombe, depuis la tombe, et consentir soi-même à être la tombe, le réceptacle et le cadavre de tous ces mondes perdus, et de tous ces personnages. Sarah Chiche
Quand vous grandissez entouré de fantômes, quand une des deux personnes qui vous a donné le jour est repartie dans la nuit, et que vous ne vous souvenez pas l’avoir vue, ni vivante, ni morte, il en résulte un certain sentiment d’étrangeté au monde qui n’empêche pas la joie, ni les grands bonheurs de l’enfance, mais qui tout de même est là, et tapisse de nuit tout ce que vous regardez. Cela modifie votre façon d’être dans le monde, et je crois que cela crée les conditions d’une écriture : une écriture qui admet la nuit, qui ne refuse pas l’obscur, et c’est ce que je voulais raconter sur la mélancolie.(…) On ne fait pas son deuil, c’est une expression abominable, mais on fait avec le deuil, et on est fait par le deuil. Certains s’en remettent, mais il arrive que d’autres se laissent mourir avec leur mort, dans leur mort, et n’en reviennent pas. Et puis certains en reviennent, mais demeure en eux, une béance, un blanc. Sarah Chiche
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