AGUENI N TIZI CULMINE À PLUS DE 1300 M D’ALTITUDE
Loin du brouhaha des voitures, du stress de la ville, du poids du confinement, la montagne garantit la détente et assure le calme. Agueni n Tizi s’est transformé depuis pour trouver sa véritable vocation : un lieu de détente.
Ni les aléas suscités par la pandémie de coronavirus et encore moins l’effroi qu’elle a provoqué au sein de la population locale n’ont empêché des jeunes de penser à pallier le manque criant de loisirs dans leur région. Avec un respect drastique des gestes barrières, des jeunes du village Ath Aziz (commune d’Illulen Umalu, wilaya de Tizi Ouzou) ont trouvé la “parade” contre le confinement.
C’est à Agueni n Tizi, au sommet d’une montagne culminant à plus de 1 300 m d’altitude, qu’ils ont déniché leur nid douillet, leur coin de paradis. Situé à équidistance entre Tizi Ouzou et Béjaïa (sur les hauteurs d’Ichelladen vers Illulen Oussamar), ce haut lieu d’histoire accueille depuis le début de l’été des centaines de familles. Gérés bénévolement et exclusivement par des jeunes du village d’Ath Aziz, des aires de jeux, un stade, un parking, des cafétérias, un restaurant et des gargotes animent cet endroit.
Lieu de loisirs par excellence, la montagne se ranime et se repeuple depuis que la verdure a pris la place des congères qui obstruent en hiver la seule et unique route qui relie les Ath Yellilten à Illulen, à Ath Ziki, à Akbou et à Ighzer Amokrane. Ingénieuse idée que de transformer un lieu presque perdu d’une montagne en un endroit de divertissement, de repos et de quiétude.
Simple et efficace organisation, le lieu est ouvert quotidiennement depuis 16h jusqu’à la tombée de la nuit. Agueni n Tizi s’est transformé depuis pour trouver sa véritable vocation : un lieu de détente. Loin du brouhaha des voitures, du stress de la ville, du poids du confinement, la montagne garantit la détente et assure le calme.
Dominant la région, la vue imprenable sur les villages de la région offre cette image de maisonnettes accrochées bravement au flanc d’une montagne qui les assure de sa présence. Le tableau s’assombrit au fur et à mesure que le crépuscule s’affirme pour rendre le spectacle encore plus vif, plus pétillant et somptueusement coloré. Un décor sublime qui ne capte que les rêveurs dont les songes ne s’estompent que pour méditer sur les cimes d’un mont envoûtant de douceur.
Un haut lieu d’histoire
Sur place, les familles qui y viennent ne se contentent pas uniquement de l’air pur, de la fraîcheur et de la détente que la montagne offre et garantit aux estivants pour montrer sa clémence, sa beauté et sa bonté. Elle accueille ses hôtes avec une splendide stèle érigée à la mémoire des martyrs morts pour l’indépendance en août 1957.
La stèle, faite en une superbe configuration de la lettre “z” de l’alphabet tifinagh (aza) entourant l’Algérie représentée par une carte géographique, résume scrupuleusement et dignement le combat qui était celui des martyrs de la guerre de Libération. Près de 60 ans après l’aboutissement du combat libérateur, le projet pour une “Algérie meilleure” ne l’est, hélas, toujours pas !
Le lieu fait ainsi remémorer aux passants qu’il était le théâtre, mais aussi le témoin de combats et de luttes durant la guerre de Libération. La stèle érigée en 1999 à la mémoire des dizaines de martyrs tombés au champ d’honneur durant la révolution de Novembre convie les mémoires à se réapproprier cette page de notre histoire et les implore de garder le souvenir.
Au-dessous de la stèle, une plaque commémorative rappelle qu’en août 1957 l’armée coloniale avait interné des centaines de personnes dans des conditions inhumaines. Elle rappelle que “les internés ont subi les pires exactions et le génocide”.
Avec des dizaines de victimes, ce lieu, témoin de la sauvagerie coloniale, accueille aujourd’hui dans la joie, la bienveillance et la fierté enfants et petits-enfants de ceux qui avaient consenti le sacrifice suprême pour que ce même lieu trouve une autre vocation que celle d’un pénitencier à ciel ouvert. Témoin de notre histoire, Agueni n Tizi est ce symbole de résistance et d’engagement de cette région pour la libération du pays.
Faut-il rappeler que les deux communes Ath Yellilten et Illulen Umalu sont parmi les premières communes révolutionnaires nationales. Avec plusieurs centaines de martyrs, Ath Yellilten et Illulen Umalu scrutent fièrement le passé de leurs aïeuls pour oublier que l’Algérie indépendante les a presque abandonnées. Mis à part ce que la nature assure comme potentialités et avantages à la région, aucune infrastructure publique n’est érigée depuis l’indépendance. Ironie du sort !
Sérénité et confiance
Il est presque 16h lorsqu’une file interminable de voitures bouche la route pour accéder au parking. Sur place, trois jeunes s’affairent à organiser le trafic et à éviter les embouteillages. Entre-temps, des jeunes filles et de jeunes garçons enfilent leurs tee-shirts noirs. Ce sont les bénévoles. Après avoir scrupuleusement inspecté le lieu, ils l’ouvrent au public.
“Nous inspectons le lieu avant chaque ouverture et après chaque fermeture”, disent-ils, ajoutant que le même lieu est nettoyé quotidiennement. Les seules exigences : la distanciation physique et le port de la bavette. Djoudjou, jeune fille du village Ath Aziz, bénévole presque à plein temps en cette saison estivale, est chargée de s’occuper des familles.
Plaisante et amène, elle remplit d’un brin d’enchantement ceux qui l’apostrophent qui pour des tickets de jeux pour enfants, qui pour choisir le meilleur lieu de pique-nique ou l’endroit favori pour “se tirer le portrait”. Elle est la conseillère et la cheffe d’équipe. Entourée d’une dizaine de jeunes, ces derniers sont chargés quant à eux de la sécurité.
La présence de ces jeunes filles parmi les jeunes d’Ath Aziz réconforte. Djoudjou s’affaire ici et là pour assurer bien-être et quiétude aux familles qui y arrivent. Elle se met souvent en quatre pour assurer sa mission. “Nous recevons parfois plus d’une centaine de familles par jour”, assure-t-elle, non sans fierté d’avoir offert des moments magiques, notamment aux personnes âgées restées cloîtrées des semaines durant. Amokrane Sadouki, l’initiateur du projet, ne regrette surtout pas d’avoir convaincu des jeunes et le comité de son village d’“ouvrir” cet endroit aux familles et de s’organiser en équipes pour mieux répondre aux exigences des visiteurs.
“Nous veillons d’abord à la sécurité des visiteurs”, rassure-t-il, précisant au passage que le lieu n’est ouvert que pour les familles, et ce, depuis que les comités de village ont pris la décision d’alléger le confinement depuis la fin du mois de juin. “L’interdiction est faite à toute personne susceptible de provoquer le désordre”, ajoute Amokrane, qui guette les moindres faits et gestes des dizaines de personnes qui arrivent au fur et à mesure.
“Ce n’est que le début et nous espérons faire encore mieux pour les prochaines saisons”, prévoit-il. Alors que les bénévoles expliquent leur “stratégie” de gestion, des enfants et des jeunes garçons préparent une course de chevaux, d’autres s’affairent à lancer un match de football. En face, un groupe de jeunes filles organise à plein badin les familles en contre-bas du stade, juste derrière l’aire de jeux.
“Je viens chaque jour ici, dit Massinissa. Je viens avec ma femme, ma mère et mes deux enfants, histoire de décompresser un peu.” Enseignante de tamazight dans un lycée à Tizi Ouzou, Tin Hinane ne regrette pas de parcourir une vingtaine de kilomètres chaque jour pour sa séance de sport. “C’est l’endroit idéal pour un footing”, assure-t-elle, ajoutant qu’au-delà de cet aspect, “c’est la sécurité” qui attire le plus vers cet endroit.
Venues de Béjaïa, de Tizi Ouzou et même de Blida, des dizaines de familles interrogées assurent à l’unisson que Agueni n Tizi est désormais leur lieu de prédilection. Après plus de trois heures de détente, les jeunes bénévoles plient les gaules pour se donner rendez-vous le lendemain afin d’assurer quiétude et bienséance aux nouveaux visiteurs. Le soleil, quant à lui, a déjà sombré, dans un spectacle de rêve, derrière le flanc du Djurdjura, pour renaître le lendemain dans le sens opposé.
Mardi 25 août 2020
Reportage réalisé par : Mohamed MOULOUDJ
https://www.liberte-algerie.com/reportage/quietude-sur-le-toit-de-la-kabylie-344369
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