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. La journaliste Sophie Bonnet consacre un documentaire au terroriste. L'occasion de revenir sur une personnalité intrigante.
La journaliste Sophie Bonnet le dit elle-même : « La plupart des gens pensent que Carlos est mort. » Pourtant, le terroriste vénézuélien, auteur, entre autres, de l'attentat du drugstore de Publicis en 1974 (2 morts et 34 blessés), est bien vivant. L'ancien guérillero a juste pris des airs de papy, avec ses cheveux blancs et ses rides, à force de combattre l'ennui et le diabète. Imaginez bien : le criminel est incarcéré depuis 1994 à la maison centrale de Poissy, où il purge trois peines de prison à perpétuité, au milieu de jeunes délinquants qu'il méprise. Alors, le révolutionnaire de 68 ans attend sagement son heure. Quand il n'écrit pas des articles pour des journaux communistes turcs, il commente l'actualité ainsi que les faits et gestes d'Emmanuel Macron, dont il soupçonne l'homosexualité (la question l'obsède). Pendant quatre ans, Sophie Bonnet a rencontré le détenu une fois par mois au parloir. Elle en tire un livre : Salutations révolutionnaires (Grasset), ainsi qu'un documentaire Face à Carlos le chacal, diffusé ce soir dans la case Infrarouge de France 2, à 23 h 30.
Le film retrace l'itinéraire d'Ilich Ramírez Sánchez (de son vrai nom), de son enfance bourgeoise à Caracas sous la dictature militaire à son arrestation au Soudan en 1994, après des années de terrorisme international, de lutte avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et de guérilla révolutionnaire. Si les caméras n'ont pas pu pénétrer l'enceinte de la prison, certains propos de Carlos ont été retranscrits dans le documentaire. On y découvre aussi les témoignages des hommes qui l'ont soutenu, tels ses anciens compagnons de lutte Hans-Joachim Klein et Khaled Ramlawi ; et de ceux qui l'ont traqué, comme Victor Ostrovsky, ex-membre du Mossad.
Un révolutionnaire aux goûts de luxe
Carlos est un personnage aussi dangereux que fascinant. Né en 1949, dans une famille de riches propriétaires terriens, il a rapidement été initié au communisme par son père, marxiste. Il a commencé son activisme lors des manifestations étudiantes qui ont agité le pays au milieu des années 60. La suite est plus sanguinaire : assassinat de Joseph Sieff, l'un des propriétaires de Mark & Spencer, à Londres, attentats à la bombe à Paris et à Marseille, et, surtout, prise en otage des ministres de l'Opep à Vienne en 1975.
Toutefois, derrière le révolutionnaire antisémite se cache un homme vénal. « C'est pas parce qu'on fait la révolution qu'on doit vivre comme des clochards », raconte-t-il ainsi à Sophie Bonnet dans le documentaire. En effet, l'ennemi public n'a jamais lésiné sur les grands hôtels, les festins et les boîtes de nuit au cours de sa macabre carrière. Une avidité pour l'argent qui le fera parfois passer pour un mercenaire, comme en 1981 lorsque Carlos accepte 1 million de dollars de la part du gouvernement roumain pour commanditer l'attentat de Radio Free Europe à Munich, qui fera deux blessés. « Il a une conscience très aiguë de sa classe sociale et de sa supériorité sur les autres, explique Sophie Bonnet. L'opulence lui manque. Il m'a souvent demandé de lui rapporter du foie gras en prison, par exemple. »
Séducteur et manipulateur
Quand il ne passe pas son temps à préparer des attaques ou à disserter sur la géopolitique avec ses camarades de lutte, Carlos s'adonne à son autre passion : les femmes. « Derrière le tueur sanguinaire, il y a un grand séducteur. Mais il ne s'intéresse qu'aux femmes éduquées, riches et belles. Seule sa première femme, une Cubaine, déroge à la règle », témoigne Sophie Bonnet. Ses nombreuses maîtresses auront d'ailleurs un rôle important dans son entreprise terroriste. Elles l'ont logé, lui ont caché des armes et prêté de l'argent. « Il utilise les gens selon ses besoins », résume la journaliste.
Il a d'ailleurs eu une fille avec la terroriste allemande Magdalena Kopp, qu'il avait épousée. Une fille qui ne lui parle plus, selon Sophie Bonnet. Lui est persuadé que les renseignements sont derrière le coup. « C'est son côté paranoïaque : chaque parloir annulé cache un coup monté. » Si son ancienne épouse est décédée en 2015, Carlos a épousé, selon la tradition musulmane (pas de mariage civil), son avocate Me Isabelle Coutant-Peyre, 65 ans.
D'ailleurs, l'homme espère toujours sortir de prison. En 2008, il avait failli obtenir gain de cause au profit d'un échange avec la diplomate française Ingrid Betancourt, alors détenue par les Farcs. Selon Sophie Bonnet, « il n'a jamais digéré sa chute, et il est persuadé qu'il va rentrer au Venezuela pour en prendre les commandes. » En effet, si une chose lui manque bien, par-dessus l'argent et les femmes, c'est bien le pouvoir.
Publié le | Le Point.fr
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