Benjamin Stora pour la France, Abdelmadjid Chikhi pour l’Algérie : les deux historiens sont chargés de travailler ensemble pour résoudre les désaccords liés à la mémoire franco algérienne.
Lundi 20 juillet, Abdelmadjid Chikhi a été officiellement nommé pour travailler sur les questions mémorielles avec l’historien français, Benjamin Stora. « Une symétrie pure et parfaite », estime Naoufel Brahimi El Mili, historien et auteur de France - Algérie, 50 ans d’histoire secrète (1). « Abdelmadjid Chikhi est aussi proche du président Tebboune que Benjamin Stora l’est d’Emmanuel Macron, poursuit le docteur en science politique. Les chaînes de transmission de l’information seront très courtes et les deux historiens sont aussi établis et reconnus l’un et l’autre dans leurs pays ».
Un travail aussi politique qu’historique
Abdelmadjid Chikhi est directeur régional du centre national des archives algériennes et a été nommé, le 29 avril, conseiller aux archives et à la mémoire nationales auprès du président. Puisque les archives sont rattachées directement à la présidence de la République, il est, selon certains chercheurs, bien plus un homme du pouvoir qu’un historien, et ne peut être placé sur le même plan que Benjamin Stora. Abdelmadjid Chikhi est aussi un ancien combattant de la guerre d’indépendance, et il renouvelle à chaque discours ou interview sa volonté de voir la France restituer à l’Algérie des archives sur cette période.
Au début du mois de juillet, il déclarait à ce sujet à l’agence officielle APS (Algérie Presse Service) qu’« il n’y [avait] pas chez la partie française de réelle volonté de clore ce dossier définitivement » et qu’il attendait des excuses de la France pour la colonisation.
Un climat d’amélioration des tensions liées à la mémoire franco algérienne
Le 5 juillet, 24 crânes de combattants algériens ont été rapatriés à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance. « Un grand pas » pour le gouvernement algérien, uniquement « un premier pas vers la restitution de tout ce qui a trait à la mémoire » pour le nouveau « Monsieur Mémoire ».
Selon le président algérien, les deux nommés doivent « régler des problèmes qui enveniment les relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente » franco-algérienne. Naoufel Brahimi El Mili insiste sur l’urgence à résoudre ces dossiers, qui n’ont pas avancé, selon lui, depuis le premier voyage en 1982 du président Mitterrand en Algérie. Il avait alors autorisé la consultation partielle de certaines archives. « Rien n’a bougé depuis, ni dans un sens ni dans l’autre, puisque l’Algérie n’a pas non plus ouvert ses archives aux chercheurs, algériens comme internationaux », déplore le politologue.
Trois dossiers plus sensibles les uns que les autres
Outre la restitution des archives, le deuxième axe de travail des historiens doit éclairer la disparition de plusieurs milliers d’Algériens, dont des Harkis et des « Pieds noirs » qui ont disparu juste avant la déclaration d’indépendance.
Le troisième est d’établir les conséquences des essais nucléaires français dans le Sahara algérien. « Ce dernier point, d’un autre registre, avance différemment selon la façon dont on aborde le problème. Tandis que les militaires français contaminés ont saisi la justice française et que l’Algérie a saisi la France au nom des militaires algériens malades, rien n’est fait encore juridiquement pour la population et les sols », détaille Naoufel Brahimi El Mili.
(1) Fayard, 2 tomes, 2017 et 2019
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