Dans une remarquable étude synthétique «L'historiographie française de l'Algérie et les Algériens en système colonial», l'historien français feu Gilbert Meynier (ex-professeur au lycée Pasteur, Oran (1967-1968), ex-maître de conférences à l'Université de Constantine (1968-1970), professeur émérite de l'Université de Nancy II qui maîtrisait bien la langue arabe), n'a pas manqué d'examiner cette question de ladite «invention/création coloniale de l'Algérie par la France», écrivant notamment : «(...) Il faut revenir sur le narcissisme colonial classique de l'autocélébration : il y a l'avant 1830 désolant et l'après 1830 radieux. L'histoire coloniale exalte l'apport de la civilisation, de la médecine, de l'instruction, la construction de chemins de fer et de routes, l'édification de villes modernes qui portent une marque résolument française : à Alger la ville nouvelle ceinture la Casbah, à Oran le front de mer est une corniche à l'européenne (...) Ces villes nouvelles sont le plus souvent édifiées au prix de la destruction de monuments ou de la fragmentation de leurs quartiers antérieurs. Si la Qasbah d'Alger fut relativement préservée, la mosquée Ketchaoua fut transformée en cathédrale ; à Constantine, les rues Caraman, de France, Vieux, Nationale, fractionnent la vieille ville ; à 60 km au nord-ouest, à Mila, une des plus vieilles mosquées d'Algérie, la mosquée Sidi Ghanem, fut un temps transformée en écurie pour chasseurs d'Afrique. A Tlemcen, il y eut disparition des deux tiers de la ville intra-muros, sans compter les dommages infligés à des monuments comme la mosquée et la qubba de Sidi Ibrahim de l'époque du souverain zayânide Abû Hammû Mûsa II (XIVe siècle) ; mis à part son minaret, la mosquée Sidi al-Hasân fut quasiment ruinée et la mosquée Sidi al Halwi transformée en musée... La réalité, on le voit, est loin d'être uniment au diapason des célébrations officielles françaises.» (1).
Poursuivant plus loin, l'historien indique à propos d'El Djazaïr que «dans les manuels d'histoire français de la IIIe et de la IVe République, ainsi que chez les historiens coloniaux, tels ceux qui, en 1930, célèbrent le siècle d'Algérie française», et dans les Cahiers du Centenaire, l'Algérie est présentée «comme une création française», elle l'est même dans l' «Histoire de France et d'Algérie, d'Aimé Bonnefin et Max Marchand», publié en 1950 : «Ce manuel d'école primaire est une histoire très convenue, une sorte de Lavisse dédoublé France-Algérie - France : pages paires, Algérie : pages impaires -, avec chaque fois une gravure explicative ; cf. les p. 55-56 ...(...) Rien sur le système colonial», et la conquête de l'Algérie est soft, ironise Gilbert Meynier, observant que «la piraterie» (et non «la course») n'est pas expliquée - serait-ce un fait de nature ? - mais sont célébrés les «combattants musulmans de l'armée française»... tandis «que nulle part ne sont notées les continuités depuis le beylik d'avant 1830 jusqu'en 1918», alors qu'«on l'a dit», rappelle l'historien, «le pouvoir français continua à pressurer les Algériens par la fiscalité des «impôts arabes» spécifiques.» (2).
Assurément, le regretté Gilbert Meynier compte parmi les rares historiens de l'Hexagone qui ont eu le mérite d'évoquer cette tendance à la dénégation caractéristique du système colonial français. Et inutile d'évoquer les effets aliénants d'ordre identitaro-culturel que n'ont pas manqué d'entraîner - et qui perdurent à ce jour - ces fâcheux recours à la falsification sournoise des faits d'histoire et occultations voulues par les conquérants, au lendemain de leur mainmise sur les territoires colonisés. Le nouvel ordre établi, la plupart des anciens noms de sites, legs, vestiges culturels autochtones, etc., faisant référence, donc, au patrimoine autochtone, furent écartés et remplacés par d'autres, les colonisateurs les rebaptisant comme ils l'entendaient, faisant fi de leur identité originelle, ancestrale. Et avec l'entame et poursuite acharnée des desseins d'opérations de destructions-reconstructions, suivant les plans préétablis de la logique de l'idéologie d'accaparement colonial, le pays commença à changer sensiblement de «physionomie». Dès lors commença à s'agiter dans les esprits grandiloquents des fiévreux «bonapartistes» français, l'idée tentante d'une «Algérie, création française» ( !?) sous-entendant qu'auparavant ce pays n'existait point, ni qu'il avait un nom.
On reviendra plus loin sur ce subtil et malsain jeu de mots mais auparavant considérons ce que dit l'histoire à propos de l'Algérie et de ses différentes appellations au cours des âges, en se référant notamment à des historiens, géographes, anthropologues, les intellectuels probes, en général ?
En se référant aux écrits d'auteurs anciens et contemporains, dans l'antiquité et durant de longs siècles, on désignait le territoire de l'Algérie en le situant dans la partie centrale de l'antique Berbérie. Les géographes arabes du Moyen Age qualifièrent la contrée d' «île du Couchant» (Djaziret El Maghreb), ce terme Maghreb partageant la même étymologie que le mot Mauritanie, désignant le pays du Couchant, c'est-à-dire la zone islamique de l'Occident par rapport au lieu saint de La Mecque. Cette contrée d' «île du Couchant» correspondait à un immense pays, garni d'ensembles montagneux, forestiers et steppiques de l'Atlas, situé entre l'océan Atlantique et la Méditerranée, incluant d'autre part de vastes étendues de landes et désertiques, et qui devint au XVe siècle la Régence d'Alger: domaine politique d'autorité du Dey qui sous le règne des Turcs fut pour la première fois délimité quoiqu'insuffisamment, et sans le Sahara, désignant Al-Djazair. Suite à l'invasion coloniale française de juillet 1830, la Régence prit d'autres désignations, les Français qui s'y établirent publiant, après les travaux de la Commission d'Afrique, l'ordonnance du 22 juillet 1834, préparée par le Maréchal Soult en tant que Président du Conseil de l'instance légiférant, instituant le régime dit des «Possessions françaises dans le nord de l'Afrique».
Cependant, dès 1831, alors que l'on parlait toujours de l'ancienne Régence ou des «Possessions françaises dans le nord de l'Afrique», la référence en français à El Djazair est mentionnée à deux reprises dans l'ordonnance royale du 1er décembre créant une intendance civile. Et c'est le 31 octobre 1838 que l'appellation «Algérie» est portée dans un bulletin officiel des lois qui favorise la légalisation et propagation du terme, confiant le commandement militaire et la haute administration à un gouverneur général qui, sous le contrôle du ministère de la Guerre, disposait de toute l'autorité pour diriger la contrée comme il l'entendait dans sa logique de conquérant.
Dans une remarquable et édifiante synthèse historique sur le profond passé de l'Algérie, intitulée «Comprendre l'histoire millénaire de l'Algérie», le professeur des Universités et expert international en management stratégique, le Dr Abderrahmane Mebtoul, rapporte : «Dans la langue française, le nom «Algérie» est utilisé pour la première fois en 1866 par Fontenelle pour qualifier la Régence d'Alger» après qu'il ait été «officiellement adopté le 14 octobre 1839 afin de désigner ce territoire faisant partie de la Côte des Barbaresques» (3).
Le mot Algérie faisait, alors, allusion à la partie septentrionale du territoire conquis par la France, à l'exclusion de la zone saharienne avoisinante. Les conquérants français ont voulu voir dans cette appellation «un acte de naissance du pays», comme le mentionne dans son «Histoire de l'Algérie» X. Yacono, annoté par J.-F.Paya. Cependant, bien avant le débarquement des Français à Sidi Ferruch - comment peut-on l'ignorer ?-, l'Algérie existait bel et bien et disposait notamment de ses frontières, quoique imprécises, datant du temps du règne des Ottomans (Régence d'Al-Djaza'ir) et avait derrière elle une longue histoire. Quant à l'appellation Algérie, elle a sa propre histoire.
En effet, le mot Algérie est en rapport direct avec le nom d'Alger qui dérive du catalan «Aldjère», lui-même découlant d'Al-Djazaïr, nom donné par Bologhine Ibn Ziri, fils du fondateur de la dynastie Ziride, lorsque sur les ruines de l'ancienne ville au nom romain Icosium, il bâtit la nouvelle ville en 960 «Djaza'ir Beni Mezghenna», selon ce que rapporte l'universitaire A. Mebtoul. Le nom en français «Algérie» semble donc une reprise, par le biais du catalan, de l'appellation en arabe «Al-Djaza'ir» dont l'étymologie renvoie, par ailleurs, aux îles à proximité du port d'Alger d'après des géographes musulmans du Moyen-Âge. L'étymologie berbère fait également allusion à une «île» alors qu'une autre étymologie prend son origine dans le nom de «Ziri Ibn Menad Djezair», l'anthropologue Tassadit Yacine estimant, pour sa part, que les origines issues de «Mezghenna» proviennent d'une forme arabisée d' «Imazighen» (Berbères), et considère, par conséquent, que le nom originel du pays, c'est celui de «Tiziri At Imezghan» soit «Le Ziri des Berbères».
L'historien M'barek el Mili, pour sa part, s'érigeant contre les thèses coloniales considérant le terme «Algérie», comme création française, leur porte un coup en indiquant dans son ouvrage «Tarikh al-jazai'r fi l-qadim wa l-hadith» (Histoire de l'Algérie dans les temps anciens et nouveaux) : «Al-Jazai'r est le nom d'une ville qui s'appelait «Ecosium» avant l'arrivée des Arabes. Il n'est devenu le nom d'un vaste territoire (watan) que depuis que les Ottomans ont fait de cette ville la capitale d'un royaume ayant des frontières bien fixées. Alors on a donné au watan le nom de la capitale de son Etat» (I, 22, cité par Lemnouer Merrouche dans son article «L'ancien et le nouveau dans l'ouvrage de M'barek al Mili», paru dans la revue NAQD n°11, p.96, (4).
D'autre part, on trouve dans nombre de textes des littératures anciennes de par le monde le terme d'Alger qui est souvent repris en faisant allusion au pays tout entier, l'Algérie. Ainsi Ibn Khaldoun qui dans sa monumentale Muqaddima (Les Prolégomènes) désigne Alger et le pays tout autour par le qualificatif «Bilad Al-Djaza-ir», alors que Cervantès mentionne Alger dans son célèbre roman Don Quichotte publié en 1603 pour évoquer le pays où il fut captif. Terme qu'on retrouve également transcrit dans la littérature russe ancienne, prononçant «Aljir» (entre autres exemples, sa citation dans la dernière phrase de la nouvelle «Journal d'un fou» de Nicolas Gogol).
L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr»
C'est ce que s'est proposé d'établir dans une édifiante contribution René LESPES, agrégé d'Histoire et Géographie qui faisait partie des anthropologues, démographes, ethnologues, etc., qui exploraient l'Algérie durant l'époque coloniale, secondant les missionnaires militaires qui s'attelaient à la poursuite de la même tâche. Ces explorateurs - comme l'observent dans leur ouvrage L'Algérie des anthropologues, Philipe Lucas et Jean Claude Vatan - «(...) traitent plus fréquemment du «problème démographique nord-africain en France» que des questions propres aux populations musulmanes d'Algérie», signalant qu'«il est cependant des exceptions tel René LESPES, à travers deux enquêtes géographiques et historiques sur Oran et Alger».Quoique en général dans ses écrits et ceux de ses compatriotes «(...) les rapports entre populations, phénomènes constants, sources de frictions de plus en plus probables, ne sont évoqués qu'à titre accessoire, jamais de front», soulignent P. Lucas et J. C. Vatan, indiquant, «il faudra attendre l' «explosion» de 1954 pour en trouver des traces écrites», période où «apparaît enfin l'embryon d'une ethnologie se remettant partiellement en question (...)» (5).
Pour ce qui a trait à ce que rapporte René LESPES à propos de ce qui nous intéresse, ce dernier écrit dans son texte intitulé «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr», paru en 1926 dans la Revue Africaine (pp. 81-85, volume 67), je cite : «Le nom arabe d' «El Djezaïr» a été transcrit -ou plus exactement déformé- de manières diverses par les peuples européens qui se sont trouvés en rapport avec ses habitants, (...) il peut être intéressant de rechercher quelle est l'origine de la forme adoptée par les Français, et si elle leur est vraiment particulière, comme on pourrait le croire facilement», observe l'auteur indiquant qu'on sait qu' «Alger (...) est aujourd'hui désignée sous les noms suivants : «Argel» par les Espagnols, «Algierie» par les Italiens, «Algiers» par les Anglais et les, Hollandais, «Algier» par les Allemands, pour ne citer que ces peuples . Ceux du Nord sont entrés en relation avec la ville musulmane plus tardivement que les populations méditerranéennes ; celles-ci commerçaient en effet avec elle dès le douzième siècle, par l'intermédiaire des navigateurs catalans, pisans et génois (...) on est tout simplement amené à rechercher leurs plus anciennes transcriptions dans les documents qui émanent de leurs marins, c'est-à-dire dans ces cartes dressées à la boussole que l'on nomme «portulans» (6).
L'auteur poursuit plus loin : «Les plus anciens documents cartographiques connus sur lesquels figure une transcription européenne d' «El Djezaïr» sont : un portulan du 13e siècle conservé à Gênes, l'Atlas de Tammar, Luxoro (ou Louxoros) (7), et une carte pisane de la Bibliothèque Nationale que l'on date entre les années 1275 et 1300 (8).» Or, remarque René LESPES, «ils portent deux dénominations bien différentes : Alguer pour la première, Algezira pour la seconde», estimant qu' «il est trop clair que cette dernière forme est la simple reproduction qu'il faut prononcer à l'italienne (Aldjezira) du terme arabe qui signifie «l'île». El Bekri, qui cite cependant le nom de Djezaïr Beni Mesguenna, c'est-à-dire le pluriel, «les îles», ajoute immédiatement après : «l'île s'appelle Stofla» (9). Sans doute les navigateurs avaient-ils l'habitude de considérer le groupe des îlots dans leur ensemble ; aussi bien ne les intéressaient-ils que par l'abri que leur fournissait ce brise-lames naturel. Ainsi s'explique la dénomination de la carte pisane. Quant à la forme Alguer, elle paraît être proprement catalane.» (10).
René LESPES ponctuant avec les éclairages suivants : «(...) De l'énumération de tous ces textes, il ressort clairement que la transcription Alger (Aldjèr) était d'un usage courant au 15e siècle parmi les géographes catalans, et assurément les navigateurs», et qu'il est«(...) ainsi amené à croire que c'est par eux que cette forme a été transmise aux Français qui en ont simplement modifié légèrement la prononciation», considérant qu' «(...) en contact plus direct avec les Maures, il est naturel que les Catalans aient été nos devanciers en cette circonstance», précisant que «c'est au 16e siècle, alors que l'université espagnole fut définitivement réalisée, que la forme castillane Argel triompha de la forme catalane (...) Quant à la transcription italienne Algieri qui a succédé à «Zizera, Ziziera, Zizara», on la trouve déjà, à peu de choses près, dans le portulan de Guglielmo Soleri (11), dressé vers 1380 par un Juif majorquin converti qui, comme on le voit, a pris un nom de baptême italien et a italianisé son nom d'origine» (12), René LESPES estimant qu'«Algier qu'on lit sur ce document, et qu'il faut sans doute prononcer à l'italienne Aldjiér est une simple accommodation de l'Aldjère catalan. Algieri», qui, «figure sur un planisphère italien du 15e siècle, de la Bibliothèque Vaticane (13), ainsi que sur le portulan de Magliabecchi de la même époque» (14).
Et l'historien de conclure qu' il semble résulter «de cet examen des plus anciens documents cartographiques, que c'est au 16e siècle, seulement, que se sont individualisées et fixées pour les différents peuples européens les transcriptions diverses du nom arabe d'El Djezaïr. Les géographes et cartographes catalans, les Juifs majorquins, tout particulièrement, ont eu certainement une influence considérable dans l'adoption de la forme-type, dont les autres, et notamment la française, paraissent bien être dérivées». (15).
Comme on le voit, le nom d'Alger (qui complètera l'appellation Algérie) n'est point d'origine française mais découle d'une transcription-traduction européenne du terme algérien «El Djezaïr» désignant toute l'Algérie. Et il faut rendre hommage à l'honnêteté intellectuelle d'un René LESPES, entre autres, qui fidèle au dévouement au savoir n'a pas hésité à remettre en cause le parti pris de nombre de ses collègues contemporains, ce qui fait honneur à sa discipline et à la connaissance scientifique en général. Et ce d'autant plus qu'en son temps, le climat était propice à la diffusion tout azimuts des idéaux coloniaux, et notamment la propagation de cette fable que l'Algérie n'avait ni de nom spécifique à elle ni qu'elle avait existé avant la conquête française...
Ainsi, il apparaît en toute logique que le terme dénominatif «Algérie» est composé en français du terme «Alger» + les deux voyelles «i/e», pour former le mot global «Alger/ie», désignant le territoire algérien. Soit une juxtaposition s'appuyant sur le nom préexistant «Alger» et les suffixes des deux voyelles «I-E» pour désigner «l'Algérie» : autrement dit, qu'il s'agit là d'une simple combinaison de mots qui était loin de constituer la création d'un nom, sachant qu'elle s'appuie sur le nom préexistant «Alger» qui découle d'une autre origine comme l'indique le point de vue assez objectif de l'auteur français René Lespes qui a eu l'honnêteté de faire la part des choses, concernant cette question. Contrairement à l'idée qu'entretenaient ses compatriotes contemporains, comme si avant la conquête de l'Algérie le pays n'était rien et que ce n'est qu'après l'invasion coloniale française de 1830 que «l'acte de naissance» de l'Algérie qui aurait été ainsi «baptisée», a pu voir le jour, à la faveur des «bienfaits de la civilisation française». Amen!
Une «Algérie des chimères» dans «le crâne colonial»
C'est ce que soutient, entre autres intellectuels français pro-coloniaux, un Eric Zemmour, extrémiste de droite notoire de son état, qui affirma que l'Algérie n'existait pas et qu'elle a été créée par la France. Il est vrai que par le passé lointain l'Algérie n'étant pas encore constituée historiquement et n'ayant pas encore son appellation actuelle, se confondait avec la partie centrale de la Berbérie antique. Tout comme les Etats et nations du monde qui n'étaient pas encore constitués, institutionnellement, par le passé ni qu'ils avaient leurs désignations modernes, actuelles, ce qui ne signifie pas qu'ils n'existaient pas sous d'autres configurations géopolitiques appelées autrement. Aussi, en usant d'un jeu de mots sournois et osant prétendre que l'Algérie a été «inventée» par la France coloniale, Eric Zemmour se trompe en croyant que le piège de substitutions de termes suffit pour oblitérer la réalité historique de l'Algérie qui existait bel et bien par le passé et n'a pas attendu la France «pour venir au monde» : elle avait seulement une autre appellation, tout comme la France d'ailleurs. Et pour le mentionner encore une fois, le nom de la capitale du pays, à savoir Alger, existait également bien longtemps avant l'invasion coloniale française, comme le prouve son nom en catalan Alguer d'où dérive sa traduction en français Alger, nom auquel il suffisait d'ajouter les deux voyelles «I-E» pour que l'appellation composant le mot «Algér/ie» soit là : un nom issu de l' assemblage de deux termes, n'ayant absolument rien à voir avec une invention ou création à partir de rien, mais qui est plutôt le fait d'une juxtaposition ou ajout de deux lettres d'alphabet latin à un mot préexistant «Alguer» ; traduction catalane du nom antérieur d'«El Djazaïr».
Quant à l'allégation sournoise prétendant que «l'Algérie n'existait pas avant l'occupation française», comment peut-on écarter d'un simple revers de main la réalité historique, avérée, d'un vaste territoire qu'incluait, pourtant, l'Afrique septentrionale, ou la Berbérie antique dans sa zone centrale ! Ceci, sachant pertinemment que même si un territoire d'une contrée quelconque donnée n'est pas répertorié et désigné sur une carte géographique, par exemple, cela ne veut nullement dire que ce pays n'existe pas et que, par conséquent, n'étant pas désigné sur une cartographie de repérage, il ne pourra pas prétendre à une existence effective !? Que dire alors des contrées de par le monde, qui ont longtemps attendu avant d'être répertoriées sur cartes géographiques ? Cela signifie-t-il qu'auparavant ces pays n'existaient pas ou n'avaient commencé à exister qu'après leur consignation sur carte!
Et même lorsqu'on vient à ne se fier qu'aux repérages des cartes, dans notre quête d'information sur telle ou telle contrée géographique de par le monde, il convient de ne pas omettre cette sage recommandation des géographes aguerris, qui préviennent de se garder toujours de prendre la carte pour le territoire. Histoire de dire qu'une représentation graphique, abstraite, renvoyant à une réalité donnée, existant concrètement sur le terrain, peut ne pas en être le reflet fidèle ou carrément leurrante. Comme c'est le cas des calembours falsificateurs des amateurs de jeu de mots mystificateurs, s'apparentant aux savants numéros de prestidigitation ou jeu de cache-cache, trompant pour un temps les esprits non avertis. Aussi à cette grossière allégation prétendant, à qui veut la prendre pour argent comptant, que l'Algérie n'existait pas avant la conquête coloniale française, anthropologues et historiens internationaux de renom attestent dans leurs écrits archivés que l'Algérie existait bel et bien par le passé profond mais qu'elle était simplement désignée sous une autre appellation, comme tant d'autres nations du monde, d'ailleurs.
Comme l'existence identitaire d'un pays est souvent avérée par la présence d'un patrimoine archéologique et anthropo-historico-culturel ancestral, et non pas par sa simple appellation et qui justifierait son existence sachant très bien que cette appellation pourrait changer au cours de l'histoire comme c'était le cas au Congo Kinshasa qui est devenu le Zaïre mais qui n'a pas pour autant été (ré)inventé ou qu'il ait disparu puis réapparu, comme ça, grâce à une «baptisation» qui l'aurait fait jaillir ou rejaillir comme ça, comme par un coup de baguette magique !?
En laissant de côté ces préjugés , et en prenant notamment le recul nécessaire de la pensée, on s'aperçoit que l'Algérie n'est point une «tabula rasa» et qu'elle a un immense et prestigieux passé, riche de ses diversités autant historiques que paléo-historiques, et que sa confrontation avec l'Europe a déjà eu lieu depuis fort longtemps, et que sa part d'apport au confluent «Maghreb/Andalousie» n'a pas été pour rien «dans l'édification de la conscience européenne et dans la transmission de l'héritage grec, de la pensée rationnelle (science et philosophie), et des controverses entre pensée religieuse et pensée scientifique. Bref, dans ce que nous croyons n'appartenir qu'à l'Europe, être sa signature même», comme l'écrit à juste titre le professeur de philosophie et écrivain Jean-Jacques Gonzales en Avant-propos de l'ouvrage collectif «2000 ans d'Algérie» (16)
C'est qu'il y a, comme en font écho le sociologue Philipe Lucas et le chercheur Jean-Claude Vatin, dans leur ouvrage une «Algérie des chimères et des idées historiquement condamnées, mais singulièrement vivaces», dans «le crâne colonial (qui) pèse lourd aujourd'hui encore sur la connaissance de l'Algérie» (17). Autrement dit, le recours aux subterfuges de la stratégie coloniale de la table rase, usant de diverses manœuvres de falsification et d'ignorance des faits de l'histoire, ne pourra jamais parvenir à ses fins, avec ces tendances pernicieuses s'attelant à occulter, de la sorte, l'entité culturalo-identitaire spécifique à l'Algérie et à son histoire multimillénaire. Ce n'est pas d'un simple revers de main que l'on pourra balayer un passé millénaire aussi riche et complexe que celui de l'Algérie et ignorer, ainsi, avec une telle imprudente méprise son immémoriale histoire qui remonte à la nuit des temps.
Et en effet, l'Algérie (El Djazaïr) a toujours témoigné, que ce soit de nos jours ou par le passé antique, de la grande richesse de ses diversités culturelles et communautaires originales, à l'image de la multiplicité de ses reliefs, espaces, climats, etc., conférant à cette contrée toute sa force mais aussi toute son hétérogénéité découlant également du cheminement particulier d'une préhistoire, protohistoire et Histoire, riches en événements et bouleversements marquants, caractérisant le cours évolutif d'un peuplement multiethnique et pluriculturel, se fondant sur un substrat paléo afro-numido-amazigh très complexe. Un fond originel qui connaîtra, tout au long de sa formidable trajectoire protohistorique et historiques évolutifs, divers apports résultant des contacts avec les cultures des peuplades et communautés extérieures, à la faveur des violents heurts ou rapports d'échanges comme ce fut le cas lors des confrontations historiques avec les conquérants phéniciens, romains, byzantins, vandales, arabes, espagnols, ottomans, français, en passant par les phases d'imprégnation cultuelle et culturelle judéo-chrétiennes, latines puis d'islamisation et arabisation de vastes contrées de l'Algérie médiévale et du Maghreb, en général.
L'Algérie, «un des principaux berceaux de l'humanité»
Apports cultuels et culturels d'éléments épars et diversifiés qui se sont intégrés avec le temps - à l'issue d'une complexe évolution au cours des différentes époques historiques traversées - à la matrice génitrice des particularités de la civilisation autochtone qui, forte de ces enrichissements extérieurs, s'est attelée depuis à l'affirmation des prémices des fondements patrimoniaux de l'identité plurielle évolutive des Algériens et des Magrébins, d'une manière générale. Véhiculeur de cet héritage de legs culturels, pluriethniques et multiculturels, originels et résultant des apports évolutifs au cours des âges, communément partagés, le patrimoine paléo-afro-numido-amazigh de la contrée centrale de la Berbérie antique, berceau territorial ancestral de la future Algérie (El Djazaïr), à venir, est absolument fabuleux. La préhistoire de la contrée ne révèle-t-elle pas une présence humaine qui y remonterait à quelque 400.000 ans ? Et le Tassili N'Ajjer, cet immense «musée préhistorique à ciel ouvert», n'abrite-t-il pas -comme le constatèrent ses divers explorateurs locaux et de par le monde, à l'instar du pionnier Henri Lhote, Malika Hachid, Ginette Aumassip, Claude Chemla, Slimane Hachi, Georges Cristea, Jean Guillain, etc.- ces fameuses peintures ou gravures rupestres, reflétant les divers aspects des mœurs et coutumes des peuplades de ces époques préhistoriques ? (18) Ces communautés de tribus autochtones ne seraient-elles pas, selon divers anthropologues et chercheurs dont Malika Hachid, à l'origine de ces héros Amazighs civilisateurs du Maghreb issus d'une brillante civilisation africano-saharienne, cinq mille ans avant les pyramides ?
Ces peuplades autochtones paléo-afro-numido-amazighs qui se sont naturellement métissées au cours de la longue marche du temps ne disposaient-elles pas, vraisemblablement, d'un mode langagier primitif approprié, expression de leur propre forme d'«écriture» archaïque- paléographique et que des chercheurs pressentent, aujourd'hui, qu'elle serait à la base de l'émergence du Libyque, la plus ancienne écriture de l'Afrique du Nord, datant de plus de 3000 ans ? Des vestiges épigraphiques ne témoignent-ils pas dès la phase protohistorique des prémices de l'évolution du langage iconographique illustré par l'assemblage de motifs pictographiques, conçus en véritables signes idéographiques, amorçant dès ces phases culturelles, antérieures, innovantes, une tendance nette à la schématisation à base géométrique, préludant aux ébauches des premières formes signifiantes des graphismes d'idées, ou esquisses initiales, néolithiques, des subtiles formes primordiales du langage écrit à venir ? (19).
Et pourrait-on ajouter, est-ce par hasard qu'un professeur du Collège de France, en l'occurrence Jean Guillain, en est venu à soutenir que «l'Algérie est en fait un des principaux berceaux de l'humanité», comme il le souligne dans sa préface de l'ouvrage de l'éminente chercheuse Ginette Aumassip («L'Algérie des premiers Hommes») ? Ce qu'il a consigné, à ce propos : «L'Algérie occupe dans le panorama de la préhistoire mondiale une place de premier plan. Le nombre, la qualité de ses gisements, du plus ancien paléolithique jusqu'à la protohistoire, leur confèrent une position d'exception. Par la diversité de son espace géographique, elle est impliquée dans la plupart des grands problèmes qui concernent l'humanité ancienne : émergence d'industries archaïques sur galets, extension d'Homo Erectus puis d'Homo Sapiens Sapiens, rôle du continent africain dans le processus d'accès à l'économie productrice, longue durée et richesse d'un art rupestre multiforme, interaction entre les cultures de tradition orale et les premières civilisations historiques» (20).
Et Jean Guillain et Ginette Aumassip n'ont pas cru si bien dire en considérant déjà en 2001 l'Algérie comme étant l'un des principaux berceaux de l'humanité et voilà que près de deux décennies plus tard, la prestigieuse revue américaine «Science», éditée par l'Association américaine pour l'avancement de la science (AAAS), a publié le 29 novembre 2018 les résultats de recherches en paléoanthropologie, menées par une équipe internationale de chercheurs pluridisciplinaires (dirigée par l'Algérien le professeur Mohamed Sahnouni) qui a découvert dans le site de Aïn Boucherit (commune de Guelta Zerga près de la ville d'El Eulma, wilaya de Sétif, Est algérien) plus de 250 outils lithiques (pierres incluant choppers, nucléus, polyèdres, subsphéroides, éclats, lames...), soit des galets taillés en calcaire et en silex, remontant à environ 2,4 millions d'années : des outils ressemblant exactement à ceux dits Oldowan, trouvés jusqu'alors principalement en Afrique de l'Est. Comme ont été aussi déterrés à leur proximité des dizaines d'ossements d'animaux fossilisés (apparemment des ossements d'ancêtres de crocodiles, éléphants, hippopotames ou encore de girafes...), présentant ce qui ressemble à des marques d'outils de boucherie préhistoriques. Et sachant que l'Afrique de l'Est est considérée, depuis des décennies, comme le berceau de l'humanité pour ses outils préhistoriques les plus anciens datant de 2,6 millions d'années, la récente découverte faite en Algérie, en 2018, classe désormais le site d'Aïn Boucherit (Sétif) comme étant le deuxième site archéologique le plus ancien d'Afrique et du monde, après celui de Kota Gona, en Ethiopie. (21).
Cette découverte, mise au jour dans le vaste Sahara algérien, vient démontrer non seulement l'ancienneté préhistorique du peuplement multiethnique de l'Algérie dont le territoire se confondait, alors, avec la zone centrale de l'antique Berbérie) mais aussi que son histoire remonte à l'aube de l'humanité : ce qui fait d'elle du coup, comme on a pu le dire, l'un des principaux berceaux de l'humanité, son patrimoine ancestral revêtant indéniablement une portée universelle. (A signaler que cette équipe de recherche internationale et pluridisciplinaire avait pris, auparavant, la précaution d'utiliser quatre méthodes différentes de datation pour fiabiliser l'âge des dépôts fossilifères).
Quantité d'autres vestiges paléographiques considérables, témoignent de ce fabuleux patrimoine de l'Algérie préhistorique et de son peuplement ancien, les pictographies des parois rupestres du Sud algérien et de certaines régions du Nord, témoignant à ce jour du vécu quotidien de ces peuplades paléo-afro-berbères métissées, notamment ces inscriptions amazighes antiques préfigurées en écriture tifinagh et autres, innombrables, en tifinagh ouan aman écriture berbère saharienne. Ceci sans omettre ce que les travaux d'exploration archéologique et anthropologique des diverses ères et époques protohistoriques et historiques ont pu extirper du passé comme legs antiques et données archivistiques ayant trait aux périodes des présences romaine, byzantine, vandale, arabe, ottomane, française au Maghreb, avec notamment la période marquante relative à l'islamisation de la contrée et ce qui en est suivi comme héritage spirituel et culturel, côtoyant l'héritage patrimonial amazigh. A l'image de ces inscriptions berbères ancestrales jouxtant de mystérieuses écritures arabes en coufique ancien, gravées ou peintes sur les parois du Tassili Tim Missao ou celles des grès d'In Ghar, reflétant, à une autre étape de l'évolution historique du pays, succédant à l'ère protohistorique, l'identité en formation des autochtones, en constante mutation interactionnelle au contact des flux migratoires de passage.
Pour sa part, Saida Bencheikh-Boulanouar (chercheure en histoire de l'écrit et enseignante universitaire, doctorat de l'Ecole pratique des hautes études, Paris-Sorbonne) considère qu' à un autre niveau de l'histoire de l'Algérie, en l'occurrence la période médiévale et postmédiévale, des pans importants de l'évolution historique sont souvent occultés par les historiens et chercheurs qui ont tendance à négliger les sources arabes et musulmanes, pourtant révélatrices par bien des côtés (c'est aussi l'avis du regretté historien Gilbert Meynier qui pour rappel, a produit un mémorable «Algérie des origines», où à l'instar de son ami et fréquent collaborateur Mohamed Harbi, il tente de combler cette déplorable lacune occasionnée par cette ancienne tendance des successifs régimes monopartistes, algériens, qui s'échinait à faire débuter l'histoire du pays qu'à partir de l'avènement de l'islam, amputant du coup l'Algérie de son prestigieux patrimoine millénaire amazigh...).
A cet autre niveau de l'histoire du pays, la chercheure Saida Bencheikh-Boulanouar considère, également à juste titre, que «pour les Algériens répertorier les sources arabes et ottomanes est un devoir de mémoire à accomplir, une réparation. Un oubli de l'histoire contemporaine (...) à réparer», déplorant «les documents manuscrits arabes et ottomans qui sont le produit de la civilisation musulmane et la trace de l'Algérie médiévale et ottomane sont quasiment absents des références des historiens. Comme si l'histoire algérienne ne commençait qu'avec la colonisation, en 1830, (...) les sources arabes et ottomanes de l'histoire de l'Algérie (...) sont rares dans les fonds d'archives algériens. Or, l'Algérie était riche d'un patrimoine archivistique de manuscrits rares et précieux et surtout d'une tradition intellectuelle, littéraire et scientifique.» Et l'universitaire de se demander non sans raison à propos de ces références patrimoniales «où sont-elles ? (...) Comment accéder à ces sources ? (...) les documents arabes et ottomans conservés à Istanbul, produit des relations entre les deux pays, ceux conservés en France et en Algérie, méritent d'être portés à la connaissance car ils constituent les sources incontournables.» Par ailleurs, «d'autres sources méditerranéennes, arabes, ottomanes ou persanes inédites permettraient de confronter les données historiques», indique notre chercheure, insistant sur le fait que «l'histoire de la période coloniale» de l'Algérie comporte nombre «(...) de lacunes des périodes qui la précèdent» (22), qu'il convient absolument de reconsidérer dans un souci d'objectivité et d'impartialité conclut la spécialiste algérienne en historiographie maghrébine qui a su se montrer assez convaincante dans ses assertions- on ne peut plus amplement justifiées au constat des archives progressivement mises à jour et qui lézardent bien des «vérités historiques» qu'on croyait solidement établies jusqu'ici...
Autant de données d'ordre archivistique qui apparaissent comme d'importantes sources historiques susceptibles d'apporter nombre d'éclairages sur des zones d'ombre délaissées ou ignorées du passé du pays. Documents archivistiques qu'il convient de récupérer sans tarder, y compris ceux entreposés dans d'autres contrées que celles citées, notamment celles de France, Angleterre, Espagne, Russie, Allemagne (l'ex-RDA), pays démembrés de l'ex-Yougoslavie et de l'ex-Tchécoslovaquie, Malte, Cuba, Egypte, Syrie, Liban, etc. Soit des manques à gagner ou «trous béants» dans la mémoire historique du pays que mettent justement à profit historiens pro-coloniaux et partisans de l'idéologie de la table rase pour avaliser leur thèse de l'Algérie, «pays dénué d'Histoire», et «pure création de la France coloniale».
Néanmoins, pareilles tentatives d'occultation et de falsification des noms et des lieux de contrées historiques, les interprétant d'une manière fallacieuse, en concevant autrement les faits et évènements historiques, ne résistent pas aux données objectives de l'évolution de l'Histoire qui finissent généralement par imposer, tôt ou tard, leur réalité : comme celle inhérente à El Djazaïr, affirmée par son éclatante évidence, l'Algérie ayant non seulement son Histoire et ses référents identitaires spécifiques mais jouit aussi d'un prestigieux patrimoine ancestral d'une portée universelle, indéniable.
Aujourd'hui l'on sait très bien que les pays souverains, ou anciennes colonies libérées du joug colonial d'antan, ont résolument tourné la page du passé, en affirmant une nette volonté de coopération internationale, de dialogue, échanges équitables, entre peuples et nations du monde, etc., etc. Mais malheureusement les machiavéliques tendances pro-coloniales, menaçant l'intégrité de ces fragiles pays émergents, pourtant indépendants et affranchis depuis belle lurette du parrainage du joug colonial de naguère, ne continuent pas moins de persister de nos jours, à un autre niveau de l'évolution historique, et bien évidemment sous d'autres formes pernicieuses d'ingérence néocoloniale : une situation déplorable qui n'est pas sans constituer une violation flagrante du droit international.
Autres temps, autres stratégies néocoloniales
En réponse à des questions relatives à son ouvrage «Tempête sur le Grand MMoyen-Orient», (Editions Ellipses Paris 2015, traitant de la question particulière des «révolutions des printemps arabes»), et à d'autres questions en rapport avec l'actualité du moment, lors de son interview par le journal francophone algérien Le Quotidien d'Oran, M. Michel Raimbaud, ancien diplomate et conférencier français, expert en relations internationales, a notamment déclaré, je cite : «(...) on ne peut qualifier de «révolutions» des mouvements dont le seul programme consiste à «faire tomber le régime», dont les meneurs sont manifestement inspirés et téléguidés par l'étranger, formés en Occident (par des «ONG» américaines spécialisées dans la promotion de la démocratie et droits de l'homme), qui bénéficient du soutien occidental politique, diplomatique, militaire, par le biais des services secrets, des conseillers spéciaux, des forces armées, etc., qui sont pris en charge par les forces extrémistes de l'islam politique, parrainées et soutenues par l'OTAN, la Turquie et les régimes du Golfe, dont le label démocratique est plus que douteux, et l'inspiration révolutionnaire très problématique, qu'appuient toutes les forces réactionnaires.(...)» (23) Et à une question relative au soulèvement du mouvement populaire algérien , s'il s'inscrit dans la même logique des «révolutions arabes...», l'ancien diplomate dira notamment : «(...) L'Algérie avait connu en janvier 2011 une tentative de «révolution» à la mode des «printemps arabes», mais le mouvement avait été de très courte durée (...), je m'abstiendrai de porter un jugement sur le «Hirak» algérien de maintenant. Je noterai seulement qu'il n'arrive pas seul et s'inscrit dans une nouvelle vague ayant affecté notamment le Soudan et le Liban. Le retour de «printemps» présente le double visage déjà noté dans les évènements de 2010/2011 : des revendications populaires qui ne sont sans doute pas dépourvues de fondement, mais également et prenant assez rapidement le pas sur les premières, des tentatives de manipulation de l'étranger pas très différentes de celles d'il y a dix ans. On doit toujours, me semble-t-il, se méfier des exigences trop simplistes, et trop radicales visant à «renverser le régime» et tous ses symboles afin de «donner le pouvoir au peuple», sans se soucier de la permanence de l'Etat (...)» (24).
Par ailleurs et d'après ce que révèlent les livres-enquêtes du Dr Ahmed Bensaada (26), au moment où l'Algérie, en dépit des manques à gagner, semble résolue à relever le défi de la poursuite prudente du processus d'édification de cette Algérie nouvelle de l'Etat de droit et Justice indépendante, etc. - tel que l'a revendiqué à juste titre le mouvement populaire béni du Hirak -, voilà que des éléments sournois au service d'ONG étrangères, celles-là même qui ont programmé le chaos et l'anarchie en Libye, Syrie, Yémen, etc., ont infiltré ses rangs et tenté de l'orienter dans une tout autre direction stratégique que celle visée par le Hirak mais dont la quasi-majorité des manifestants, scandant sincèrement les légitimes revendications de changement de système, ne se sont guère rendu compte, cependant, de ces machiavéliques tentatives de manipulations.
Fort heureusement, il y eut la réaction vigilante d'éléments du Hirak qui s'étant aperçus des tentatives d'ingérences étrangères ont condamné sans équivoque la position de l'Union européenne et de la France, leur rappelant que les affaires intérieures du pays concernent les Algériens entre eux, soulignant que la question est d'ordre «algéro-algérienne».
Quoi qu'il en soit, il est plus que probable que le proche avenir apportera des éclairages sur la question afin que la part des choses soit bien faite, entre le Hirak populaire et ses nobles objectifs légitimes d'auparavant et les forces nuisibles qui l'ont infiltré et tenté d'orienter dans une tout autre direction le conduisant perfidement à la situation dangereuse de «non-Etat», débarrassé de son bras armé l'ANP, pourtant accompagnateur du Hirak et dépositaire de Bouteflika et tout ce que représente le régime de ce dernier, suivant les revendications du mouvement populaire algérien. Les manipulateurs ont tablé sur la confusion pour favoriser l'anarchie, et il faut dire que cette situation n'est pas sans profiter, également, aux partisans de l'ancien régime déchu de Bouteflika et dont les complicités, opérant à divers niveaux des institutions nationales, entravent le processus des réformes en cours alors qu'à l'autre bout, des personnalités intransigeantes connues de l'opposition mettent à profit l'aubaine du Hirak pour se refaire une virginité, en prônant notamment des attitudes radicales, certaines d'entre elles entretenant d'énigmatiques liens avec les éléments et cyberactivistes infiltrés de ces sournoises ONG, selon le Dr Ahmed Benssada. Quant à la composante majoritaire du mouvement populaire, elle ne fait qu'exprimer son cri de colère et d'indignation contre un système injuste d'oppression et de gabegie avec sa légitime revendication de l'avènement d'une Nouvelle République salvatrice, consacrant l'Etat de droit, de Justice indépendante, des libertés collectives et individuelles, du pluralisme démocratique, etc.(Une parenthèse juste pour rappeler ce que l'auteur du présent écrit avait notifié dans un article intitulé «Il faut de l'audace pour sortir le pays de son statuquo...», publié dans Le Quotidien d'Oran en mai 2012, mentionnant, je (re)cite : «(...) ces ingrédients nocifs (...) servent de mèche aux révoltes sporadiques qui risquent dans un proche futur de se généraliser si d'ici-là rien d'efficient ( ...) n'est envisagé de façon profonde non leurrante (...) en vue de dégager les voies d'une possible assisse rénovatrice politico-structurelle, susceptible de relancer concrètement le processus démocratique en Algérie dans un proche futur (...) il ne faut pas s'aveugler : en l'absence de recours démocratiques judicieux, une révolte généralisée peut survenir au moment le plus imprévu....» (archives mai 2012, accessibles dans le site du journal, via Google).
On peut dire, in fine, que les fictions mystificatrices ou menées falsificatrices fallacieuses de toutes idéologies nihilistes, hégémoniques et bellicistes, d'où qu'elles émanent, auront beau cogiter et perdurer un certain temps, à la longue, elles finissent généralement par apparaître comme de vains soubresauts incongrus de piètres agitations d'un tout autre âge.
En tout état de cause, et tenant compte de la somme de facteurs déterminants les conjonctures complexes en cours et leurs conséquences, il convient de ne point être dupe des tractations et périls ciblant l'Algérie, à divers niveaux, d'où la nécessité qui s'impose d'une vigilance permanente embrassant l'ensemble du territoire national algérien dont la vaste superficie fait aujourd'hui du pays, suite à la scission du Soudan, pratiquement le plus grand territoire d'Afrique. Soit un véritable sous-continent où ses composantes populaires multiethniques et pluriculturelles des Kabyles, Mozabites, Chaouias, Touaregs, Sanhadja, Zenâta, Chenaoua, Ouargli, Berbères arabophones, Arabes, Kouloghlis, Noirs, Blancs, Métis, Immigrés, Naturalisés, etc, communient tous autant qu'ils sont dans le dénominateur commun de l'Algérianité plurielle où les traditionnels liens tribaux consanguins d'antan ont cédé la place aux rapports contemporains de concitoyenneté démocratique pluraliste. A l'instar des mutations sociohistoriques et économico-culturelles intervenues dans les sociétés moyenâgeuses occidentales et d'ailleurs qui ont permis aux structures socio-anthropologiques de ces milieux de se hisser à niveau d'évolution supérieur, en s'affranchissant ainsi de leurs conditionnements traditionnels atteindre leur rang actuel de puissantes nations modernes, de nos jours.
Et cette identité collective, incluant les diversités nationales du peuple algérien, n'est-ce pas, au fait, le fantastique mouvement populaire du Hirac qui l'a pratiquement affirmée devant les supports médiatiques et réseaux communicationnels du monde entier, et ce, en en fournissant la démonstration magistrale à travers l'ensemble du territoire algérien ?
Tenant compte des nobles idéaux auxquels aspire légitimement la population algérienne, gageons que l'Algérie saura relever le défi de la poursuite de l'objectif national tendant à la concrétisation de l'érection attendue de la Nouvelle République de l'Etat de droit et de Justice indépendante qui placera la nouvelle Algérie parmi le concert des nations démocratiques et modernes du globe.
Pour rappel, un article intitulé «Une Révolution démocratique», paru le 15 novembre 1957 dans El Moudahid, organe central de l'historique FLN (2-) précisait à ce propos, je cite : «Il ne s'agit pas de bâtir un Etat indépendant sur des bases anachroniques et branlantes. La promotion de l'Algérie en une nation moderne et indépendante nécessite la libération du pays du joug étranger (...) comme la rupture avec les structures précoloniales (...) C'est dans ce sens que «Révolution algérienne» exprime à la fois le processus de libération du joug étranger, et la destruction des survivances féodales du Moyen-Âge qui devront céder la place aux fondements démocratiques d'une nation moderne».
L'article poursuivant plus loin : «(...) le peuple algérien est à la fois le plus nationaliste et le plus ouvert qui soit, le plus fidèle à l'Islam et aussi le plus accueillant pour les valeurs extra-islamiques. Des peuples musulmans, il est peut-être un des plus attachés à la foi musulmane et des plus pénétrés de l'esprit de l'Occident moderne (...) Avec le 1er Novembre 1954, l'Algérien retrouve son unité et sa vérité (...) une synthèse dynamique créatrice a lieu entre les aspirations du Moi culturel national et l'esprit moderne dans son universalité.(...) Il est un fait qu'en menant la guerre de libération à son terme victorieux, le peuple algérien ne se contentera pas d'une indépendance politique nominale. Il n'entend pas se débarrasser de l'oppression politique pour se résigner à une oppression économique qui interdit tout progrès social et confère à l'indépendance nouvellement acquise un caractère illusoire (...) En arrachant son indépendance, le peuple algérien qui a été soumis à une effroyable exploitation, ne pourra subsister qu'en édifiant une démocratie sociale effective. Ainsi, la révolution démocratique s'insère dans le processus de la guerre de libération, insertion qui porte à son apogée les aspirations les plus profondes de toutes les couches du peuple algérien visant à la réalisation d'un idéal à la fois politique et social, national et révolutionnaire.» Et l'article de conclure : «Indépendance nationale et révolution démocratique sont indissociables dans la lutte actuelle du peuple algérien (...) L'avènement d'une démocratie effective n'est possible qu'avec l'avènement de l'indépendance nationale (...)» (El Moudjahid Novembre 1957).
*Auteur-journaliste indépendant
Notes
(1)Voir étude analytique «L'historiographie française de l'Algérie et les Algériens en système colonial» de l'historien Gilbert Meynier, site Net de l'auteur, 01 novembre 2010 à 12 h 29 min MEYNIER) / Référence papier : Gilbert Meynier, «L'Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico historiographique», Insaniyat [En ligne], / 65-66 | 2014, 13-70 / Référence électronique : Gilbert Meynier, «L'Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico historiographique», Insaniyat [En ligne], / 65 66 | 2014, mis en ligne le 31 août 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http //journals.openeditions.org/insaniyat/14758.
(2)Voir étude analytique «L'historien de l'historien Gilbert Meynier, Ibid.
(3)Voir l'étude complète du Dr A. Mebtoul sur Internet dans le site Algérie Focus.Com).
(4)Voir article de Lemnouer Merrouche , «L'ancien et le nouveau dans l'ouvrage de M'barek al Mili», analysant son oeuvre parue en deux tomes «Tarikh al-jazai'r fi l-qadim wa l-hadith»,(«Histoire de l'Algérie dans les temps anciens et nouveaux», le tome I consacré à l'antiquité, paru à Constantine en 1928) ; le tome II traitant de la période allant de la conquête arabe jusqu'à l'arrivée des Ottomans, paru en 19 32, la suite projetée, consacrée aux temps modernes, comme l'indique le titre général de l'ouvrage, n'ayant jamais paru), rapporté dans NAQD n° 11, (pp. 91-100), volume consacré aux «Intellectuels et Pouvoirs au Maghreb», itinéraires pluriels, NAQD (revue d'études et de critique sociale, Ben Aknoun, Alger 1998).
(5) Voir «L'Algérie des Anthropologues», (pp. 60-61), de Philippe Lucas et Jean Claude Vatin, Edition I.A.I.G-Ain Benian -Alger 2009. (Ouvrage publié avec le soutien du Ministère de la Culture, 1ère édition en 1976, en France).Les auteurs citent en note, enbas de page 60, les deux enquêtes géographiques et historiques sur Oran et Alger de René LESPES: «Alger, Esquisse de géographie urbaine», Jourdan Alger, 1925 ; «Oran, Etude de géographie et d'histoire urbaines», Jourdan, Paris 1938.
(6) Voir article : «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr» de René LESPES, paru dans la Revue Africaine (pp. 81-85, volume 67, année 1926), Archives consultables sur Site Net Algérie Ancienne, Collection Revue Africaine rééditée par l'O.P.U. (Office des Publications Universitaires, Alger).
(7) On a consulté sur ce point les ouvrages suivants : JOMARD, Les monuments de la géographie, Paris (sans date) - KONRAD KRETSCHNER, Die italienischen portolane des Mittelalters, Heft IS. Febr. 1909 der Veroffentlichungen des Instituts fur Meereskunde u.des geographischen Instuts an der Universitat Berlin herausgegeben von deren Direktor Albrecht Penk, Berlin- CHARLES DE LA RONCIERE, La découverte de l'Afrique au Moyen-âge, Cartographes et explorateurs, tome II. Le périple du continent, Société royale de Géographie d'Egypte, Le Caire 1925, ainsi que les documents anciens et les fac-similés de la Bibliothèque Nationale de Paris, département des cartes.
(8) K.KRESTSCHNER, ouv. Cité
(9) Bib.Nation, Cartes Ge. B 1118
(10) EL-BEKRI, trad. De SLANE, Paris 1859, p. 191.
(11) Bib.Nation. G.B. 1131
(12) Le nom de Soler parait être celui de la petite ville mayorquine
(13) CH.DZ LA RONCIERE, I. p. XV.
(14) K. KRETSCHNER, ouv. Cité
(15) Voir article : «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr», de René LESPES, Ibid.
(16)Voir l'Avant-propos de Jean-Jacques Gonzales de l'ouvrage collectif «2000 ans d'Algérie», tome I, atlantica éditions, Biarritz 1998-Editions Séguier , Paris 1998.
(17) Voir ouvrage de Philipe Lucas et Jean-Claude Vatin «Algérie des chimères et des idées historiquement condamnées, mais singulièrement vivaces», cité en Avant-propos de L'Algérie des anthropologues, Editions I.A.I.G, Ain Benian, Alger 2009
(18) Albert Labarre, Histoire du livre, collection Que sais-je ?, Puf, Paris 1970, Dahlab, Alger 1994.
(19) Cheikh Anta Diop, «Nations, nègres et culture», de Cheikh Anta Diop). ; E.F.Gautier, «Le passé de l'Afrique du Nord», chap.1 La préhistoire, p. 23- 24- 29, éditions P.B. Payot, Paris 1962.
(20) Ginette Aumassip, «L'Algérie des premiers Hommes», éditions Maison des Sciences de l'Homme», Paris 2001
(21) AAAS), a publié le 29 novembre 2018
(22)Voir ouvrage de Saida Bencheikh -Boulanouar «L'Algérie par ses archives- Du royaume de Tihert à la colonisation (VIIIe-XXe siècles)», P. 17, 21, Casbah Editions, Alger 2015
(23) Voir l'entretien avec M. Michel Raimbaud, ancien diplomate français, conférencier en relations internationales, réalisé par Ghania Oukazi, publié dans Le Quotidien d'Oran du lundi 08 juin 2020).
(24) Voir l'entretien avec M. Michel Raimbaud, dans Le Quotidien d'Oran, Ibid.
(25) Voir l'ouvrage du Dr Ahmed Bensaada, «Arabesque$», éditions Investigations, France 2011, et «Arabesque américaine» éditions Investigations, (France 2019).
(26) Voir article «Une Révolution démocratique» paru le 15 Novembre 1957 dans El Moudjahid, organe central de l'historique FLN, reproduit par son auteur, Redha Malek, alors anonyme, dans son ouvrage -document «Guerre de libération et révolution démocratique», pp. 91-97, Casbah Editions, Alger 2010.
Poursuivant plus loin, l'historien indique à propos d'El Djazaïr que «dans les manuels d'histoire français de la IIIe et de la IVe République, ainsi que chez les historiens coloniaux, tels ceux qui, en 1930, célèbrent le siècle d'Algérie française», et dans les Cahiers du Centenaire, l'Algérie est présentée «comme une création française», elle l'est même dans l' «Histoire de France et d'Algérie, d'Aimé Bonnefin et Max Marchand», publié en 1950 : «Ce manuel d'école primaire est une histoire très convenue, une sorte de Lavisse dédoublé France-Algérie - France : pages paires, Algérie : pages impaires -, avec chaque fois une gravure explicative ; cf. les p. 55-56 ...(...) Rien sur le système colonial», et la conquête de l'Algérie est soft, ironise Gilbert Meynier, observant que «la piraterie» (et non «la course») n'est pas expliquée - serait-ce un fait de nature ? - mais sont célébrés les «combattants musulmans de l'armée française»... tandis «que nulle part ne sont notées les continuités depuis le beylik d'avant 1830 jusqu'en 1918», alors qu'«on l'a dit», rappelle l'historien, «le pouvoir français continua à pressurer les Algériens par la fiscalité des «impôts arabes» spécifiques.» (2).
Assurément, le regretté Gilbert Meynier compte parmi les rares historiens de l'Hexagone qui ont eu le mérite d'évoquer cette tendance à la dénégation caractéristique du système colonial français. Et inutile d'évoquer les effets aliénants d'ordre identitaro-culturel que n'ont pas manqué d'entraîner - et qui perdurent à ce jour - ces fâcheux recours à la falsification sournoise des faits d'histoire et occultations voulues par les conquérants, au lendemain de leur mainmise sur les territoires colonisés. Le nouvel ordre établi, la plupart des anciens noms de sites, legs, vestiges culturels autochtones, etc., faisant référence, donc, au patrimoine autochtone, furent écartés et remplacés par d'autres, les colonisateurs les rebaptisant comme ils l'entendaient, faisant fi de leur identité originelle, ancestrale. Et avec l'entame et poursuite acharnée des desseins d'opérations de destructions-reconstructions, suivant les plans préétablis de la logique de l'idéologie d'accaparement colonial, le pays commença à changer sensiblement de «physionomie». Dès lors commença à s'agiter dans les esprits grandiloquents des fiévreux «bonapartistes» français, l'idée tentante d'une «Algérie, création française» ( !?) sous-entendant qu'auparavant ce pays n'existait point, ni qu'il avait un nom.
On reviendra plus loin sur ce subtil et malsain jeu de mots mais auparavant considérons ce que dit l'histoire à propos de l'Algérie et de ses différentes appellations au cours des âges, en se référant notamment à des historiens, géographes, anthropologues, les intellectuels probes, en général ?
En se référant aux écrits d'auteurs anciens et contemporains, dans l'antiquité et durant de longs siècles, on désignait le territoire de l'Algérie en le situant dans la partie centrale de l'antique Berbérie. Les géographes arabes du Moyen Age qualifièrent la contrée d' «île du Couchant» (Djaziret El Maghreb), ce terme Maghreb partageant la même étymologie que le mot Mauritanie, désignant le pays du Couchant, c'est-à-dire la zone islamique de l'Occident par rapport au lieu saint de La Mecque. Cette contrée d' «île du Couchant» correspondait à un immense pays, garni d'ensembles montagneux, forestiers et steppiques de l'Atlas, situé entre l'océan Atlantique et la Méditerranée, incluant d'autre part de vastes étendues de landes et désertiques, et qui devint au XVe siècle la Régence d'Alger: domaine politique d'autorité du Dey qui sous le règne des Turcs fut pour la première fois délimité quoiqu'insuffisamment, et sans le Sahara, désignant Al-Djazair. Suite à l'invasion coloniale française de juillet 1830, la Régence prit d'autres désignations, les Français qui s'y établirent publiant, après les travaux de la Commission d'Afrique, l'ordonnance du 22 juillet 1834, préparée par le Maréchal Soult en tant que Président du Conseil de l'instance légiférant, instituant le régime dit des «Possessions françaises dans le nord de l'Afrique».
Cependant, dès 1831, alors que l'on parlait toujours de l'ancienne Régence ou des «Possessions françaises dans le nord de l'Afrique», la référence en français à El Djazair est mentionnée à deux reprises dans l'ordonnance royale du 1er décembre créant une intendance civile. Et c'est le 31 octobre 1838 que l'appellation «Algérie» est portée dans un bulletin officiel des lois qui favorise la légalisation et propagation du terme, confiant le commandement militaire et la haute administration à un gouverneur général qui, sous le contrôle du ministère de la Guerre, disposait de toute l'autorité pour diriger la contrée comme il l'entendait dans sa logique de conquérant.
Dans une remarquable et édifiante synthèse historique sur le profond passé de l'Algérie, intitulée «Comprendre l'histoire millénaire de l'Algérie», le professeur des Universités et expert international en management stratégique, le Dr Abderrahmane Mebtoul, rapporte : «Dans la langue française, le nom «Algérie» est utilisé pour la première fois en 1866 par Fontenelle pour qualifier la Régence d'Alger» après qu'il ait été «officiellement adopté le 14 octobre 1839 afin de désigner ce territoire faisant partie de la Côte des Barbaresques» (3).
Le mot Algérie faisait, alors, allusion à la partie septentrionale du territoire conquis par la France, à l'exclusion de la zone saharienne avoisinante. Les conquérants français ont voulu voir dans cette appellation «un acte de naissance du pays», comme le mentionne dans son «Histoire de l'Algérie» X. Yacono, annoté par J.-F.Paya. Cependant, bien avant le débarquement des Français à Sidi Ferruch - comment peut-on l'ignorer ?-, l'Algérie existait bel et bien et disposait notamment de ses frontières, quoique imprécises, datant du temps du règne des Ottomans (Régence d'Al-Djaza'ir) et avait derrière elle une longue histoire. Quant à l'appellation Algérie, elle a sa propre histoire.
En effet, le mot Algérie est en rapport direct avec le nom d'Alger qui dérive du catalan «Aldjère», lui-même découlant d'Al-Djazaïr, nom donné par Bologhine Ibn Ziri, fils du fondateur de la dynastie Ziride, lorsque sur les ruines de l'ancienne ville au nom romain Icosium, il bâtit la nouvelle ville en 960 «Djaza'ir Beni Mezghenna», selon ce que rapporte l'universitaire A. Mebtoul. Le nom en français «Algérie» semble donc une reprise, par le biais du catalan, de l'appellation en arabe «Al-Djaza'ir» dont l'étymologie renvoie, par ailleurs, aux îles à proximité du port d'Alger d'après des géographes musulmans du Moyen-Âge. L'étymologie berbère fait également allusion à une «île» alors qu'une autre étymologie prend son origine dans le nom de «Ziri Ibn Menad Djezair», l'anthropologue Tassadit Yacine estimant, pour sa part, que les origines issues de «Mezghenna» proviennent d'une forme arabisée d' «Imazighen» (Berbères), et considère, par conséquent, que le nom originel du pays, c'est celui de «Tiziri At Imezghan» soit «Le Ziri des Berbères».
L'historien M'barek el Mili, pour sa part, s'érigeant contre les thèses coloniales considérant le terme «Algérie», comme création française, leur porte un coup en indiquant dans son ouvrage «Tarikh al-jazai'r fi l-qadim wa l-hadith» (Histoire de l'Algérie dans les temps anciens et nouveaux) : «Al-Jazai'r est le nom d'une ville qui s'appelait «Ecosium» avant l'arrivée des Arabes. Il n'est devenu le nom d'un vaste territoire (watan) que depuis que les Ottomans ont fait de cette ville la capitale d'un royaume ayant des frontières bien fixées. Alors on a donné au watan le nom de la capitale de son Etat» (I, 22, cité par Lemnouer Merrouche dans son article «L'ancien et le nouveau dans l'ouvrage de M'barek al Mili», paru dans la revue NAQD n°11, p.96, (4).
D'autre part, on trouve dans nombre de textes des littératures anciennes de par le monde le terme d'Alger qui est souvent repris en faisant allusion au pays tout entier, l'Algérie. Ainsi Ibn Khaldoun qui dans sa monumentale Muqaddima (Les Prolégomènes) désigne Alger et le pays tout autour par le qualificatif «Bilad Al-Djaza-ir», alors que Cervantès mentionne Alger dans son célèbre roman Don Quichotte publié en 1603 pour évoquer le pays où il fut captif. Terme qu'on retrouve également transcrit dans la littérature russe ancienne, prononçant «Aljir» (entre autres exemples, sa citation dans la dernière phrase de la nouvelle «Journal d'un fou» de Nicolas Gogol).
L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr»
C'est ce que s'est proposé d'établir dans une édifiante contribution René LESPES, agrégé d'Histoire et Géographie qui faisait partie des anthropologues, démographes, ethnologues, etc., qui exploraient l'Algérie durant l'époque coloniale, secondant les missionnaires militaires qui s'attelaient à la poursuite de la même tâche. Ces explorateurs - comme l'observent dans leur ouvrage L'Algérie des anthropologues, Philipe Lucas et Jean Claude Vatan - «(...) traitent plus fréquemment du «problème démographique nord-africain en France» que des questions propres aux populations musulmanes d'Algérie», signalant qu'«il est cependant des exceptions tel René LESPES, à travers deux enquêtes géographiques et historiques sur Oran et Alger».Quoique en général dans ses écrits et ceux de ses compatriotes «(...) les rapports entre populations, phénomènes constants, sources de frictions de plus en plus probables, ne sont évoqués qu'à titre accessoire, jamais de front», soulignent P. Lucas et J. C. Vatan, indiquant, «il faudra attendre l' «explosion» de 1954 pour en trouver des traces écrites», période où «apparaît enfin l'embryon d'une ethnologie se remettant partiellement en question (...)» (5).
Pour ce qui a trait à ce que rapporte René LESPES à propos de ce qui nous intéresse, ce dernier écrit dans son texte intitulé «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr», paru en 1926 dans la Revue Africaine (pp. 81-85, volume 67), je cite : «Le nom arabe d' «El Djezaïr» a été transcrit -ou plus exactement déformé- de manières diverses par les peuples européens qui se sont trouvés en rapport avec ses habitants, (...) il peut être intéressant de rechercher quelle est l'origine de la forme adoptée par les Français, et si elle leur est vraiment particulière, comme on pourrait le croire facilement», observe l'auteur indiquant qu'on sait qu' «Alger (...) est aujourd'hui désignée sous les noms suivants : «Argel» par les Espagnols, «Algierie» par les Italiens, «Algiers» par les Anglais et les, Hollandais, «Algier» par les Allemands, pour ne citer que ces peuples . Ceux du Nord sont entrés en relation avec la ville musulmane plus tardivement que les populations méditerranéennes ; celles-ci commerçaient en effet avec elle dès le douzième siècle, par l'intermédiaire des navigateurs catalans, pisans et génois (...) on est tout simplement amené à rechercher leurs plus anciennes transcriptions dans les documents qui émanent de leurs marins, c'est-à-dire dans ces cartes dressées à la boussole que l'on nomme «portulans» (6).
L'auteur poursuit plus loin : «Les plus anciens documents cartographiques connus sur lesquels figure une transcription européenne d' «El Djezaïr» sont : un portulan du 13e siècle conservé à Gênes, l'Atlas de Tammar, Luxoro (ou Louxoros) (7), et une carte pisane de la Bibliothèque Nationale que l'on date entre les années 1275 et 1300 (8).» Or, remarque René LESPES, «ils portent deux dénominations bien différentes : Alguer pour la première, Algezira pour la seconde», estimant qu' «il est trop clair que cette dernière forme est la simple reproduction qu'il faut prononcer à l'italienne (Aldjezira) du terme arabe qui signifie «l'île». El Bekri, qui cite cependant le nom de Djezaïr Beni Mesguenna, c'est-à-dire le pluriel, «les îles», ajoute immédiatement après : «l'île s'appelle Stofla» (9). Sans doute les navigateurs avaient-ils l'habitude de considérer le groupe des îlots dans leur ensemble ; aussi bien ne les intéressaient-ils que par l'abri que leur fournissait ce brise-lames naturel. Ainsi s'explique la dénomination de la carte pisane. Quant à la forme Alguer, elle paraît être proprement catalane.» (10).
René LESPES ponctuant avec les éclairages suivants : «(...) De l'énumération de tous ces textes, il ressort clairement que la transcription Alger (Aldjèr) était d'un usage courant au 15e siècle parmi les géographes catalans, et assurément les navigateurs», et qu'il est«(...) ainsi amené à croire que c'est par eux que cette forme a été transmise aux Français qui en ont simplement modifié légèrement la prononciation», considérant qu' «(...) en contact plus direct avec les Maures, il est naturel que les Catalans aient été nos devanciers en cette circonstance», précisant que «c'est au 16e siècle, alors que l'université espagnole fut définitivement réalisée, que la forme castillane Argel triompha de la forme catalane (...) Quant à la transcription italienne Algieri qui a succédé à «Zizera, Ziziera, Zizara», on la trouve déjà, à peu de choses près, dans le portulan de Guglielmo Soleri (11), dressé vers 1380 par un Juif majorquin converti qui, comme on le voit, a pris un nom de baptême italien et a italianisé son nom d'origine» (12), René LESPES estimant qu'«Algier qu'on lit sur ce document, et qu'il faut sans doute prononcer à l'italienne Aldjiér est une simple accommodation de l'Aldjère catalan. Algieri», qui, «figure sur un planisphère italien du 15e siècle, de la Bibliothèque Vaticane (13), ainsi que sur le portulan de Magliabecchi de la même époque» (14).
Et l'historien de conclure qu' il semble résulter «de cet examen des plus anciens documents cartographiques, que c'est au 16e siècle, seulement, que se sont individualisées et fixées pour les différents peuples européens les transcriptions diverses du nom arabe d'El Djezaïr. Les géographes et cartographes catalans, les Juifs majorquins, tout particulièrement, ont eu certainement une influence considérable dans l'adoption de la forme-type, dont les autres, et notamment la française, paraissent bien être dérivées». (15).
Comme on le voit, le nom d'Alger (qui complètera l'appellation Algérie) n'est point d'origine française mais découle d'une transcription-traduction européenne du terme algérien «El Djezaïr» désignant toute l'Algérie. Et il faut rendre hommage à l'honnêteté intellectuelle d'un René LESPES, entre autres, qui fidèle au dévouement au savoir n'a pas hésité à remettre en cause le parti pris de nombre de ses collègues contemporains, ce qui fait honneur à sa discipline et à la connaissance scientifique en général. Et ce d'autant plus qu'en son temps, le climat était propice à la diffusion tout azimuts des idéaux coloniaux, et notamment la propagation de cette fable que l'Algérie n'avait ni de nom spécifique à elle ni qu'elle avait existé avant la conquête française...
Ainsi, il apparaît en toute logique que le terme dénominatif «Algérie» est composé en français du terme «Alger» + les deux voyelles «i/e», pour former le mot global «Alger/ie», désignant le territoire algérien. Soit une juxtaposition s'appuyant sur le nom préexistant «Alger» et les suffixes des deux voyelles «I-E» pour désigner «l'Algérie» : autrement dit, qu'il s'agit là d'une simple combinaison de mots qui était loin de constituer la création d'un nom, sachant qu'elle s'appuie sur le nom préexistant «Alger» qui découle d'une autre origine comme l'indique le point de vue assez objectif de l'auteur français René Lespes qui a eu l'honnêteté de faire la part des choses, concernant cette question. Contrairement à l'idée qu'entretenaient ses compatriotes contemporains, comme si avant la conquête de l'Algérie le pays n'était rien et que ce n'est qu'après l'invasion coloniale française de 1830 que «l'acte de naissance» de l'Algérie qui aurait été ainsi «baptisée», a pu voir le jour, à la faveur des «bienfaits de la civilisation française». Amen!
Une «Algérie des chimères» dans «le crâne colonial»
C'est ce que soutient, entre autres intellectuels français pro-coloniaux, un Eric Zemmour, extrémiste de droite notoire de son état, qui affirma que l'Algérie n'existait pas et qu'elle a été créée par la France. Il est vrai que par le passé lointain l'Algérie n'étant pas encore constituée historiquement et n'ayant pas encore son appellation actuelle, se confondait avec la partie centrale de la Berbérie antique. Tout comme les Etats et nations du monde qui n'étaient pas encore constitués, institutionnellement, par le passé ni qu'ils avaient leurs désignations modernes, actuelles, ce qui ne signifie pas qu'ils n'existaient pas sous d'autres configurations géopolitiques appelées autrement. Aussi, en usant d'un jeu de mots sournois et osant prétendre que l'Algérie a été «inventée» par la France coloniale, Eric Zemmour se trompe en croyant que le piège de substitutions de termes suffit pour oblitérer la réalité historique de l'Algérie qui existait bel et bien par le passé et n'a pas attendu la France «pour venir au monde» : elle avait seulement une autre appellation, tout comme la France d'ailleurs. Et pour le mentionner encore une fois, le nom de la capitale du pays, à savoir Alger, existait également bien longtemps avant l'invasion coloniale française, comme le prouve son nom en catalan Alguer d'où dérive sa traduction en français Alger, nom auquel il suffisait d'ajouter les deux voyelles «I-E» pour que l'appellation composant le mot «Algér/ie» soit là : un nom issu de l' assemblage de deux termes, n'ayant absolument rien à voir avec une invention ou création à partir de rien, mais qui est plutôt le fait d'une juxtaposition ou ajout de deux lettres d'alphabet latin à un mot préexistant «Alguer» ; traduction catalane du nom antérieur d'«El Djazaïr».
Quant à l'allégation sournoise prétendant que «l'Algérie n'existait pas avant l'occupation française», comment peut-on écarter d'un simple revers de main la réalité historique, avérée, d'un vaste territoire qu'incluait, pourtant, l'Afrique septentrionale, ou la Berbérie antique dans sa zone centrale ! Ceci, sachant pertinemment que même si un territoire d'une contrée quelconque donnée n'est pas répertorié et désigné sur une carte géographique, par exemple, cela ne veut nullement dire que ce pays n'existe pas et que, par conséquent, n'étant pas désigné sur une cartographie de repérage, il ne pourra pas prétendre à une existence effective !? Que dire alors des contrées de par le monde, qui ont longtemps attendu avant d'être répertoriées sur cartes géographiques ? Cela signifie-t-il qu'auparavant ces pays n'existaient pas ou n'avaient commencé à exister qu'après leur consignation sur carte!
Et même lorsqu'on vient à ne se fier qu'aux repérages des cartes, dans notre quête d'information sur telle ou telle contrée géographique de par le monde, il convient de ne pas omettre cette sage recommandation des géographes aguerris, qui préviennent de se garder toujours de prendre la carte pour le territoire. Histoire de dire qu'une représentation graphique, abstraite, renvoyant à une réalité donnée, existant concrètement sur le terrain, peut ne pas en être le reflet fidèle ou carrément leurrante. Comme c'est le cas des calembours falsificateurs des amateurs de jeu de mots mystificateurs, s'apparentant aux savants numéros de prestidigitation ou jeu de cache-cache, trompant pour un temps les esprits non avertis. Aussi à cette grossière allégation prétendant, à qui veut la prendre pour argent comptant, que l'Algérie n'existait pas avant la conquête coloniale française, anthropologues et historiens internationaux de renom attestent dans leurs écrits archivés que l'Algérie existait bel et bien par le passé profond mais qu'elle était simplement désignée sous une autre appellation, comme tant d'autres nations du monde, d'ailleurs.
Comme l'existence identitaire d'un pays est souvent avérée par la présence d'un patrimoine archéologique et anthropo-historico-culturel ancestral, et non pas par sa simple appellation et qui justifierait son existence sachant très bien que cette appellation pourrait changer au cours de l'histoire comme c'était le cas au Congo Kinshasa qui est devenu le Zaïre mais qui n'a pas pour autant été (ré)inventé ou qu'il ait disparu puis réapparu, comme ça, grâce à une «baptisation» qui l'aurait fait jaillir ou rejaillir comme ça, comme par un coup de baguette magique !?
En laissant de côté ces préjugés , et en prenant notamment le recul nécessaire de la pensée, on s'aperçoit que l'Algérie n'est point une «tabula rasa» et qu'elle a un immense et prestigieux passé, riche de ses diversités autant historiques que paléo-historiques, et que sa confrontation avec l'Europe a déjà eu lieu depuis fort longtemps, et que sa part d'apport au confluent «Maghreb/Andalousie» n'a pas été pour rien «dans l'édification de la conscience européenne et dans la transmission de l'héritage grec, de la pensée rationnelle (science et philosophie), et des controverses entre pensée religieuse et pensée scientifique. Bref, dans ce que nous croyons n'appartenir qu'à l'Europe, être sa signature même», comme l'écrit à juste titre le professeur de philosophie et écrivain Jean-Jacques Gonzales en Avant-propos de l'ouvrage collectif «2000 ans d'Algérie» (16)
C'est qu'il y a, comme en font écho le sociologue Philipe Lucas et le chercheur Jean-Claude Vatin, dans leur ouvrage une «Algérie des chimères et des idées historiquement condamnées, mais singulièrement vivaces», dans «le crâne colonial (qui) pèse lourd aujourd'hui encore sur la connaissance de l'Algérie» (17). Autrement dit, le recours aux subterfuges de la stratégie coloniale de la table rase, usant de diverses manœuvres de falsification et d'ignorance des faits de l'histoire, ne pourra jamais parvenir à ses fins, avec ces tendances pernicieuses s'attelant à occulter, de la sorte, l'entité culturalo-identitaire spécifique à l'Algérie et à son histoire multimillénaire. Ce n'est pas d'un simple revers de main que l'on pourra balayer un passé millénaire aussi riche et complexe que celui de l'Algérie et ignorer, ainsi, avec une telle imprudente méprise son immémoriale histoire qui remonte à la nuit des temps.
Et en effet, l'Algérie (El Djazaïr) a toujours témoigné, que ce soit de nos jours ou par le passé antique, de la grande richesse de ses diversités culturelles et communautaires originales, à l'image de la multiplicité de ses reliefs, espaces, climats, etc., conférant à cette contrée toute sa force mais aussi toute son hétérogénéité découlant également du cheminement particulier d'une préhistoire, protohistoire et Histoire, riches en événements et bouleversements marquants, caractérisant le cours évolutif d'un peuplement multiethnique et pluriculturel, se fondant sur un substrat paléo afro-numido-amazigh très complexe. Un fond originel qui connaîtra, tout au long de sa formidable trajectoire protohistorique et historiques évolutifs, divers apports résultant des contacts avec les cultures des peuplades et communautés extérieures, à la faveur des violents heurts ou rapports d'échanges comme ce fut le cas lors des confrontations historiques avec les conquérants phéniciens, romains, byzantins, vandales, arabes, espagnols, ottomans, français, en passant par les phases d'imprégnation cultuelle et culturelle judéo-chrétiennes, latines puis d'islamisation et arabisation de vastes contrées de l'Algérie médiévale et du Maghreb, en général.
L'Algérie, «un des principaux berceaux de l'humanité»
Apports cultuels et culturels d'éléments épars et diversifiés qui se sont intégrés avec le temps - à l'issue d'une complexe évolution au cours des différentes époques historiques traversées - à la matrice génitrice des particularités de la civilisation autochtone qui, forte de ces enrichissements extérieurs, s'est attelée depuis à l'affirmation des prémices des fondements patrimoniaux de l'identité plurielle évolutive des Algériens et des Magrébins, d'une manière générale. Véhiculeur de cet héritage de legs culturels, pluriethniques et multiculturels, originels et résultant des apports évolutifs au cours des âges, communément partagés, le patrimoine paléo-afro-numido-amazigh de la contrée centrale de la Berbérie antique, berceau territorial ancestral de la future Algérie (El Djazaïr), à venir, est absolument fabuleux. La préhistoire de la contrée ne révèle-t-elle pas une présence humaine qui y remonterait à quelque 400.000 ans ? Et le Tassili N'Ajjer, cet immense «musée préhistorique à ciel ouvert», n'abrite-t-il pas -comme le constatèrent ses divers explorateurs locaux et de par le monde, à l'instar du pionnier Henri Lhote, Malika Hachid, Ginette Aumassip, Claude Chemla, Slimane Hachi, Georges Cristea, Jean Guillain, etc.- ces fameuses peintures ou gravures rupestres, reflétant les divers aspects des mœurs et coutumes des peuplades de ces époques préhistoriques ? (18) Ces communautés de tribus autochtones ne seraient-elles pas, selon divers anthropologues et chercheurs dont Malika Hachid, à l'origine de ces héros Amazighs civilisateurs du Maghreb issus d'une brillante civilisation africano-saharienne, cinq mille ans avant les pyramides ?
Ces peuplades autochtones paléo-afro-numido-amazighs qui se sont naturellement métissées au cours de la longue marche du temps ne disposaient-elles pas, vraisemblablement, d'un mode langagier primitif approprié, expression de leur propre forme d'«écriture» archaïque- paléographique et que des chercheurs pressentent, aujourd'hui, qu'elle serait à la base de l'émergence du Libyque, la plus ancienne écriture de l'Afrique du Nord, datant de plus de 3000 ans ? Des vestiges épigraphiques ne témoignent-ils pas dès la phase protohistorique des prémices de l'évolution du langage iconographique illustré par l'assemblage de motifs pictographiques, conçus en véritables signes idéographiques, amorçant dès ces phases culturelles, antérieures, innovantes, une tendance nette à la schématisation à base géométrique, préludant aux ébauches des premières formes signifiantes des graphismes d'idées, ou esquisses initiales, néolithiques, des subtiles formes primordiales du langage écrit à venir ? (19).
Et pourrait-on ajouter, est-ce par hasard qu'un professeur du Collège de France, en l'occurrence Jean Guillain, en est venu à soutenir que «l'Algérie est en fait un des principaux berceaux de l'humanité», comme il le souligne dans sa préface de l'ouvrage de l'éminente chercheuse Ginette Aumassip («L'Algérie des premiers Hommes») ? Ce qu'il a consigné, à ce propos : «L'Algérie occupe dans le panorama de la préhistoire mondiale une place de premier plan. Le nombre, la qualité de ses gisements, du plus ancien paléolithique jusqu'à la protohistoire, leur confèrent une position d'exception. Par la diversité de son espace géographique, elle est impliquée dans la plupart des grands problèmes qui concernent l'humanité ancienne : émergence d'industries archaïques sur galets, extension d'Homo Erectus puis d'Homo Sapiens Sapiens, rôle du continent africain dans le processus d'accès à l'économie productrice, longue durée et richesse d'un art rupestre multiforme, interaction entre les cultures de tradition orale et les premières civilisations historiques» (20).
Et Jean Guillain et Ginette Aumassip n'ont pas cru si bien dire en considérant déjà en 2001 l'Algérie comme étant l'un des principaux berceaux de l'humanité et voilà que près de deux décennies plus tard, la prestigieuse revue américaine «Science», éditée par l'Association américaine pour l'avancement de la science (AAAS), a publié le 29 novembre 2018 les résultats de recherches en paléoanthropologie, menées par une équipe internationale de chercheurs pluridisciplinaires (dirigée par l'Algérien le professeur Mohamed Sahnouni) qui a découvert dans le site de Aïn Boucherit (commune de Guelta Zerga près de la ville d'El Eulma, wilaya de Sétif, Est algérien) plus de 250 outils lithiques (pierres incluant choppers, nucléus, polyèdres, subsphéroides, éclats, lames...), soit des galets taillés en calcaire et en silex, remontant à environ 2,4 millions d'années : des outils ressemblant exactement à ceux dits Oldowan, trouvés jusqu'alors principalement en Afrique de l'Est. Comme ont été aussi déterrés à leur proximité des dizaines d'ossements d'animaux fossilisés (apparemment des ossements d'ancêtres de crocodiles, éléphants, hippopotames ou encore de girafes...), présentant ce qui ressemble à des marques d'outils de boucherie préhistoriques. Et sachant que l'Afrique de l'Est est considérée, depuis des décennies, comme le berceau de l'humanité pour ses outils préhistoriques les plus anciens datant de 2,6 millions d'années, la récente découverte faite en Algérie, en 2018, classe désormais le site d'Aïn Boucherit (Sétif) comme étant le deuxième site archéologique le plus ancien d'Afrique et du monde, après celui de Kota Gona, en Ethiopie. (21).
Cette découverte, mise au jour dans le vaste Sahara algérien, vient démontrer non seulement l'ancienneté préhistorique du peuplement multiethnique de l'Algérie dont le territoire se confondait, alors, avec la zone centrale de l'antique Berbérie) mais aussi que son histoire remonte à l'aube de l'humanité : ce qui fait d'elle du coup, comme on a pu le dire, l'un des principaux berceaux de l'humanité, son patrimoine ancestral revêtant indéniablement une portée universelle. (A signaler que cette équipe de recherche internationale et pluridisciplinaire avait pris, auparavant, la précaution d'utiliser quatre méthodes différentes de datation pour fiabiliser l'âge des dépôts fossilifères).
Quantité d'autres vestiges paléographiques considérables, témoignent de ce fabuleux patrimoine de l'Algérie préhistorique et de son peuplement ancien, les pictographies des parois rupestres du Sud algérien et de certaines régions du Nord, témoignant à ce jour du vécu quotidien de ces peuplades paléo-afro-berbères métissées, notamment ces inscriptions amazighes antiques préfigurées en écriture tifinagh et autres, innombrables, en tifinagh ouan aman écriture berbère saharienne. Ceci sans omettre ce que les travaux d'exploration archéologique et anthropologique des diverses ères et époques protohistoriques et historiques ont pu extirper du passé comme legs antiques et données archivistiques ayant trait aux périodes des présences romaine, byzantine, vandale, arabe, ottomane, française au Maghreb, avec notamment la période marquante relative à l'islamisation de la contrée et ce qui en est suivi comme héritage spirituel et culturel, côtoyant l'héritage patrimonial amazigh. A l'image de ces inscriptions berbères ancestrales jouxtant de mystérieuses écritures arabes en coufique ancien, gravées ou peintes sur les parois du Tassili Tim Missao ou celles des grès d'In Ghar, reflétant, à une autre étape de l'évolution historique du pays, succédant à l'ère protohistorique, l'identité en formation des autochtones, en constante mutation interactionnelle au contact des flux migratoires de passage.
Pour sa part, Saida Bencheikh-Boulanouar (chercheure en histoire de l'écrit et enseignante universitaire, doctorat de l'Ecole pratique des hautes études, Paris-Sorbonne) considère qu' à un autre niveau de l'histoire de l'Algérie, en l'occurrence la période médiévale et postmédiévale, des pans importants de l'évolution historique sont souvent occultés par les historiens et chercheurs qui ont tendance à négliger les sources arabes et musulmanes, pourtant révélatrices par bien des côtés (c'est aussi l'avis du regretté historien Gilbert Meynier qui pour rappel, a produit un mémorable «Algérie des origines», où à l'instar de son ami et fréquent collaborateur Mohamed Harbi, il tente de combler cette déplorable lacune occasionnée par cette ancienne tendance des successifs régimes monopartistes, algériens, qui s'échinait à faire débuter l'histoire du pays qu'à partir de l'avènement de l'islam, amputant du coup l'Algérie de son prestigieux patrimoine millénaire amazigh...).
A cet autre niveau de l'histoire du pays, la chercheure Saida Bencheikh-Boulanouar considère, également à juste titre, que «pour les Algériens répertorier les sources arabes et ottomanes est un devoir de mémoire à accomplir, une réparation. Un oubli de l'histoire contemporaine (...) à réparer», déplorant «les documents manuscrits arabes et ottomans qui sont le produit de la civilisation musulmane et la trace de l'Algérie médiévale et ottomane sont quasiment absents des références des historiens. Comme si l'histoire algérienne ne commençait qu'avec la colonisation, en 1830, (...) les sources arabes et ottomanes de l'histoire de l'Algérie (...) sont rares dans les fonds d'archives algériens. Or, l'Algérie était riche d'un patrimoine archivistique de manuscrits rares et précieux et surtout d'une tradition intellectuelle, littéraire et scientifique.» Et l'universitaire de se demander non sans raison à propos de ces références patrimoniales «où sont-elles ? (...) Comment accéder à ces sources ? (...) les documents arabes et ottomans conservés à Istanbul, produit des relations entre les deux pays, ceux conservés en France et en Algérie, méritent d'être portés à la connaissance car ils constituent les sources incontournables.» Par ailleurs, «d'autres sources méditerranéennes, arabes, ottomanes ou persanes inédites permettraient de confronter les données historiques», indique notre chercheure, insistant sur le fait que «l'histoire de la période coloniale» de l'Algérie comporte nombre «(...) de lacunes des périodes qui la précèdent» (22), qu'il convient absolument de reconsidérer dans un souci d'objectivité et d'impartialité conclut la spécialiste algérienne en historiographie maghrébine qui a su se montrer assez convaincante dans ses assertions- on ne peut plus amplement justifiées au constat des archives progressivement mises à jour et qui lézardent bien des «vérités historiques» qu'on croyait solidement établies jusqu'ici...
Autant de données d'ordre archivistique qui apparaissent comme d'importantes sources historiques susceptibles d'apporter nombre d'éclairages sur des zones d'ombre délaissées ou ignorées du passé du pays. Documents archivistiques qu'il convient de récupérer sans tarder, y compris ceux entreposés dans d'autres contrées que celles citées, notamment celles de France, Angleterre, Espagne, Russie, Allemagne (l'ex-RDA), pays démembrés de l'ex-Yougoslavie et de l'ex-Tchécoslovaquie, Malte, Cuba, Egypte, Syrie, Liban, etc. Soit des manques à gagner ou «trous béants» dans la mémoire historique du pays que mettent justement à profit historiens pro-coloniaux et partisans de l'idéologie de la table rase pour avaliser leur thèse de l'Algérie, «pays dénué d'Histoire», et «pure création de la France coloniale».
Néanmoins, pareilles tentatives d'occultation et de falsification des noms et des lieux de contrées historiques, les interprétant d'une manière fallacieuse, en concevant autrement les faits et évènements historiques, ne résistent pas aux données objectives de l'évolution de l'Histoire qui finissent généralement par imposer, tôt ou tard, leur réalité : comme celle inhérente à El Djazaïr, affirmée par son éclatante évidence, l'Algérie ayant non seulement son Histoire et ses référents identitaires spécifiques mais jouit aussi d'un prestigieux patrimoine ancestral d'une portée universelle, indéniable.
Aujourd'hui l'on sait très bien que les pays souverains, ou anciennes colonies libérées du joug colonial d'antan, ont résolument tourné la page du passé, en affirmant une nette volonté de coopération internationale, de dialogue, échanges équitables, entre peuples et nations du monde, etc., etc. Mais malheureusement les machiavéliques tendances pro-coloniales, menaçant l'intégrité de ces fragiles pays émergents, pourtant indépendants et affranchis depuis belle lurette du parrainage du joug colonial de naguère, ne continuent pas moins de persister de nos jours, à un autre niveau de l'évolution historique, et bien évidemment sous d'autres formes pernicieuses d'ingérence néocoloniale : une situation déplorable qui n'est pas sans constituer une violation flagrante du droit international.
Autres temps, autres stratégies néocoloniales
En réponse à des questions relatives à son ouvrage «Tempête sur le Grand MMoyen-Orient», (Editions Ellipses Paris 2015, traitant de la question particulière des «révolutions des printemps arabes»), et à d'autres questions en rapport avec l'actualité du moment, lors de son interview par le journal francophone algérien Le Quotidien d'Oran, M. Michel Raimbaud, ancien diplomate et conférencier français, expert en relations internationales, a notamment déclaré, je cite : «(...) on ne peut qualifier de «révolutions» des mouvements dont le seul programme consiste à «faire tomber le régime», dont les meneurs sont manifestement inspirés et téléguidés par l'étranger, formés en Occident (par des «ONG» américaines spécialisées dans la promotion de la démocratie et droits de l'homme), qui bénéficient du soutien occidental politique, diplomatique, militaire, par le biais des services secrets, des conseillers spéciaux, des forces armées, etc., qui sont pris en charge par les forces extrémistes de l'islam politique, parrainées et soutenues par l'OTAN, la Turquie et les régimes du Golfe, dont le label démocratique est plus que douteux, et l'inspiration révolutionnaire très problématique, qu'appuient toutes les forces réactionnaires.(...)» (23) Et à une question relative au soulèvement du mouvement populaire algérien , s'il s'inscrit dans la même logique des «révolutions arabes...», l'ancien diplomate dira notamment : «(...) L'Algérie avait connu en janvier 2011 une tentative de «révolution» à la mode des «printemps arabes», mais le mouvement avait été de très courte durée (...), je m'abstiendrai de porter un jugement sur le «Hirak» algérien de maintenant. Je noterai seulement qu'il n'arrive pas seul et s'inscrit dans une nouvelle vague ayant affecté notamment le Soudan et le Liban. Le retour de «printemps» présente le double visage déjà noté dans les évènements de 2010/2011 : des revendications populaires qui ne sont sans doute pas dépourvues de fondement, mais également et prenant assez rapidement le pas sur les premières, des tentatives de manipulation de l'étranger pas très différentes de celles d'il y a dix ans. On doit toujours, me semble-t-il, se méfier des exigences trop simplistes, et trop radicales visant à «renverser le régime» et tous ses symboles afin de «donner le pouvoir au peuple», sans se soucier de la permanence de l'Etat (...)» (24).
Par ailleurs et d'après ce que révèlent les livres-enquêtes du Dr Ahmed Bensaada (26), au moment où l'Algérie, en dépit des manques à gagner, semble résolue à relever le défi de la poursuite prudente du processus d'édification de cette Algérie nouvelle de l'Etat de droit et Justice indépendante, etc. - tel que l'a revendiqué à juste titre le mouvement populaire béni du Hirak -, voilà que des éléments sournois au service d'ONG étrangères, celles-là même qui ont programmé le chaos et l'anarchie en Libye, Syrie, Yémen, etc., ont infiltré ses rangs et tenté de l'orienter dans une tout autre direction stratégique que celle visée par le Hirak mais dont la quasi-majorité des manifestants, scandant sincèrement les légitimes revendications de changement de système, ne se sont guère rendu compte, cependant, de ces machiavéliques tentatives de manipulations.
Fort heureusement, il y eut la réaction vigilante d'éléments du Hirak qui s'étant aperçus des tentatives d'ingérences étrangères ont condamné sans équivoque la position de l'Union européenne et de la France, leur rappelant que les affaires intérieures du pays concernent les Algériens entre eux, soulignant que la question est d'ordre «algéro-algérienne».
Quoi qu'il en soit, il est plus que probable que le proche avenir apportera des éclairages sur la question afin que la part des choses soit bien faite, entre le Hirak populaire et ses nobles objectifs légitimes d'auparavant et les forces nuisibles qui l'ont infiltré et tenté d'orienter dans une tout autre direction le conduisant perfidement à la situation dangereuse de «non-Etat», débarrassé de son bras armé l'ANP, pourtant accompagnateur du Hirak et dépositaire de Bouteflika et tout ce que représente le régime de ce dernier, suivant les revendications du mouvement populaire algérien. Les manipulateurs ont tablé sur la confusion pour favoriser l'anarchie, et il faut dire que cette situation n'est pas sans profiter, également, aux partisans de l'ancien régime déchu de Bouteflika et dont les complicités, opérant à divers niveaux des institutions nationales, entravent le processus des réformes en cours alors qu'à l'autre bout, des personnalités intransigeantes connues de l'opposition mettent à profit l'aubaine du Hirak pour se refaire une virginité, en prônant notamment des attitudes radicales, certaines d'entre elles entretenant d'énigmatiques liens avec les éléments et cyberactivistes infiltrés de ces sournoises ONG, selon le Dr Ahmed Benssada. Quant à la composante majoritaire du mouvement populaire, elle ne fait qu'exprimer son cri de colère et d'indignation contre un système injuste d'oppression et de gabegie avec sa légitime revendication de l'avènement d'une Nouvelle République salvatrice, consacrant l'Etat de droit, de Justice indépendante, des libertés collectives et individuelles, du pluralisme démocratique, etc.(Une parenthèse juste pour rappeler ce que l'auteur du présent écrit avait notifié dans un article intitulé «Il faut de l'audace pour sortir le pays de son statuquo...», publié dans Le Quotidien d'Oran en mai 2012, mentionnant, je (re)cite : «(...) ces ingrédients nocifs (...) servent de mèche aux révoltes sporadiques qui risquent dans un proche futur de se généraliser si d'ici-là rien d'efficient ( ...) n'est envisagé de façon profonde non leurrante (...) en vue de dégager les voies d'une possible assisse rénovatrice politico-structurelle, susceptible de relancer concrètement le processus démocratique en Algérie dans un proche futur (...) il ne faut pas s'aveugler : en l'absence de recours démocratiques judicieux, une révolte généralisée peut survenir au moment le plus imprévu....» (archives mai 2012, accessibles dans le site du journal, via Google).
On peut dire, in fine, que les fictions mystificatrices ou menées falsificatrices fallacieuses de toutes idéologies nihilistes, hégémoniques et bellicistes, d'où qu'elles émanent, auront beau cogiter et perdurer un certain temps, à la longue, elles finissent généralement par apparaître comme de vains soubresauts incongrus de piètres agitations d'un tout autre âge.
En tout état de cause, et tenant compte de la somme de facteurs déterminants les conjonctures complexes en cours et leurs conséquences, il convient de ne point être dupe des tractations et périls ciblant l'Algérie, à divers niveaux, d'où la nécessité qui s'impose d'une vigilance permanente embrassant l'ensemble du territoire national algérien dont la vaste superficie fait aujourd'hui du pays, suite à la scission du Soudan, pratiquement le plus grand territoire d'Afrique. Soit un véritable sous-continent où ses composantes populaires multiethniques et pluriculturelles des Kabyles, Mozabites, Chaouias, Touaregs, Sanhadja, Zenâta, Chenaoua, Ouargli, Berbères arabophones, Arabes, Kouloghlis, Noirs, Blancs, Métis, Immigrés, Naturalisés, etc, communient tous autant qu'ils sont dans le dénominateur commun de l'Algérianité plurielle où les traditionnels liens tribaux consanguins d'antan ont cédé la place aux rapports contemporains de concitoyenneté démocratique pluraliste. A l'instar des mutations sociohistoriques et économico-culturelles intervenues dans les sociétés moyenâgeuses occidentales et d'ailleurs qui ont permis aux structures socio-anthropologiques de ces milieux de se hisser à niveau d'évolution supérieur, en s'affranchissant ainsi de leurs conditionnements traditionnels atteindre leur rang actuel de puissantes nations modernes, de nos jours.
Et cette identité collective, incluant les diversités nationales du peuple algérien, n'est-ce pas, au fait, le fantastique mouvement populaire du Hirac qui l'a pratiquement affirmée devant les supports médiatiques et réseaux communicationnels du monde entier, et ce, en en fournissant la démonstration magistrale à travers l'ensemble du territoire algérien ?
Tenant compte des nobles idéaux auxquels aspire légitimement la population algérienne, gageons que l'Algérie saura relever le défi de la poursuite de l'objectif national tendant à la concrétisation de l'érection attendue de la Nouvelle République de l'Etat de droit et de Justice indépendante qui placera la nouvelle Algérie parmi le concert des nations démocratiques et modernes du globe.
Pour rappel, un article intitulé «Une Révolution démocratique», paru le 15 novembre 1957 dans El Moudahid, organe central de l'historique FLN (2-) précisait à ce propos, je cite : «Il ne s'agit pas de bâtir un Etat indépendant sur des bases anachroniques et branlantes. La promotion de l'Algérie en une nation moderne et indépendante nécessite la libération du pays du joug étranger (...) comme la rupture avec les structures précoloniales (...) C'est dans ce sens que «Révolution algérienne» exprime à la fois le processus de libération du joug étranger, et la destruction des survivances féodales du Moyen-Âge qui devront céder la place aux fondements démocratiques d'une nation moderne».
L'article poursuivant plus loin : «(...) le peuple algérien est à la fois le plus nationaliste et le plus ouvert qui soit, le plus fidèle à l'Islam et aussi le plus accueillant pour les valeurs extra-islamiques. Des peuples musulmans, il est peut-être un des plus attachés à la foi musulmane et des plus pénétrés de l'esprit de l'Occident moderne (...) Avec le 1er Novembre 1954, l'Algérien retrouve son unité et sa vérité (...) une synthèse dynamique créatrice a lieu entre les aspirations du Moi culturel national et l'esprit moderne dans son universalité.(...) Il est un fait qu'en menant la guerre de libération à son terme victorieux, le peuple algérien ne se contentera pas d'une indépendance politique nominale. Il n'entend pas se débarrasser de l'oppression politique pour se résigner à une oppression économique qui interdit tout progrès social et confère à l'indépendance nouvellement acquise un caractère illusoire (...) En arrachant son indépendance, le peuple algérien qui a été soumis à une effroyable exploitation, ne pourra subsister qu'en édifiant une démocratie sociale effective. Ainsi, la révolution démocratique s'insère dans le processus de la guerre de libération, insertion qui porte à son apogée les aspirations les plus profondes de toutes les couches du peuple algérien visant à la réalisation d'un idéal à la fois politique et social, national et révolutionnaire.» Et l'article de conclure : «Indépendance nationale et révolution démocratique sont indissociables dans la lutte actuelle du peuple algérien (...) L'avènement d'une démocratie effective n'est possible qu'avec l'avènement de l'indépendance nationale (...)» (El Moudjahid Novembre 1957).
*Auteur-journaliste indépendant
Notes
(1)Voir étude analytique «L'historiographie française de l'Algérie et les Algériens en système colonial» de l'historien Gilbert Meynier, site Net de l'auteur, 01 novembre 2010 à 12 h 29 min MEYNIER) / Référence papier : Gilbert Meynier, «L'Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico historiographique», Insaniyat [En ligne], / 65-66 | 2014, 13-70 / Référence électronique : Gilbert Meynier, «L'Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico historiographique», Insaniyat [En ligne], / 65 66 | 2014, mis en ligne le 31 août 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http //journals.openeditions.org/insaniyat/14758.
(2)Voir étude analytique «L'historien de l'historien Gilbert Meynier, Ibid.
(3)Voir l'étude complète du Dr A. Mebtoul sur Internet dans le site Algérie Focus.Com).
(4)Voir article de Lemnouer Merrouche , «L'ancien et le nouveau dans l'ouvrage de M'barek al Mili», analysant son oeuvre parue en deux tomes «Tarikh al-jazai'r fi l-qadim wa l-hadith»,(«Histoire de l'Algérie dans les temps anciens et nouveaux», le tome I consacré à l'antiquité, paru à Constantine en 1928) ; le tome II traitant de la période allant de la conquête arabe jusqu'à l'arrivée des Ottomans, paru en 19 32, la suite projetée, consacrée aux temps modernes, comme l'indique le titre général de l'ouvrage, n'ayant jamais paru), rapporté dans NAQD n° 11, (pp. 91-100), volume consacré aux «Intellectuels et Pouvoirs au Maghreb», itinéraires pluriels, NAQD (revue d'études et de critique sociale, Ben Aknoun, Alger 1998).
(5) Voir «L'Algérie des Anthropologues», (pp. 60-61), de Philippe Lucas et Jean Claude Vatin, Edition I.A.I.G-Ain Benian -Alger 2009. (Ouvrage publié avec le soutien du Ministère de la Culture, 1ère édition en 1976, en France).Les auteurs citent en note, enbas de page 60, les deux enquêtes géographiques et historiques sur Oran et Alger de René LESPES: «Alger, Esquisse de géographie urbaine», Jourdan Alger, 1925 ; «Oran, Etude de géographie et d'histoire urbaines», Jourdan, Paris 1938.
(6) Voir article : «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr» de René LESPES, paru dans la Revue Africaine (pp. 81-85, volume 67, année 1926), Archives consultables sur Site Net Algérie Ancienne, Collection Revue Africaine rééditée par l'O.P.U. (Office des Publications Universitaires, Alger).
(7) On a consulté sur ce point les ouvrages suivants : JOMARD, Les monuments de la géographie, Paris (sans date) - KONRAD KRETSCHNER, Die italienischen portolane des Mittelalters, Heft IS. Febr. 1909 der Veroffentlichungen des Instituts fur Meereskunde u.des geographischen Instuts an der Universitat Berlin herausgegeben von deren Direktor Albrecht Penk, Berlin- CHARLES DE LA RONCIERE, La découverte de l'Afrique au Moyen-âge, Cartographes et explorateurs, tome II. Le périple du continent, Société royale de Géographie d'Egypte, Le Caire 1925, ainsi que les documents anciens et les fac-similés de la Bibliothèque Nationale de Paris, département des cartes.
(8) K.KRESTSCHNER, ouv. Cité
(9) Bib.Nation, Cartes Ge. B 1118
(10) EL-BEKRI, trad. De SLANE, Paris 1859, p. 191.
(11) Bib.Nation. G.B. 1131
(12) Le nom de Soler parait être celui de la petite ville mayorquine
(13) CH.DZ LA RONCIERE, I. p. XV.
(14) K. KRETSCHNER, ouv. Cité
(15) Voir article : «L'origine du nom français «d'Alger» traduisant «El Djezaïr», de René LESPES, Ibid.
(16)Voir l'Avant-propos de Jean-Jacques Gonzales de l'ouvrage collectif «2000 ans d'Algérie», tome I, atlantica éditions, Biarritz 1998-Editions Séguier , Paris 1998.
(17) Voir ouvrage de Philipe Lucas et Jean-Claude Vatin «Algérie des chimères et des idées historiquement condamnées, mais singulièrement vivaces», cité en Avant-propos de L'Algérie des anthropologues, Editions I.A.I.G, Ain Benian, Alger 2009
(18) Albert Labarre, Histoire du livre, collection Que sais-je ?, Puf, Paris 1970, Dahlab, Alger 1994.
(19) Cheikh Anta Diop, «Nations, nègres et culture», de Cheikh Anta Diop). ; E.F.Gautier, «Le passé de l'Afrique du Nord», chap.1 La préhistoire, p. 23- 24- 29, éditions P.B. Payot, Paris 1962.
(20) Ginette Aumassip, «L'Algérie des premiers Hommes», éditions Maison des Sciences de l'Homme», Paris 2001
(21) AAAS), a publié le 29 novembre 2018
(22)Voir ouvrage de Saida Bencheikh -Boulanouar «L'Algérie par ses archives- Du royaume de Tihert à la colonisation (VIIIe-XXe siècles)», P. 17, 21, Casbah Editions, Alger 2015
(23) Voir l'entretien avec M. Michel Raimbaud, ancien diplomate français, conférencier en relations internationales, réalisé par Ghania Oukazi, publié dans Le Quotidien d'Oran du lundi 08 juin 2020).
(24) Voir l'entretien avec M. Michel Raimbaud, dans Le Quotidien d'Oran, Ibid.
(25) Voir l'ouvrage du Dr Ahmed Bensaada, «Arabesque$», éditions Investigations, France 2011, et «Arabesque américaine» éditions Investigations, (France 2019).
(26) Voir article «Une Révolution démocratique» paru le 15 Novembre 1957 dans El Moudjahid, organe central de l'historique FLN, reproduit par son auteur, Redha Malek, alors anonyme, dans son ouvrage -document «Guerre de libération et révolution démocratique», pp. 91-97, Casbah Editions, Alger 2010.
par Mohamed Ghriss
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5291476
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