Gabrielle, Béatrice, Dominique, Eliane, Anne-Marie, Huguette, Claudine, Françoise, Eliane, Junon, Epervier et enfin Isabelle.
Ces prénoms s’égrènent dans le tourbillon de l’histoire de la guerre d’Indochine, ils sonnent comme le tintement de la mitraille dans la tête de ceux qui sont revenus de la cuvette.
Maudite cuvette de Diên Biên Phu où l’héroïsme n’a rien pu faire face au nombre et, malheureusement, la cécité du commandement. Langlais, Bigeard, Bréchignac, Tourret, Bottela, Gaucher, Guiraud, la liste est encore longue et je ne peux citer tous les héros de cette bataille car je devrais citer la quasi-totalité de tous ceux qui se retrouvèrent dans cet enfer et qui pour beaucoup laisseront leur vie dans le cloaque des tranchées ou bien dans les camps de la mort communistes.
Aujourd’hui qui se souvient ? Qui est là pour honorer la mémoire de ces gosses de dix-huit ans morts sur Eliane ou bien traumatisés par un salaud comme Boudarel ? Qui est là pour se souvenir de tous ces Annamites et Thaïs, et autres que nous avons abandonnés et qui pour certains payent encore aujourd’hui leur fidélité à la France ? Pas grand monde, notamment chez nos dirigeants, car pour beaucoup l’ignorance domine, une ignorance crasse qui veut faire de la guerre d’Indochine l’aventure d’une poignée de coloniaux que l’on retrouvera putschistes quelques années plus tard en Algérie. Heureusement aujourd’hui le cercle, de plus en plus restreint, des anciens d’Indo, les anciens combattants et certains patriotes, ceux qui n’oublient pas leur Histoire, sont présents.
Mais au-delà de Diên Biên Phu, au-delà de l’histoire écrite et falsifiée par certains, c’est à tous les combattants d’Indochine que je pense aujourd’hui. A ces hommes, et à ces femmes, valeureux, dignes et intègres qui se sont battus et pour beaucoup qui sont tombés en ces terres lointaines. Venus de France ou bien d’Europe, d’Afrique du nord ou de l’Afrique noire mais aussi autochtones, annamites, cambodgiens, laotiens ou bien issus des différentes ethnies peuplant les Hauts Plateaux ou les montagnes du Tonkin. Ils ont lutté sans jamais faiblir, dans la boue des rizières, dans l’enfer de la RC4, dans les deltas du Mékong ou du Fleuve Rouge, sur les Hauts Plateaux ou bien dans la jungle du Laos.
De victoires éclatantes en désastres glorieux, de Vinh-Yen à Diên Biên Phu, de l’euphorie de Tu-lé à l’horreur des camps de rééducation, ils n’ont pas failli à la tradition d’honneur et de bravoure de nos armées. Comme l’a écrit un observateur présent lors des obsèques de Bernard de Lattre de Tassigny, tombé à Ninh Binh en 1951, « le meilleur sang de la France coulait en Indochine et son peuple ne le reconnaissait pas. Avec le lieutenant Bernard de Lattre, les morts anonymes des rizières ont eu droit aux larmes de la France ».
Aujourd’hui si les larmes n’ont pas tout à fait séché, l’admiration demeure.
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