Chroniques d'un monde désorienté. Recueil d'articles de presse de Karim Akouche. Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou, 2018, 700 dinars, 247 pages.
Il ne veut pas se taire. Tout avait commencé, dit-il, en août 2013. Ayant, dit-il, subi les affres de l'islamisme en Algérie et se retrouvant au Canada (après être parti de France, en 2008, un pays «en déliquescence économique et morale» et où, à la télé et dans la presse écrite, «on met les étrangers à l'index et on leur fait porter la responsabilité de la crise sociale»), il lance un «cri» par le biais d'une tribune de presse... pour dénoncer la venue au Palais des Congrès de Montréal, d'un «groupe de prédicateurs fanatiques». Il avertit des «dangers de l'hydre islamiste, tapie à l'ombre des institutions occidentales». Il y dénonce, aussi, les «faux humanistes et les extrémistes de la tolérance», ainsi que «la tyrannie de la morale et de la peur qui s'est emparée de la classe politique et médiatique, en Europe et en Amérique du Nord».
Le recueil est un long fleuve tumultueux d'articles et de chroniques de presse -ne racontant pas les événements, mais montrant les failles de ceux qui les font et faisant entendre les cris de ceux qui les subissent- allant de 2015 à janvier 2018 (plus d'une cinquantaine), presque tous liés à l'actualité douloureuse du moment (les poèmes y compris), tous des «textes de combat et de réflexion», qu'il a rassemblés et présentés en sept grands chapitres.
Cibles principales... la «triple barbarie», celle qui, pour lui, menace le monde: «l'islamisme, l'extrême droite et l'hyperlibéralisme». On a donc:
l'Islam, l'islamisme et leurs avatars/Algérie, Afrique du Nord, Kabylie/Occident, France, Etats-Unis, Consumérisme/Liberté d'expression/Québec, Canada/Réflexions/Amour et révolte en poèmes/Et, en annexes, le «mémoire» présenté en février 2014 à l'Assemblée nationale du Québec au sujet du projet de loi 60 portant sur la laïcité, et deux entretiens, en avril 2016, avec la presse algérienne («L'Expression», «El Watan»).
L'auteur: Ingénieur de formation. Né en 1978, établi au Québec (Canada) depuis 2008. Romancier, poète, journaliste-chroniqueur, il a déjà publié plusieurs romans (édités au Canada et en Algérie: «La Religion de ma mère» -voir Médiatic du 25 mai 2017- et «Allah au pays des enfants perdus» - voir Médiatic 26 mai 2016), un conte et une pièce de théâtre jouée à Montréal où il réside. Participe régulièrement aux rencontres littéraires à l'étranger et en Algérie (où il a même, en certains moments (mars 2017 et avril 2016), été l'objet (et auteur ?) d'une polémique (voir pp 86 et 239).
Extraits: «L'islamiste est partout le même. Il carbure à la haine. Son vocabulaire est pauvre. Il ne maîtrise que quelques verbes, souvent équivalents: tuer, exécuter, massacrer, violer, brûler, détruire... Il ne lit qu'un seul livre, le Coran» (p 27), «Le peuple est hagard, «l'intellectue» fait celui qui ne voit pas d'abus. L'argent corrompt l'art et l'intelligence. Les droits de l'homme sont remplacés par le devoir de se taire. Ne sois pas fâché contre les révolutionnaires de la dernière cartouche, ils ne savent pas ce qu'ils gaspillent: leur liberté» (pp 84-85), «Coupables, les tyrans qui mènent le navire à la dérive, mais doublement coupable le peuple qui y embarque avec docilité. La responsabilité des uns est validée par l'infamie des autres» (p 93), «Les démocraties libérales et les monarchies du Golfe partagent une dangereuse passion: l'amour infini du dieu Argent» (p 118), «L'extrême droite et l'islamisme ne sont pas des ennemis, ils sont des frères siamois qui se nourissent mutuellement» (p 143), «Les Algériens ne savent pas ce qu'ils font ni ce qu'ils sont: Berbères, Arabes, Musulmans ? Menacés par de multiples courants, ils s'accrochent aux épaves. Tout est résumé dans ce slogan absurde: «One, two, three, viva l'Algérie !». Trois langues étrangères et aucune langue nationale !» (p 241)
Avis : Un style «mitraillette» alternant monologue et récit. Donc facile à lire, facile (?!) à comprendre, malgré l'impression d'un «fourre-tout» facilité par ce type d'écriture. A l'image de la personnalité très, très, très engagée (sur la laïcité entre autres)... enragée même... et on le comprend souventes fois. Des «vérités» qui peuvent choquer. Si, tout au long de mes écrits, dit-il, «j'ai jappé comme un tigre ivre,c'est dans le but de faire naître un monde meilleur». Lecteurs déjà fragilisés par un trop-plein d'humanisme, attention au risque de contagion.
Citations: «On doit laisser sa divinité sur le seuil de sa demeure. La croyance, c'est la foi et la foi est une flamme que l'on doit éteindre en public» (p 16), «La vérité n'existe pas réellement, il n'y a que son illusion. Celui qui la revendique envers tous et contre tout, avec ferveur et suffisance, est un fanatique» (p 20), «L'art n'est art que quand il est démesure» (p 31), «L'islamiste est le djihadiste de demain. Le djihadisme est le califat d'hier»(p 47), «L'Algérie est une pièce de Shakespeare ratée. C'est un bazar surchauffé, un cauchemar climatisé» (p 64), «Le temps ne triche pas, il finit toujours par rétablir l'équilibre» (p 85), «Ecrire, c'est peindre les yeux fermés. Ecrire, c'est tremper son pinceau dans l'encre, dans du café, dans des larmes, dans la boue, dans du foutre, dans du sang.
C'est selon l'alchimie du moment. C'est selon le rythme du pouls» (p 140), «L'islamisme est comme le chiendent: il ronge les cultures» (p 167), «L'art naît et se nourrit du doute. Le circonscrire par des lois, c'est l'étouffer» (p 171), «La révolte dépourvue de tout désir de paix n'est qu'un vacarme de train rouillé en partance pour le néant» (p 220).
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5260891
« Karim Akouche sait dire ce qu’il a à dire, sans peur et sans fioritures. Très rares, dans sa génération, sont ceux qui s’engagent intellectuellement, moralement et politiquement dans le combat contre l’intolérance, le fanatisme, le nationalisme et autres folies qui font le malheur des peuples. » Boualem Sansal.
« En France comme partout ailleurs, l’air est devenu irrespirable. Le débat d’idées est confus, il a besoin d’une remise en ordre et d’une cure de vérité. La dictature de l’émotion, de la vitesse et de la simplification doit céder sa place à la clarté, à la raison, à l’apaisement. »
Partant de ce constat, le romancier et essayiste algérien Karim Akouche pousse un cri d’alarme. Un appel, qui brasse des thèmes tels l’islamisme et ses avatars ; la laïcité et ses ennemis ; les démons de la France et de l’Algérie ; l’ultra-consumérisme ; le règne du spectacle…
En point d’orgue de cette anthologie, une lettre lue par des millions de personnes dans le monde : Lettre à un soldat d’Allah, adressée à un jeune homme conquis par l’idéologie djihadiste, que l’auteur questionne d’un « tu » assassin.
Les titres des autres chroniques annoncent la couleur : « Déchire ton niqab », « Les faux
humanistes et les idiots utiles de l’islamisme », « Prêcheurs de haine, je vous emmerde »,
« L’Algérie arabe est une imposture », « Confidences à Camus », « Marx est mort, vive
Mahomet ! »…
Ce recueil sera adapté au Festival d’Avignon en juillet 2018.
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