Poèmes pour l'Algérie heureuse
~~~Assia Djabar ~~~
Neiges dans le Djurdjura
Pièges d'alouette à Tikjda
Des olivettes aux Ouadhias
On me fouette à Azazga
Un chevreau court sur la Hodna
Des chevaux fuient de Mechria
Un chameau rêve à Ghardaia
Et mes sanglots à Djémila
Le grillon chante à Mansourah
Un faucon vole sur Mascara
Tisons ardents à Bou-Hanifia
Pas de pardon aux Kelaa
Des sycomores à Tipaza
Une hyène sort à Mazouna
Le bourreau dort à Miliana
Bientôt ma mort à Zémoura
Une brebis à Nédroma
Et un ami tout près d'Oudja
Des cris de nuit à Maghnia
Mon agonie à Saida
La corde au cou à Frenda
Sur les genoux à Oued-Fodda
Dans les cailloux de Djelfa
La proie des loups à M'sila
Beauté des jasmins à Koléa
Roses de jardins de Blida
Sur le chemin de Mouzaia
Je meurs de faim à Médea
Un ruisseau sec à Chellala
Sombre fléau à Medjana
Une gorgée d'eau à Bou-Saada
Et mon tombeau au Sahara
Puis c'est l'alarme à Tébessa
Les yeux sans larmes à Mila
Quel Vacarme à Ain-Sefra
On prend les armes à Guelma
L'éclat du jour à Khenchla
Un attentat à Biskra
Des soldats aux Nementcha
Dernier combat à Batna
Neiges dans le Djurdjura
Piéges d'alouette à Tikjda
Des olivettes aux Ouadhias
Un air de fête au coeur d'El Djazira
Assia Djebbar, l'un des noms les plus connus de la littérature algérienne d'expression française dans le monde, est décédée ce vendredi soir dans un hôpital parisien des suites d'une longue maladie. L'annonce a été faite par sa famille alors que des informations contradictoires ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Née Fatma-Zohra Imalayène à Cherchell, wilaya de Tipaza, le 30 juin 1936, Assia Djebbar est considérée comme l'un des intellectuels maghrébins les plus influents et les plus traduits ( en 23 langues) et a écrit de nombreux romans, poésies et essais ainsi que des pièces de théâtre. Elle a également deux films, «La Nouba des Femmes du Mont Chenoua» en 1978, long-métrage qui lui vaudra le Prix de la Critique internationale à la Biennale de Venise de 1979 et un court-métrage «La Zerda ou les chants de l'oubli» en 1982. Elle naît dans une famille de petite bourgeoisie traditionnelle algérienne amazighe et passe son enfance à Mouzaïaville (Mitidja), étudie à l'école française puis dans une école coranique privée. À partir de 10 ans, elle étudie au collège de Blida, faute de pouvoir y apprendre l'arabe classique, elle commence à apprendre le grec ancien, le latin et l'anglais. Elle obtient le baccalauréat en 1953 puis entre au lycée Bugeaud d'Alger (actuel lycée Emir Abdelkader). En 1954, elle intègre le lycée Fénelon (Paris) et une année plus tard, elle devient la première algérienne et la première femme musulmane à intégrer l'École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres où elle choisit l'étude de l'Histoire. À partir de 1956, elle décide de suivre le mot d'ordre de grève de l'UGEMA, l'Union générale des Étudiants musulmans algériens, et ne passe pas ses examens. C'est à cette occasion qu'elle écrira son premier roman, La Soif. Pour ne pas choquer sa famille, elle adopte un nom de plume, Assia Djebar. Elle épouse l'écrivain Walid Carn, pseudonyme de l'homme de théâtre Ahmed Ould-Rouis. À partir de 1959, elle étudie et enseigne l'histoire moderne et contemporaine du Maghreb à la Faculté des lettres de Rabat. En parallèle, aidée par l'islamologue Louis Massignon, elle monte un projet de thèse sur Lella Manoubia, une sainte matrone de Tunis. Le 1er juillet 1962, elle retourne en Algérie où elle est nommée professeur à l'université d'Alger. Elle est le seul professeur à dispenser des cours d'histoire moderne et contemporaine de l'Algérie. L'enseignement en arabe littéraire est imposé, ce qu'elle refuse et quitte alors l'Algérie. De 1966 à 1975, elle réside le plus souvent en France et séjourne régulièrement en Algérie. Elle épouse en secondes noces Malek Alloula. En 1999 elle soutient sa thèse à l'université Paul-Valéry Montpellier, une thèse autobiographique, sur sa propre oeuvre : Le roman maghrébin francophone, entre les langues et les cultures : Quarante ans d'un parcours : Assia Djebar, 1957-1997. La même année, elle est élue membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Depuis 2001, elle enseigne au département d'études françaises de l'université de New York. Le 16 juin 2005, elle est élue au fauteuil de l'Académie française, succédant à Georges Vedel, et y est reçue le 22 juin 2005. Elle est docteur honoris causa des universités de Vienne (Autriche), de Concordia (Montréal), d'Osnabrück (Allemagne). Auteur de plus d'une quinzaine d'œuvres entre romans, essais, recueil de poésie ou de nouvelles, elle a reçu plusieurs distinctions et prix littéraires comme le Prix Maurice Maeterlinck (Bruxelles), en 1995, l'International Literary Neustadt Prize (États-Unis), une année plus tard, le Prix Marguerite Yourcenar (Boston) en 1997 ou encore le Prix international Pablo Neruda (Italie) en 2005. Assia Djebbar reste aussi la seule algérienne à avoir été proche d'un Prix Nobel de littérature qui ne lui a jamais été octroyé bien qu'elle ait été à plusieurs fois nominée.
Moncef Wafi
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