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par Mohammed Beghdad
Y'en a marre de voir une grande partie de la jeunesse de mon pays, 50 ans après l'indépendance, qui ne recherche que les opportunités qui se présentent pour tenter de s'évader à travers les mers vers d'autres horizons plus cléments pour s'épanouir et s'émanciper.
Y'en a marre de voir mon pays ne compter que sur la rente pour survivre avec des lendemains incertains lorsque la dernière goutte serait tarie et absorbée.
Y'en a marre de voir mon pays importer presque la totalité de toute son alimentation pour nourrir ses bouches assistées qui n'attendent que l'arrivage des bateaux pleins à craquer de marchandises de l'aiguille à coudre jusqu'à la voiture grosses cylindrées en passant par la nourriture des bestiaux.
Y'en marre de voir les plus vastes terres du plus grand pas d'Afrique en superficie insuffisants pour suffire aux besoins de sa population d'à peine 36 millions d'habitants.
Y'en a marre de voir mon pays n'exporter que quelques insignifiants pourcents de ses produits hors hydrocarbures en se demandant ce qui pourrait nous arriver demain d'un futur improbable.
Y'en a marre de voir dans mon pays tout ce temps perdu à tourner autour du pot alors que les solutions prônées et à suivre sont claires et recommandées par les experts, les observateurs et les politiques les plus avertis.
Y'en a marre de voir le niveau d'instruction dégringoler alors que les proliférations des mentions au baccalauréat indiquent bizarrement tout à fait l'opposé.
Y'en marre de voir de larges couches sociales gagnées par l'optimisme et la perte de confiance en ses gouvernants qui perdurent dans les mêmes stratégies.
Y'en a marre de voir tous ces millions de diplômés universitaires chômer alors que le pays n'arrive même pas à former d'ouvriers qualifiés.
Y'en a marre de voir mon pays occuper les places les basses des classements mondiaux dans de nombreux domaines mis à part quelques exceptions de l'équipe nationale mais encore une fois dépendant de l'étranger.
Y'en a marre de voir les rues des villes, des villages et des rases campagnes de mon pays demeurer sales, puantes et polluantes toute l'année.
Y'en-marre de souffrir lorsqu'on tombe malade et qu'on ne trouve pas un hôpital décent dans le pays pour mourir dans la dignité si le destin en décidait ainsi.
Y'en-marre de marcher dans la rue les mains serrées sur vos poches par la crainte d'être subitement agressé.
Y'en-marre de voir toutes ces maisons et des immeubles à fenêtres barricadées et portes blindées par du fer gorgé où vous avez l'impression d'étouffer et la sensation de ne plus être en sécurité.
Y'en-marre de lire dans la presse des règlements de compte entre bandes rivales s'affronter comme au moyen-âge à coup de couteaux et d'épées aiguisées dans des quartiers de nos villes au point où vous avez envie de ne plus sortir de chez vous et en voulant changer de quartier.
Y'en a marre de voir ces images à la télévision de tonnes de hachisch saisis sur des contrebandiers qui inondent un marché florissant et qui pourrissent une jeunesse livrée à elle-même et déboussolée.
Y'en a marre de voir des matchs de football de nos championnats se terminer en pugilats sur le terrain suivis de batailles rangées entre supporters adverses dans les gradins et se terminant à jets de pierres et de coups de sabres dans les rues.
Y'en a marre de voir les rues des villes occupées par le commerce informel qui reste un réel danger pour l'économie et l'avenir du pays au grand dam de la loi et des impôts.
Y'en a marre de voir les routes de mon pays tuer chaque année des milliers de personnes et provoquer de nombreux invalides sans que cesse la calamité.
Y'en a marre de voir des postes occupés par des incompétents au lieu et place de toutes ces potentialités indéniables qui sont marginalisées.
Y'en a marre de voir toutes ces cooptations et de solides connaissances pour accéder à ces fonctions qui devraient revenir de droit aux meilleurs choix possibles pour l'intérêt du pays.
Y'en a marre de voir tous ces élus, même mauvaisement choisis, dépouillés de presque toutes leurs prérogatives au profit de ses désignés qui s'arrogent le droit d'en user et d'abuser sans la possibilité de rendre compte aucunement.
Y'en a marre de voir tous ces responsables s'envoler dans la nature en ne rendant compte ni sur le plan financier ni encore moralement sur les charges qu'ils ont occupées.
Y'en a marre de voir partout ces services publics sévir contre les administrés sans avoir le droit de rouspéter par la crainte de voir repousser leurs demandes aux lendemains conditionnels.
Y'en-marre de subir les affres d'un service public qui vous fait endurer le martyre sans que les textes sévissent contre l'abus d'autorité.
Y'en a marre de voir l'impunité régner partout dans le pays sous les yeux de ces responsables au point de se demander où se trouvent les autorités ?
Y'en a marre de voir confondre dans ce pays le secteur privé du secteur public, ce dernier qui devient une propriété quasiment privée.
Y'en a marre de voir l'injustice perdurer en maîtresse des lieux dans le pays où la Hogra s'est érigée pour longtemps et pourrait s'installer à satiété.
Y'en a marre de constater amèrement l'attente de plusieurs générations qui désespèrent de reprendre un jour le flambeau tant réclamé.
Y'en a marre de lire dans les journaux toutes ces affaires de corruption qui gangrènent dans le pays sans que des décisions adéquates soient préconisées pour éradiquer les maux de ce fléau.
Y'en a marre de voir toutes ces malfaçons de ces réalisations, une fois livrées, partout de ces projets effectués à coups de milliards et refaits seulement quelques années après aux coûts doublés ou multipliés.
Y'en a marre de voir les dépenses des budgets dépassaient de très très loin ceux des recettes sans que l'on tire les amères conclusions.
Y'en a marre de voir traiter ce pays comme les mamelles d'une vache suissesse en lui extorquant toute sa production sans lui céder aucune récompense ni satisfaction.
Y'en a marre de voir mon pays de disposer sous sa soute des centaines de milliards comme réserves sans que l'on ne réfléchit sur le devenir des descendances à venir pour leur laisser de quoi se rappeler de nos mémoires une fois n'être plus de cette vie.
Y'en a marre de voir tout cet argent partir en fumées avec des projets farfelus lorsque les idées sont en panne et bloquées sur toute la ligne.
Y'en a marre de voir perdurer l'illégitimité qui prenne le dessus de tous les espaces du pays.
Y'en a marre de voir ces partis agréés par dizaines, mis à part quelques rares oiseaux inaudibles, mais incapables de résoudre le moindre problème de mon pays.
Y'en a marre de voir mon pays gaspiller autant de fonds, de potentiels et d'énergie pour ne recueillir que des miettes au bout du rouleau.
Y'en a marre d'entendre tous ces discours qui s'avèrent par la suite creux et vagues et qui perpétuent les mensonges à vous faire dormir debout.
Y'en a marre de confier nos enfants à un système éducatif qui ne fait que reculer davantage le pays et d'hypothéquer pleinement son devenir et sa pérennité.
Y'en a marre de voir beaucoup de privilégiés dévalisaient le pays et pourraient filer à l'anglaise si le pays serait en difficultés.
Y'en a marre de voir et d'écouter à longueur d'années la langue de bois sévir et se vivifier de la plus belle des façons dans les journaux télévisés au point de vous assommer.
Y'en a marre de voir des responsables lançaient des farces pour ensuite, au tournant de la rue, les y croire fortement.
Y'en a marre de voir des hommes qui n'ont rien de politique changeaient de partis comme l'on change de veste allègrement.
Y'en a marre de voir des futurs responsables ne choisir pas leur parti pour leur programme mais ils le font pour celui qui leur garantiraient le plus de succès pour ouvrir les sésames.
Y'en-marre de subir durant l'été ces coupures d'électricité et d'eau sans tenir compte de l'abonné qui paie pourtant ses factures et dont ses droits sont piétinés.
Y'en-marre de voir encore ces images intenables de bidonvilles tout en sachant que le pays possède en ce moment 200 Milliards de Dollars au fond de son matelas épais.
Y'en-marre de voir les espaces verts se rétrécir tous les jours et le feu carboniser chaque année une grande part de nos forêts.
En attendant des jours meilleurs où ce mot « Y'en a marre » serait banni à jamais de notre vocabulaire, tels sont les vains vœux les plus chers de chacun de nous mais qui s'éloignent malheureusement de plus en plus à chaque fois que l'on croyait à un proche dénouement. La longue nuit continue de nous hanter mais jusqu'à quand l'éventuel éclat du jour ?
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