La stèle de Tipasa
Après la disparition d'Albert Camus (le 4 janvier 1960) ses amis se réunissaient souvent notamment dans la galerie d’art que dirigeait Edmond Charlot. C’est là qu’ils émirent le projet de rendre un hommage à Camus par l’érection d’une stèle à Tipasa. La décision définitive fut prise à Lourmarin par Francine Camus, Jean de Maisonseul, Louis Bénisti et Louis Miquel. Ce dernier reçut mission de trouver à Tipasa l’emplacement qui conviendrait à une telle implantation. Le site choisi était placé sur une ligne joignant le sommet du Mont Chenoua au Tombeau de la Chrétienne. On fit appel au talent de sculpteur de Louis Bénisti pour graver, en caractère romain sur une pierre antique, une phrase de Noces : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure. » Ce choix eut l’accord de René Char et de Jean Grenier.
Camus avait emprunté cette phrase à Saint-Augustin : » La mesure d’aimer, c’est aimer sans mesure. »
L’installation de la stèle fut confiée à Louis Miquel qui l’effectua avec l’aide, tout à fait amicale et désintéressée de l’entrepreneur Alfred Espert. Son inauguration eut lieu le 29 avril 1961 à une époque particulièrement troublée par la fin de la guerre d’Algérie. A cette émouvante cérémonie assistait un petit groupe d’amis (1) qui, peu de temps auparavant étaient présents à l’inauguration d’un magnifique centre culturel à Orléansville (Chlef aujourd’hui) Ce bâtiment, œuvre des architectes Louis Miquel et Roland Simounet, allait bientôt recevoir le nom de « Centre Culturel Albert Camus » . (2)
Jean-Pierre Bénisti
(1)Il s’agissait de : Louis et Jeanne Miquel, Charles et Alice Poncet, Alfred Espert et sa femme, Jean-Pierre et Jeanne Faure, Roland Simounet, Edmond Charlot, Jean Bossu, Marcel Mauri, Maurice Girard, Edmond Brua, Marcelle Bonnet-Blanchet, Pierre-André et Germaine Emery, Jean et Mireille de Maisonseul, Louis, Solange et Jean-Pierre Bénisti.
(2) Camus s’était intéressé à la construction de ce centre et notamment de son théâtre..
Voir :
Jean-Pierre Bénisti : Bénisti, Camus et Tipasa. Actes du Colloque d’Alger et Tipasa avril, 2006. Camus et les lettres algériennes, sous la direction de Afifa Bererhi. Blida, éditions du Tell, 2007
Jean-Pierre Bénisti : La stèle de Tipasa, Collection Lubenoua,, Rousset, éditions de la Bastide, 2010.
Amina Bekkat : Le Malentendu : in Albert Camus, précurseur: Méditerranée d'hier et d'aujourd'hui actes du colloque de Madison, 2006, sous la direction se Alek Baylee Toumi.
Maïssa Bey : L’ombre d’un homme qui marche au soleil, Réflexions sur AC Préface de Catherine Camus. Le Chévrevrefeuille étoilée, Montpellier , 2004,réédition, 2006.
Maïssa Bey : Vous cherchez Camus, il est là-bas ! Le Monde, 5 mai 2006.
http://ddooss.org/libros/768138_sup_liv_060504.pdf
Jean-Pierre Castellani : De Albert Camus a Maïssa Bey, miradas cruzadas, de una Argelia a otra
http://bibliotecavirtual.unl.edu.ar:8180/publicaciones/bitstream/1/2229/1/HF_5_6_pag_78_84.pdf
Henri Tincq : Augustin d’Hippone, un intellectuel engagé devenu « docteur de la grâce », Le Monde, 15 juillet 1999.
http://www.litt-and-co.org/citations_SH/r-z_SH/tincq_st-augustin.htm
Photos Jean-Pierre Bénisti prises le 28 avril 1961
.
à Albert Camus
Comme un souvenir
je t'ai rencontrée,
personne perdue;
Comme la folie,
encore inconnue;
Fidèle, fidèle
sans voix , sans figure,
tu es toujours là.
Au fond du délire,
qui de toi descend.
je parle j'écoute
et je n'entends pas.
Toi seule, tu veilles
tu sais qui je suis.
La terre se tourne
de l'autre côté,
je n'ai plus de jour
je n'ai plus de nuit ;
le ciel immobile
le temps retenu
ma soif et ma crainte
jamais apaisée,
pour que je te cherche,
tu les a gardés.
Soeur inexplicable,
délivre ma vie,
laisse-moi passer !
Si de ton mystère,
je suis corps et biens
l'instant et le lien,
ô dernier naufrage
de cette saison,
avec ton silence
avec ma douleur,
avec l'ombre et l'homme,
efface le dieu !
Faute inexplable
je suis sans remords,
Dans un seul espace,
je veux un seul monde
une seule mort.
.
Jean TARDIEU
Jours pétrifiés
Éditions Gallimard 1948
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