Son
rapport à l’écriture et le poids de l’histoire auront été un lien et un
point commun que sont la guerre et ses conséquences, grands axes pour
lesquels l’Espagnole Juana Salabert et l’Algérienne Wassila Tamzali ont
été invitées à Oran, pour une rencontre avec le public à l’Institut
Cervantès d’Oran. Wassila Tamzali livre dans cet entretien ses pensées
et les grands thèmes qui caractérisent ses œuvres littéraires.
Elle capitalise derrière elle de longues années de militantisme avant
de se décider à revenir sur un drame familial, prétexte à une réflexion
sur la vie, ses combats, ses secrets, ses espoirs dans un livre
intitulé Une éducation algérienne.
Pourquoi cet intérêt tardif pour la littérature ? Bio-Express Wassila Tamzali est née en 1941. Avocate entre 1966 et 1977 à Alger,
elle a également été rédactrice en chef de l’hebdomadaire maghrébin
Contact (1970-1973). Elle rejoint l’Unesco dès 1979 pour être chargée
du programme sur les violations des droits des femmes. A partir de
1989, elle est cadre au FFS. En 1991, elle organise la participation de
l’Unesco à la 4e conférence mondiale des femmes à Pékin. En 1992, elle
est membre fondateur du collectif Maghreb Egalité. Elle contribue à
partir de la même année à l’ouverture d’un centre pour les femmes pour
la paix dans les Balkans et le respect des différences culturelles. En
1995, elle est chargée de rédiger le rapport de l’Unesco sur le viol
comme arme de guerre avant d’être nommée directrice du programme de
l’Unesco pour la promotion de la condition des femmes de la
Méditerranée.
Je
suis venue tardivement à l’écriture mais, auparavant, j’étais une
grande lectrice. Dans mon livre, j’ai tenu à ce que chaque phrase soit
réécrite et chaque mot soit le reflet exact de ma pensée avant d’être
placé. Un travail laborieux car mon souci était de reconstruire une
tragédie avec comme toile de fond des faits historiques, quelques fois
des anecdotes mais tout en gardant un fil conducteur dramatique, au
sens artistique du terme. La manière dont mon père a été tué et la
question du pourquoi qui reste pendante, laisse imaginer la stupeur
qu’il a dû ressentir en étant tué par un enfant de son pays.
Peut-on considérer que vous avez écrit pour vous libérer ?
Vous
savez, on ne peut pas vivre dans l’intensité de l’écriture et, en
revanche, on ne peut pas écrire comme on vit, sinon cela se réduirait à
un simple bavardage. Mon livre est une tragédie ouverte et la question
de la mort de mon père me préoccupe évidemment, mais ne hante pas ma
vie. Pour moi, la force de l’écriture réside dans la capacité
d’expliquer les situations en explorant les profondeurs et c’est pour
cela que j’ai adopté la forme en cercle et en spirale car cela me
permet de faire le tour de la question en ayant la possibilité de
revenir à la tragédie. C’est aussi le cas quand j’évoque la mort de
Abdelkader Alloula. Cela dit, je ne vis pas moi-même dans une espèce de
tragédie constante même si certains des faits que je raconte me
concernent directement.
Vous
êtes militante sur plusieurs fronts, notamment pour les droits et la
condition des femmes, votre passé a-t-il un rapport avec cet
engagement ?
Il
faut dire que je n’avais pas tellement le choix. Etant adolescente,
j’avais d’abord réfléchi à ma condition de femme mais, effectivement,
les conditions de la mort de mon père m’ont obligée à m’intéresser à la
politique mais surtout à l’histoire. En dernière étape, on peut dire
que le militantisme m’a donné une raison de vivre. L’histoire a ceci
d’intéressant, c’est qu’elle ne s’arrête jamais. Actuellement, je
m’intéresse à un sujet particulier concernant le lien entre le combat
des femmes et l’histoire et j’essaye de faire le parallèle entre
Djamila Boupacha et Simone de Beauvoir. Je veux explorer l’histoire
partagée entre une féministe au sens universel du terme et une femme
algérienne engagée dans la lutte de libération nationale. En réalité,
je ne cesse pas de raconter cette histoire et, aujourd’hui, avec le
voile imposé, ce sera une réponse à la question : « Pourquoi veut-on
oublier cette mémoire ? »
Votre rapport avec l’Espagne ...
L’Espagne
est le pays de mon grand-père maternel (la famille est venue en Algérie
en 1923). La vie est une énigme et la question de qui on est nous hante
toujours. La question identitaire est à mon avis le combustible de la
machine intérieure. Dans mon cas, ma mère a tout fait pour tenir à
l’écart cette partie espagnole et pour preuve, même après la mort de
mon père, alors qu’elle pouvait parfaitement vivre seule, elle a
préféré aller vivre chez mon grand-père paternel, car elle voulait que
j’aie « une éducation algérienne » d’où le titre du livre. Aujourd’hui,
j’essaie de redécouvrir cette partie de moi-même en m’inventant même un
rite car je vais souvent à Valencia goûter de l’orchapa, un met
traditionnel, etc. Nous avons initié un cercle méditerranéen, Carmen
Romero, pour un dialogue culturel dont les 11es rencontres ont eu lieu
au Maroc en octobre dernier. Après Napoli, en 2010, les rencontres
seront organisées à Alger avec pour thème la diffusion de la culture.
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